Chant d'Apollon (Le) : Critiques

Apollo no Uta

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 05 Avril 2012

Si l'essentiel de l'importante bibliographie d'Osamu Tezuka a désormais été publié dans notre pays, il arrive encore, de temps en temps, de voir arriver avec beaucoup de curiosité un autre titre du maître. Début 2012, en plus d'Alabaster aux éditions Flblb, ce sont les éditions Kana qui nous proposent, au sein de leur collection Sensei, un autre manga de Tezuka : Le Chant d'Apollon, publié sous la forme d'un pavé de plus de 570 pages.

Shogo Chikaishi est un jeune homme amené devant un psychiatre suite à des maltraitances répétées sur des animaux. Après investigations, il est découvert que Shogo agit ainsi uniquement envers les êtres se montrant de l'amour. En effet, il a développé une profonde haine envers le sentiment amoureux, la faute à une mère totalement dépravée.
Le psychiatre décide alors de lui administrer un traitement de choc, qui finit par avoir un étrange effet sur lui, puisqu'il se retrouve propulsé devant la Déesse de l'Amour, qui lui impose une cruelle destinée : balloté d'époque en époque, de vie en vie, il tombera à chaque fois amoureux d'une même femme, mais avant de pouvoir profiter de leur amour, l'un des deux amants sera condamné à une mort certaine...

Pendant 540 pages, nous suivrons donc Shogo dans différentes histoires à travers le temps, et reliées par un fil rouge qui n'est autre que le présent et l'évolution du héros dans celui-ci.
Comme on le devine aisément, Le Chant d'Apollon est un titre ayant pour vocation d'aborder l'amour de différentes manières selon les aventures de Shogo. Ainsi, Tezuka dresse un portrait, tantôt approfondi, tantôt tout juste esquissé, de différents éléments liés au sentiment d'amour, que ceux-ci soient bons ou mauvais : la naissance des sentiments, la jalousie, le pardon, le sens du sacrifice pour préserver l'être aimé, le faux-amour, la frontière ténue entre amour et haine... Tout ceci, le mangaka le distille au fil de son récit, parfois de manière poussée, parfois de façon succincte et très espacée, étant donné qu'il n'est pas rare de voir l'oeuvre s'écarter de ce sujet pendant des dizaines de pages pour se perdre dans des rebondissements plus ou moins bien huilés, ou pour aborder d'autres sujets que l'on a l'habitude de retrouver dans ses oeuvres, telles les révoltes de la jeunesse (reprises, en fin de tome, dans une histoire courte bancale mais intéressante), les manipulations génétiques, la façon de voir les fous, les évolutions d'une humanité ayant tendance à négliger les autres espèces ou à aller trop loin dans les nouvelles technologies. De ce fait, il règne par moments une impression d'éclatement du récit, celui-ci s'éparpillant volontiers sur d'autres sujets, ou tout simplement dans de l'action pure et simple. Néanmoins, au bout du compte, Tezuka parvient souvent à retomber sur ses pattes en ne perdant jamais totalement de vue son sujet premier.

A côté de ça, le concept du héros voyageant d'époque en époque permet à Tezuka d'instaurer un certain renouvellement dans son oeuvre. Sur ce point, le mangaka se fait plaisir en faisant parler sa créativité, chaque époque étant suffisamment éloignée de la précédente : Seconde Guerre Mondiale, île déserte, univers futuriste... Dans le Chant d'Apollon, l'aventure côtoie la science-fiction, la guerre, etc... pour un résultat varié, bien que certaines époques s'étirent beaucoup (beaucoup trop ?) par rapport à d'autres (on pense notamment au très long passage futuriste, qui, finalement donne d'ailleurs plus dans les rebondissements que dans la réflexion).

En les voyant tous deux débarquer en France le même mois, difficile de ne pas rapprocher le Chant d'Apollon d'Alabaster, tous deux s'écartant volontiers du shônen tel qu'on a l'habitude de le voir aujourd'hui. De par le souci d'enchaîner les rebondissements, le Chant d'Apollon confirme son statut de shônen. Pourtant, via les thèmes abordés et la peinture humaine et sociétale effectuée, le titre se fait plus adulte, plus sombre. On sent ici le Tezuka de plus en plus intéressé par le gekiga, genre naissant, et l'auteur avoue lui-même dans sa postface avoir volontairement ajouté une touche de gekiga dans le Chant d'Apollon.

Si, à force de multiplier les rebondissements et les sujets, le Chant d'Apollon se perd parfois un peu, le récit de Tezuka parvient souvent à retomber sur ses pattes en proposant un ensemble éclectique et intéressant, qui donne toutefois l'impression de ne pas aller au bout des choses. Une oeuvre perfectible, qui ne se dresse pas comme un indispensable de l'auteur, mais qui a de sérieux arguments susceptibles de plaire aux inconditionnels de l'auteur.


Koiwai


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs