Cat's Ai Vol.1 - Actualité manga

Cat's Ai Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 15 Juillet 2013

Les Cat's Eye sont de retour ! Série culte des années 80, cela fait presque trente ans que nous étions sans nouvelles des soeurs Kisugi, Hitomi, Rui et Ai. Les trois voleuses de charme en justaucorps nous reviennent pour de nouvelles aventures sous la plume de la scénariste Sakura Nakameguro et sous le coup de crayon du dessinateur Shin Asai.

Comme son nom l'indique, cette nouvelle série se centre autour du personnage d'Ai, la plus jeune des trois soeurs. Cat's Ai se déroule dans un univers parallèle à celui de la série d'origine où, après avoir découvert que leur père Michael Heintz était mort depuis longtemps, nos trois félines ont fini par raccrocher leur arsenal de Cat's Eye et cessé complètement leurs activités. Deux années ont passées depuis. Ai est désormais à l'université et les trois soeurs continuent de s'occuper de leur café. La vie semble avoir repris son cours normal mais le passé finit par les rattraper lorsqu'un groupe de cambrioleurs se met à commettre des crimes en leur nom. Des pertes humaines sont à déplorer au cours de leurs interventions. Les Cat's Eye, autrefois admirées pour leur classe et pour leur audace, sont aujourd'hui conspuées et perçues comme de vulgaires meurtrières. Furieuses de voir leur nom sali de la sorte, les soeurs Kisugi ne sont pas pour autant forcément partantes à revenir. Alors que Rui et Hitomi sont assez réticentes à renouer avec le passé, ayant passé les deux dernières années à tourner la page et à reconstruire leur vie, Ai fait la rencontre du journaliste Kei Narumi, l'un des rares à refuser de croire que les Cat's Eye soient devenues les vulgaires tueuses que décrivent les médias. Les admirant, il espère révéler à la société leur véritable visage: celui d'anges gardiens qui mettent leur talent au service des âmes en peine et qui protègent leur bonheur.

Ce premier tome se consacre intégralement au personnage d'Ai, délaissant pour l'heure ses deux soeurs réduites à de simples rôles secondaires. Au cours des deux intrigues qui composent ce tome, nous apprenons à redécouvrir le personnage d'Ai à une autre période de sa vie qui, comme ses deux soeurs, n'est plus tout à fait celle que nous avions connu au cours de la série originale. Finie la jeune fille gaffeuse avec ses inventions loufoques et son humour impertinent plein de saveur, Ai nous apparait à présent comme une jeune femme charmante, à peine entrée dans l'âge adulte, et qui a le coeur tourné vers les autres. Toutefois, elle a encore du mal à se concilier sa vie actuelle avec son existence passée de Cat's Eye, ayant du mal à accepter ses actes criminels, quelles qu'aient été ses intentions à l'époque. Elle refuse surtout de se faire à l'idée que tous les efforts que ses soeurs et elle avaient investis à l'époque n'aient servi à rien, comme si la recherche de Michael Heintz avait été la seule raison d'être de Cat's Eye et que la découverte de sa mort avait suffi à y mettre un terme. Mais Cat's Eye est-il vraiment quelque chose auquel on peut renoncer aussi facilement après l'avoir accepté comme une partie de sa vie pendant si longtemps ? En cherchant une nouvelle raison à l'existence de Cat's Eye, Ai entame une quête intérieure visant à accepter son passé et, surtout, à accepter Cat's Eye comme une autre facette d'elle-même.

Les auteurs de Cat's Ai ont donc pris le parti d'une direction inédite, choisissant de concevoir leur propre version de Cat's Eye au lieu d'assumer la continuité directe avec l'oeuvre originale de Tsukasa Hojo. Un choix assez audacieux qui, de ce fait, les prive de reprendre le casting de la série originale (adieu Toshio !), exception faite des soeurs Kisugi, les auteurs introduisant dès lors leurs propres personnages. Le premier d'entre eux est Kei Narumi, un personnage régulier qui semble destiné à devenir l'intérêt amoureux de Ai. Narumi possède une connexion avec le passé de Cat's Eye et il est l'un des rares à refuser de croire que la voleuse qu'il admire puisse tuer ainsi de sang-froid. S'ensuit toute une suite de dialogues qu'on croirait tirés du manga Angel Heart où le journaliste passe trois plombes à nous expliquer tout le bien que Cat's Eye a semé en parallèle de ses activités de cambrioleuse, le tout surchargé d'émotions tirant volontiers sur la corde sensible avec Ai qui se met à chialer en découvrant le bonheur de deux personnages qu'elle a réussi à préserver grâce à ses talents hors-norme.

Le ton est donné: Cat's Ai est l'alter-ego "félin" du manga Angel Heart. Les auteurs n'hésitent d'ailleurs pas à s'inspirer de ce dernier mais, si on en retrouve l'esprit, on n'en retrouve pas pour autant la patte inimitable de Tsukasa Hojo. Ce qui frappe notamment, c'est de voir à quel point Ai reste passive tout le long de cette intrigue. Le personnage s'interroge mais elle ne fait rien pour trouver les réponses par elle-même. Heureusement, on peut compter sur le brave Narumi qui fait son entrée pile au bout moment pour lui servir toutes les réponses qu'elle recherchait depuis longtemps sur un plateau d'argent. C'est... un peu ridicule... Au bout du compte, cette première intrigue est principalement une gigantesque suite d'informations censés nous introduire l'univers de la série et le passé du personnage principal et où, à part les moments d'émotions, il ne se passe quasiment rien. Pas la moindre scène d'action ne nous est montrée, la seule intrusion dans un musée ayant lieu en hors-champ. Même l'intrigue sur les imposteurs n'est au fond qu'un prétexte pour justifier la rencontre entre Ai et Narumi et ne sert fichtrement à rien, cette intrigue se réglant par ailleurs elle-aussi en hors-champ sans qu'on en ait rien vu. Les Cat's Eye repassent à l'action pour la première fois depuis deux (trente) ans mais on ne nous en montre pas une miette, le lecteur devant se contenter d'un simple simulacre d'Angel Heart. On ne peut décemment pas faire plus éloigné de l'esprit de la série Cat's Eye où une grande partie de l'action était centré sur les vols commis par les trois soeurs face à des systèmes de sécurité complètement aberrants. Surtout, on n'a pas vraiment l'habitude avec les oeuvres d'Hojo de voir ainsi l'auteur rechigner à nous montrer de l'action. Au contraire, il se faisait plaisir et en abusait presque ! Même Family Compo en était bourré !

Après cette première intrigue assez décevante, le tome commence enfin à décoller un peu avec la seconde intrigue. Car si Narumi a pu convaincre par je ne sais quel miracle Ai de la justesse des actions de Cat's Eye, cela ne suffit bien évidemment pas pour que la jeune fille se dise tout d'un coup: "Tiens ! Et si je redevenais Cat's Eye pour protéger le bonheur des malheureux ?". Bien sûr, il faut attendre de confronter la jeune femme à une situation qui soit suffisamment tendue et urgente pour que cela ait du sens, une situation que Cat's Eye est la seule à pouvoir régler, avec une résonance émotionnelle suffisamment forte pour la convaincre définitivement de repasser à l'action. Par chance, cette intrigue se révèle plutôt intéressante, bien qu'assez convenue dans son déroulement et qu'elle ne lésine pas sur les bons sentiments. La bonne idée est de confronter Ai à une âme en peine qui lui ressemble: un vieil homme qui, comme elle, a perdu un être cher et qui, par amour pour cette personne, a commis un crime que la société ne pourra lui pardonner. Touchée par la sincérité de cet amour pour lequel un homme est prêt à tout perdre, Ai va tout faire pour lui venir en aide et protéger la paix de cette famille et le souvenir de leur bonheur passé. Bien sûr, la corde sensible est ici tirée au maximum, les auteurs appuyant sur le parallèle entre cet homme qui recherche un être disparu à travers son art et Ai cherche de son côté le souvenir d'un père qu'elle n'a jamais connu et qu'elle ne s'imagine qu'à travers ses émotions et l'amour qu'elle lui porte. Pour une fois, les auteurs nous sortent des dialogues suffisamment subtils pour définir la relation de Ai avec son père, rattachée à sa vocation pour l'art, sans pour autant avoir à dire les choses de manière explicite et, tout de suite, cela passe beaucoup mieux avec de beaux moments d'émotions. Enfin, on a aussi droit à la scène d'action tant attendue, marquant définitivement le retour de Cat's Eye. Assez courte, elle a le mérité de poser un univers plus réaliste, basé sur les technologies modernes, qui ne demande qu'à être davantage étoffé par la suite. On attend donc de voir ce que la série en fera à partir de là.

Ce premier tome de la nouvelle série Cat's Ai n'est donc pas le désastre tant redouté. Ce n'est pas non plus la suite tant attendue par ceux qui espéraient des réponses aux mystères laissés par la fin de la série originale. Si l'on espérait que Tsukasa Hojo finisse par reprendre lui-même la série, le maître en a décidé autrement, préférant se consacrer à Angel Heart et à la suite des aventures de Ryo Saeba et de Xiang Ying. S'il s'inspire bien d'Angel Heart, Cat's Ai n'en est pas pour autant une série de Tsukasa Hojo, cela se ressent et il est évident que cela ne va pas plaire à tout le monde. Bien sûr, les dessins n'ont strictement rien à voir, peu d'artistes pouvant égaler le trait inimitable du maître. Seulement, ici, on sent vraiment qu'on abandonne l'attention portée aux formes du visage, aux courbes des héroïnes et à la richesse de détails des décors pour un trait beaucoup plus classique et moins inspiré (comme on en trouve dans pas mal de shojos). Cela fait perdre beaucoup à l'érotisme qui se dégageait de l'oeuvre originale car, si Ai demeure assez mignonne, on peut difficilement en dire de mêmes des autres personnages, à commencer par ses deux soeurs. Les mythiques justaucorps qui épousaient les formes des filles ne sont plus non plus de la partie, remplacés par des costumes en cuir plus ou moins inspirés par le film live (où les Cat's ressemblaient à Catwoman). De manière similaire, on ne retrouve pas non plus l'ambiance si particulière à l'univers d'Hojo avec son humour sexy ravageur. Ici, tout est beaucoup plus simple, beaucoup plus sage, et par moments on a presque l'impression de voir en Ai l'équivalent de notre Amélie Poulain nationale. Que ce soit dans le fond ou dans la forme, Cat's Ai se démarque donc radicalement de son modèle, les auteurs ayant choisi de présenter leur propre vision de Cat's Eye au lieu de se rattacher à celle de l'auteur et d'en faire une vraie "suite".

Cat's Ai fait partie de ces titres qui aura probablement du mal à trouver son public du fait que ce n'est ni une oeuvre de Tsukasa Hojo, ni une vraie suite à la série Cat's Eye originale tout en en reprenant la licence. De ce fait, cela limite déjà beaucoup le champ de lecteurs potentiels. Le problème étant que même les nouveaux lecteurs, qui n'auront pas spécialement de difficultés à entrer dans l'univers, risquent de ne pas être spécialement intéressés par cette série, plutôt bonne en soi mais qui n'a pas grand chose de mémorable non plus. Si le fait de retrouver le personnage d'Ai (très populaire) dans le rôle principal est aussi tentant sur le papier, beaucoup risquent aussi d'être déçus en découvrant un personnage assez différent de son homologue des années 80, et surtout de voir qu'elle a perdu son humour légendaire qui la rendait si craquante. Mais cette nouvelle version d'Ai ne manque néanmoins pas de charme et d'atouts pour séduire, à commencer par sa bonne humeur communicative. Finalement, à l'image de son héroïne, la meilleure manière d'apprécier Cat's Ai est peut-être de prendre la série simplement pour ce qu'elle est. Il est assez paradoxal d'espérer conquérir le coeur des fans tout en restant si éloigné de leurs attentes initiales, et nul doute que cette série aura bien du mal à les convaincre, mais on peut toutefois aussi lui reconnaître certaines qualités et, avec le temps, elle parviendra peut-être à trouver son public. Quoiqu'il en soit, Ai a encore une longue route devant elle pour espérer nous convaincre, mais on devrait savoir d'ici quelques tomes si Cat's Ai a vraiment le potentiel qu'on lui souhaite ou s'il s'agit juste d'un autre spin-off sans grand intérêt qu'on oubliera d'ici quelques années.


Glass Heart


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
GlassHeart
13 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs