Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 16 Novembre 2022
Call of the Night est un manga qui, avant l'annonce de sa sortie chez nous, a sans doute piqué l'intérêt de bon nombre de potentiels lecteurs par ses couvertures intrigantes. Publié au Japon sous l'intitulé Yofukashi no Uta, il s'agit là de la deuxième série de l'artiste Kotoyama, proposée depuis 2019 dans la revue Shônen Sunday des éditions Shôgakukan. La curiosité qu'on pouvait éprouver pour le titre a potentiellement décuplé récemment avec le début de la diffusion de son adaptation animée produite par Liden Films et dirigée à quatre mains par Tetsuya Miyanishi et Tomoyuki Itamura, une adaptation que l'on peut retrouver chez nous sur la plateforme ADN.
Kô Yamori est un collégien tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Seulement, son quotidien le laisse de marbre, et le garçon a commencé à développer des insomnies. Une nuit, il passe un cap en partant se promener seul, découvrant un quartier nocturne dans lequel il se sent à l'aise. C'est à cet instant qu'il fait la connaissance de Nazuna Nanakusa, une vampire à l'apparence adolescente qui n'a rien de malintentionné, mais qui aimerait pouvoir profiter régulièrement du sang de Kô qu'elle juge délicieux. De son côté, c'est de tout un univers de la nuit qu'il fait connaissance grâce à sa nouvelle camarade. Persuadé d'y avoir sa place, il souhaite que Nazuna fasse de lui un buveur de sang. Mais pour ça, leur relation doit remplir une condition : L'être transformé doit être amoureux du vampire qui lui suce le sang. Pour le jeune homme qui n'est pas intéressé par l'amour, voilà un challenge délicat, et c'est pour ça qu'il décide de suivre Nazuna dans son quotidien de nuit !
A la couverture, difficile d'envisager exactement ce qu'est Call of the Night. Une série à suspense ? Un titre vampirique macabre ? Rien de tout ça. La patte de Kotoyama induit en erreur et, paradoxalement, viendra constituer l'une des forces de ce premier opus. Ainsi, l'histoire de Kô et de Nazuna n'est autre qu'une comédie sentimentale aux élans fantastiques, et se déroulant dans un cadre nocturne. L'auteur revisite ici le mythe du vampire sous un style qui lui est propre : Avec une histoire d'amour, certes, mais totalement balbutiante, entre deux protagonistes originaux par leurs tempéraments et leurs vécus. Entre un garçon peu enclin aux relations humaines et une Nazuna espiègle, mais sensible dès qu'il s'agit d'amour, on sait rapidement que la présente romcom ne jouera pas dans le classicisme.
Une fois la découverte de la proposition passée, il ne reste plus qu'à apprécier un premier tome à la forme épisodique. Chaque chapitre vient narrer un moment du quotidien noctambule des deux personnages principaux, avec son lot de gags, et parfois même de quiproquos quand un troisième personnage arrive dans la partie. Le schéma peut sembler peu inspiré et propice à rapidement créer la lassitude dans le récit, mais il n'en est rien, et ce grâce à un élément déterminant du manga : Son cadre de nuit avec lequel Kotoyama cherche à retranscrire toute la liberté qu'éprouve Kô après avoir fait connaissance avec cet environnement obscur, mais libérateur. Pas de foules, mais une cité quasi déserte qui deviendrait presque un terrain d'amusement pour deux figures qui se découvrent. D'ailleurs, les interactions entre eux ne manquent jamais de piquant, Kotoyama parvenant même à rendre efficace l'humour libidineux de Nazuna, ce qui est aussi un atout de notre version française que l'on doit à Xavière Daumarie, très inspirée sur les échanges entre les protagonistes.
Et, comme évoqué au départ, c'est le style de l'artiste qui vient donner un cachet particulier à l'ensemble. Assez déroutant à première vue, il se montre rapidement impeccable dans sa capacité à dépeindre ces environnements urbains nocturnes, de telle sorte à ce que le lecteur aimerait lui aussi s'y promener. Pour les personnages, c'est un très fin et expressif que manie le mangaka, rendant encore plus évidentes les interactions entre Kô et Nazuna qui font à chaque fois mouche. Aussi inquiétante que puisse paraître l'illustration de couverture, l'esthétique de Kotoyama amène tout son contraire au fil du volume.
Call of the Night, c'est donc ce petit vent de fraîcheur, une comédie romantique vampirique décapante, drôle et vivante, où la sensation de liberté permise par cette métropole du crépuscule nous emporte immédiatement. L'autrice a déjà toute notre confiance, et on a d'emblée hâte de retrouver le binôme pour leurs nouvelles péripéties. Heureusement pour nous, Kurokawa a eu la bonne idée de publier en simultanée les deux premiers opus pour le lancement du titre !