Boy meets Maria - Actualité manga

Boy meets Maria : Critiques

Boy meets Maria

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 04 Juillet 2022

Le yaoi est un genre apte à aborder un paquet de sujets différents, et voici désormais un paquet d'années que les éditions Taifu Comics tâchent de le démontrer. A la fin du mois de juin, la catalogue de l'éditeur a ainsi accueilli un nouveau représentant du genre particulièrement intéressant dans son sujet: Boy meets Maria, première et unique oeuvre achevée de la regrettée Peyo, une jeune autrice décédée bien trop jeune, en 2020, à l'âge de seulement 23 ans. Bien que cette mini-série, riche de 6 chapitres (plus un petit bonus exclusif au tome broché, pour un total d'environ 240 pages), ait été prépubliée au Japon en 2017-2018 dans le magazine catégorisé yaoi Canna des éditions Printemps Shuppan, il peut être bon qu'elle ne compte absolument aucune scène érotique, ce qui peut la rendre accessible à un public plus large, la thématique yaoi y étant même presque secondaire par rapport à certains autres sujets traités. Sans doute est-ce pour ça que Taifu Comics, bien que reprenant le logo de sa collection yaoi sur le dos du tome, ne mentionne nulle part le genre du récit sur la jaquette contrairement à d'habitude.

Boy meets Maria nous immisce auprès de Taiga Hirosawa, adolescent de 15 ans qui, tout petit, rêvait de devenir un superhéros. Il a beau avoir compris que c'est impossible en grandissant, il reste déterminé à atteindre son rêve à sa manière, quitte à passer pour un hurluberlu auprès de ses potes Tetsu et Fukumaru: c'est sur les planches du club de théâtre du lycée qu'il compte devenir un héros, tout en espérant y trouver son héroïne, car d'après lui il va de soi qu'un héros doit toujours sauver la femme qu'il aime ! Alors quand, en assistant à une représentation du club, il tombe immédiatement sous le charme d'une ravissante et mystérieuse danseuse surnommée Maria, il pense bien avoir trouvé son héroïne. Seulement, au moment de se déclarer en se la pétant pas mal, la réaction de de Maria n'est pas tout à fait celle qu'il espérait. Et puis, pourquoi a-t-elle une voix de garçon ? Pourquoi s'exprime-t-elle pas mal comme un mec ? Pourquoi revêt-elle l'uniforme masculin dès lors qu'elle quitte la scène ? Le mystère reste entier sur maria, qui se nomme en réalité Yû Arima. Personne ne semble certain de savoir s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille. Alors que se passera-t-il dans le coeur et dans l'esprit de Taiga quand il apprendra la vérité ?

Si les récits de ce style proposant des garçons habillés en filles ne sont pas forcément nouveaux, Peyo a une manière bien à elle de l'aborder, en procédant par différentes étapes qui, petit à petit, vont nous plonger dans un récit s'avérant toujours plus profond. Le récit s'ouvre ainsi sur une rencontre assez animée entre Taiga et Yû, la deuxième rejetant clairement le premier tant il se la pète, manque de maturité, et se montre surtout involontairement blessant en se questionnant sur le genre de "Maria" et en ayant des propos pouvant apparaître clairement déplacés, même si notre héros ne pense pas foncièrement à mal. Et alors, tandis que l'énigme autour du genre de Maria semble d'abord être un leitmotiv pour les personnages, c'est ensuite pour mieux déjouer cette question puisque Taiga, dans le fond, cerne vite que son sexe importe peu: que ce soit une fille ou un garçon, c'est de Yû qu'il s'éprend, point.

Une fois la vérité bien établie sur le genre attribué à Yû à la naissance, Peyo va d'abord jouer sur une tonalité en deux temps, partagée entre d'un côté un certain humour dû aux nouvelles maladresses d'un Taiga qui a beaucoup à apprendre et qui y met du coeur, et de l'autre côté un aspect plus touchant qui se retrouve bien symbolisé par son apprentissage en tant que héros de théâtre. Au fil des cours que Yû accepte de lui donner pour qu'il apprenne à sortir de sa superficialité sur tous les plans, on suit avec intérêt ce binôme qui, petit à petit, tâche de se comprendre, essaie de se dévoiler à petites doses à travers différents flashbacks... et c'est à partir de là que l'oeuvre se pare d'une ambiance encore différente.

En effet, d'un côté, on suit avec intérêt l'enfance de Taiga, où certains drames et autres moments difficiles ont clairement marqué son parcours et sa vision de la notion de héros. Mais c'est bien à travers l'enfance de Yû que Peyo nous interpelle le plus, en s'engouffrant plutôt intelligemment dans le sujet de la dysphorie de genre, via un personnage qui peine à savoir s'il est un garçon ou une fille. Les raisons ? Eh bien, nous allons évidemment les découvrir de façon brève mais très efficace, à travers une enfance marquée non seulement par les exigences maternelles et par les on-dit et préjugés qui ont pu en découler, mais aussi par un drame particulièrement atroce, que l'autrice parvient à mettre en scène de manière forte et directe mais sans voyeurisme, en nous faisant bien sentir tout l'impact que ce traumatisme a pu avoir sur Yû au fil des années.

Notons, enfin, que l'on peut se demander si Peyo n'était pas atteinte elle-même de dysphorie de genre, ce qui pourrait expliquer son traitement assez intelligent du sujet: bien que son véritable nom de Kôsei Eguchi soit masculin, ses parents en parlent au féminin, comme de leur fille. Par ailleurs, il existe toujours sur twitter un compte hommage ouvert par ses parents, où il est toujours possible de passer pour entretenir sa mémoire: https://mobile.twitter.com/kimio_mg

Boy meets Maria est alors un récit qui nous fait passer par des émotions très diverses, et où les choses sonnent souvent juste jusque dans les idées véhiculées par le final, ce dernier étant suffisamment abouti. Qui plus est, l'oeuvre est servie par un dessin réellement ravissant, avec nombre de petites mises en scènes malignes, des découpages et angles de vue bien choisis, des décors omniprésents, des designs de personnages très propres et sensibles, et des encrages et tramages enrichissant constamment le tout en y apportant une profondeur supplémentaire. Il s'agit, à l'arrivée, d'une excellente trouvaille, servie dans une qualité éditoriale satisfaisante belle jaquette, première page en couleurs, bonne qualité de papier et d'impression, lettrage soigné, traduction claire d'Isabelle Eloy), et dont on regrette qu'elle restera à tout jamais l'unique série achevée de sa regrettée mangaka.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction