Blue Lock Vol.1 - Actualité manga
Blue Lock Vol.1 - Manga

Blue Lock Vol.1 : Critiques

Blue Lock

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 01 Juin 2021

2021 est une année particulièrement riche en publication de titre attendus par le grand public, marquée par l'arrivée de mangas tels que Kaguya-sama : Love is War, Grand Blue ou Welcome to the Ballroom, pour ne citer qu'eux. C'est aussi une période durant laquelle le football est à l'honneur, à juste titre puisque cette année sera celle de l'Euro 2020 (reporté d'un an à cause de la pandémie), tandis que 2022 marquera la Coupe du Monde qui se tiendra au Qatar. Pour un éditeur, il n'y avait pas meilleur créneau pour proposer de nouvelles séries footballistiques, aussi deux titres se partagent l'affiche en ce moment. D'un côté, Mangetsu s'est lancé avec l'excellent début d'Ao Ashi, manga de Yûgo Kobayashi et Naohiko Ueno, quand Pika exauce le souhait de nombreux lecteur en amorçant la parution francophone de Blue Lock. Deux titres qu'on serait tenté d'opposer à première vue, mais qui s'avèrent en réalité totalement différents l'un de l'autre, et donc complémentaires.

Lancé en 2018 dans l'hebdomadaire Shônen Magazine de la maison Kôdansha (le même qui propose en ses pages Edens Zero, Fire Force ou Mokushiroku no Yonkishi, la suite de Seven Deadly Sins), le manga est scénarisé par Muneyushi Kaneshiro, un auteur qui a de l'expérience puisqu'on lui doit les histoires de Jeux d'enfants, Billion Dogs, Aku le chasseur maudit ou encore Jagaaan. Un jolie CV pour l'inventeur de récits, mais qui souffre d'une image à double facette. Si d'un côté on lui accorde la création de concepts et de plots intéressants, on lui reproche régulièrement une difficulté à développer et conclure ses histoires. Gageons que Blue Lock constituera, à terme, une exception.

Le dessin, lui, est assuré par Yûsuke Nomura, un mangaka déjà à l’œuvre sur Dolly Kill Kill qu'il illustrait uniquement là aussi, l'écriture ayant été menée par Yukiaki Kurando. On remarquera alors que scénariste comme dessinateur ont été publiés au préalable chez Pika Edition sur différentes séries, aussi leur retour chez le prolifique éditeur est assez logique.

L'année 2018 fut la deuxième victoire de la France lors de la Coupe du Monde de football, mais aussi une édition durant laquelle le Japon s'est inclinée durant les huitièmes de finale. Si l'Union Japonaise de Football (telle qu'elle est représentée dans l'oeuvre) fait fi de cette défaite car ne considère le sport que comme un business, ce n'est pas l'avis d'Anri Teieri, une passionnée déterminée à faire de l'équipe de son pays le prochain champion mondial. Ce qu'il manque ? Un coup de boost à la sélection nationale. C'est ainsi qu'elle recrute Jinpachi Ego, un sélectionneur excentrique déterminé à recruter le talent qui permettra à l'équipe japonaise de ramener la coupe au pays. Son idée est de former et recruter l'attaquant ultime, efficace et individualiste, pour dynamiser l'équipe japonaise. C'est ainsi qu'il met au point le projet Blue Lock, une véritable compétition qui mettra en opposition 300 jeunes attaquants prometteurs. Si les ambitions de carrière de 299 d'entre eux seront annihilées, le « survivant » sera glorifié de réussite.

Elève en première, Yoichi Isagi échoue de peu aux qualifications du championnat interlycées. Attaquant redoutable, sa volonté de privilégier le collectif a eu raison de la victoire de son équipe, ou au moins de l'égalisation du match décisif. Il est l'un de ceux appelés à participer au Blue Lock, un projet dont la présentation ne convainc pas de prime abord. Pourtant, le discours de Jinpachi fait trembler Yoichi qui, se rappelant de son échec, se rue dans cet événement qui pourra faire de lui un attaquant suprême.

Les mangas de sport que nous avons pour habitude de lire s'ancrent dans un registre généralement rationnel. En dépit de quelques exagérations dans une poignée de titre, ces histoires narrent le parcours de personnages devant composer avec leurs capacités et leur esprit d'équipe, pour progresser dans un cadre familier jusqu'à atteindre la plus grandes des victoires. Ainsi, ces récits mettent souvent à l'honneur le quotidien et se teintent d'une petite dimension tranche de vie. Ao Ashi, récemment lancé chez nous, ne fait pas exception à cette règle, ce malgré une originalité certaine : Parler de foot dans sa dimension professionnelle, et ne pas s'entourer d'une dimension scolaire et lycéenne.

Alors, le concept de Muneyuki Kaneshiro est particulièrement innovant dans Blue Lock. Ce dernier a pensé le foot comme un nekketsu auquel se greffe une dimension battle royale pour inventer un début d'histoire nerveux, et volontairement exagéré. Il rompt avec certains standards en donnant au sport un côté surréaliste, avec une histoire de sélection dont la valeur centrale contredit totalement les notions de sport d'équipe. Dans tout manga de foot, l'esprit collectif sera mis en avant au profit de valeurs typiquement shônen telles que l'amitié ou l'estime des autres. Blue Lock prend alors un total contrepied : La qualité phare de l'attaquant idéal selon Jinpachi Ego est un joueur solo et individualiste qui ne marquera des buts que pour lui-même, et non pour son équipe. Ceci illustré de tirades de joueurs reconnus et qui constituent parfois de singuliers personnages (Eric Cantonna a ainsi droit à son caméo dans ce premier tome), l'originalité du manga est rapidement mise en exergue et totalement assumée. Il faut donc la prendre avec un certain recul pour adhérer au concept, et ne pas y voir un manga de football rationnel. Ce deal passé avec les auteurs et le scénario, alors la lecture de ce premier opus devient prenante.

Le volume dépeint alors un battle royale où le ballon remplace les armes à feu. Le cheminement du récit annoncé dans ces pages s'annonce assez linéaire, avec des répartitions en équipe selon le talent et même un rapport de force chiffré voué à évoluer. A chaque chapitre, les codes de la compétition s'affirment et renforcent l'excessivité de l’œuvre, le manga confirmant toujours plus son délire et sa petite saveur. Alors, en tant que pur divertissement pris avec un peu de second degré, les premiers pas de l'aventure de Yoichi régalent. Plus qu'à un manga sportif, ce premier tome répond aux codes du battle royal et du jeu de massacre, les survivants étant ici les qualifiés. Et comme souvent dans ce registre, on assiste à des personnages aux caractères très forts, parfois même irréalistes, avec un héros candide qui se prend au jeu malgré lui, tandis que ses rivaux affirmeront le plus mauvais de leurs tempéraments dans la défaite. Pour les plus réfractaires à ces ficelles, la lecture de Blue Lock sera certainement contraignante, il faut donc avoir à l'esprit l'identité du titre pour adhérer à ce gigantesque délire qui ne manque pas de piquant.

Et au même titre que ce scénario se révèle plaisant, la patte graphique de Yûsuke Nomura donne un cachet fort à la lecture. Celui-ci nous avait habitué à un trait jouant les trames et la noirceur dans Dolly Kill Kill, titre mêlant horreur et suspense. Cette esthétique est assez propice dans un manga comme Blue Lock qui joue sur l'ambiance survival à tous les instants, aussi l'artiste sait sublimer la démesure ambiante, notamment celle des personnages dont les caractères n'ont rien de commun et de crédible. Encore une fois, le parti-pris est là, le poussif est conscient, les codes du récits étant aussi bien scénaristiques que graphiques.

On ne l'aura que trop répété dans cette chronique, Blue Lock est un récit qui implique d'adhérer à sa formule et son ambiance. Dès lors, cette amorce montre une originalité et amène un renouveau dans le manga sportif, en s'éloignant justement des standards de ce type de récit. Reste à voir comment le second tome confirmera cette recette, celui-ci ayant été publié en simultanée du premier opus pour marquer le lancement du manga chez nous.

Côté édition, Pika livre une confection comme on en a l'habitude avec un format shônen plus réduit et un papier fin de qualité. La traduction est signée Lilian Lebrun, ce dernier proposant un texte aussi excessif que l'ambiance de l’œuvre. Un travail cohérent, donc.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs