Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 30 Août 2023
Quelques mois après la fin de Blue Giant Supreme, les aventures musicales de Dai Miyamoto reprennent en France aux éditions Glénat en cette fin août avec la troisième partie de la saga Blue Giant, intitulée cette fois-ci Explorer. Lancée au Japon en mai 2020 dans les pages du magazine Big Comic des éditions Shogakukan (dans lequel furent aussi prépubliées les deux premières parties), celle-ci s'est achevée en mai dernier, mais son auteur Shinichi Ishizuka, toujours épaulé par Number 8 à la direction de l'histoire, ne chôme décidément pas puisqu'il a lancé en juillet la quatrième partie, Blue Giant Momentum.
Après son aventure en Europe où il a pu monter son groupe, sortir des albums et participer à des festivals, l'inarrêtable Dai a bien senti qu'il était temps de passer à l'étape supérieure de sa conquête du monde du jazz, en se rendant enfin dans le grand pays qui en est le berceau: les Etats-Unis. Après avoir dit adieu à Hannah, Bruno et Rafa, avoir passé son permis de conduire international, avoir pris des nouvelles de son père, avoir revu son vieil ami Tamada tout en apprenant que Yukinori est lui-même aux USA, et s'être assuré un visa artistique avec notamment Sam Jordan parmi ses garants, voici donc notre héros en partance pour les States, avec pour seuls bagages ses maigres économies et son fidèle saxophone. Mais l où la logique aurait voulu qu'il se rende d'emblée sur la côte est du pays, Dai choisit l'inverse, bien décidé à traverser tout le pays pour s'enrichir des spécificités de chaque ville et de chaque étape qu'il traversera, dans l'espoir de créer un son nouveau.
La première étape de cet ambitieux projet est donc Seattle, une ville où pas mal de choses, d'emblée, attendent le jeune homme, à commencer par tout ce qui est d'ordre pratique: le logement dans une auberge de jeunesse du centre-ville, les premiers souffles dans son saxo forcément grisants (et évidemment sur une jetée !), le besoin de se dénicher un petit boulot pour pouvoir s'acheter une voiture d'occasion afin de parcourir le pays... Dai effectuant ces étapes de base avec son habituel entrain, sans jamais douter. C'est aussi comme ça que, parcourant la ville, il peut s'en imprégner, en découvrant ses spécificités telles que la nature aux alentours et le fort ancrage dans la culture rock (rappelons, après tout, que Seattle est le berceau du grunge). Et c'est en grande partie via son petit boulot et cette culture rock que notre héros va, déjà, faire un premier pas dans son ambitieux projet, dès lors que son collègue de travail Eddie, un homme qui a dû laisser ces rêves musicaux de côté, l'entraîne dans cet univers musical qu'il méconnaît, notamment pour un premier concert au sommet.
Clairement voué à explorer certains Etats des USA pour mieux explorer les possibilités de créer un son nouveau (d'où le titre "Explorer" de cette partie, sans aucun doute), Dai nous offre alors déjà un grand moment dans ce premier volume, adaptant son saxo jazz à la musique rock avec l'ambition, l'arrogance voire l'égocentrisme qu'on lui connaît, cette facette de sa personnalité étant encore et toujours ce qui le pousse irrésistiblement vers l'avant. Et si, comme toujours, Ishizuka sait nous imprégner de la musique via son travail visuel (une nouvelle fois ici, les onomatopées sont très importantes), il tire également sa force en s'axant sur le public et ses réactions, ainsi que sur le rôle des autres musiciens à commencer par Eddie. Si bien que, malgré certaines huées (difficile de s'imposer en tant que saxophoniste dans un groupe rock déjà bien établi, et de faire aimer d'emblée un son nouveau à des oreilles ayant leurs habitudes), plus d'une personne le sent déjà, sans forcément savoir dire en quoi exactement: Dai est à-part. Le lectorat, lui, à force de fréquenter ce garçon depuis une vingtaine de tomes, sait déjà que, même intimidé, Dai est du genre à se jeter à corps perdu dans sa passion, dans son rêve dans son but. Et même si les choses deviendront sûrement toujours plus dures pour s'imposer dans ce très vaste pays aux populations et aux cultures si hétéroclites, on attend de voir avec enthousiasme comment il avancera dans ce haut-lieu du jazz.
Blue Giant Explorer démarre donc de très bonne manière. Parvenant à installer le nouveau cadre sans baisser en rythme, relançant d'emblée l'intensité de son récit à travers le parcours irrésistible de Dai, Shinichi Ishizuka nous fait également bien sentir que sa saga ne se rallonge pas du tout pour rien: après les premiers pas dans Blue Giant et la consolidation classique (formation d'un groupe, premiers albums, tournée...) dans Blue Giant Supreme, l'heure est désormais à l'exploration musicale au fils d'un voyage qui sera sûrement fait de nombreuses rencontres et découvertes, et ça promet d'être passionnant.
En ce qui concerne l'édition française, on est dans la droite lignée des deux précédentes parties de la saga: la jaquette est proche de l'originale japonaise, le papier est certes fin mais reste suffisamment opaque, l'impression est plutôt bonne, le lettrage d'Anne Demars est convaincant (notamment en respectant bien les si importantes onomatopées des moments musicaux), et la traduction d'Anne-Sophie Thévenon est toujours aussi emballante.