Bloody Cruise Vol.1 - Manga

Bloody Cruise Vol.1 : Critiques

Chikai no Noah

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 17 Février 2022

En 2017, les éditions Kana publiaient Nuisible, courte série horrifique en trois volumes qui, au-delà d'un scénario (conçu par Masaya Hokazono) correct mais en-dessous de ses promesses, permettait surtout de découvrir une dessinatrice très prometteuse en Yû Satomi, dont c'était alors la première oeuvre, et qui séduisait beaucoup grâce à l'atmosphère inquiétante et malsaine que son dessin fin parvenait à installer. Cette mangaka aura ensuite mis quelques années pour réapparaître dans notre pays, mais la revoici enfin, cette fois-ci aux éditions Omaké Manga qui semblent se faire une petite spécialité des "séries B" alternant entre horreur et gore.

De son nom original Chikai no Noah (littéralement "Noé de la Mer de Sang"), Bloody Cruise fut, au Japon, la troisième série de la carrière de Yû Satomi, celle-ci planchant désormais sur sa quatrième oeuvre Kijin Gentoushou à l'heure actuelle. Bouclée en 5 volumes, celle-ci fut prépubliée d'août 2018 jusqu'au printemps 2021 aux éditions aux éditions Takeshobo, dans le magazine Manga Life Win et sur le site Web Comic Gamma. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que dans cette histoire, la croisière ne s'amuse plus !

Tout commence par quelques pages tâchant de donner le ton, où une jeune fille en kimono, les membres attachés et les yeux bandés, sert tout simplement de "quatre heures" à un groupe de messieurs visiblement amateurs de "plats" sortant de l'ordinaire... Puis nous voici plongés dans une croisière en bateau à laquelle la jeune lycéenne Akari, son père et son petit frère Yuzuru participent. Ce voyage, la petite famille l'a gagné... ou, plutôt, le père, histoire de se faire un peu mousser par ses enfants, se garde bien de leur avouer que c'est en réalité un inconnu qui lui a donné les tickets sans qu'il sache trop pourquoi. Bien vite, l'adolescente, visiblement à une période difficile (notamment à cause de l'absence de sa mère, pour l'instant inexpliquée), essaie de profiter tant bien que mal de ce séjour de luxe censé côtoyer les côtes japonaises, entre la découverte du bateau, les moments avec son frangin, ou certaines rencontres comme celle du dragueur un peu relou Kakeru. Mais assez vite, et de manière toujours plus prononcée, tout porte à croire que ladite croisière cache de desseins bien plus mystérieux et, surtout, inquiétants...

Ici, Kakeru est porté disparu quelque temps pour réapparaître avec une mystérieuse femme, et avec des marques bizarres dans le cou. Là, les voyageurs "classiques" dont fait partie la famille d'Akari apprennent l'existence de VIP qu'ils ne doivent pas côtoyer. Puis lors d'un étrange et morbide spectacle aux nombreux effets sanglants, des participants semblent bel et bien disparaître. Etc, etc... Clairement, Yû Satomi s'applique à distiller, au fil du volume, de nombreux éléments toujours plus inquiétants, angoissants voire très malsains, en laissant bien présager qu'un mystère horrible plane dans ce navire... mais quoi exactement ? Eh bien, aucune surprise de ce côté-là, puisque les toutes premières pages nous spoilent, et c'est bien là le premier défaut de ce début de série. Certes, elles font bien comprendre que l'ambiance sera très glauque. Mais à partir du moment où l'introduction montre de quoi il en retourne, comment donc la mangaka peut-elle s'imaginer que ses différents éléments inquiétants censés accentuer le mystère et l'inquiétude peuvent fonctionner ?

L'autre problème, c'est que certains personnages semblent désespérément idiots. En plus d'avoir accepté des tickets donnés par un inconnu sans se poser la moindre question et d'y emmener ses enfants, le père d'Akari ne semble pas se soucier de grand chose, pas même des marques flippantes dans le coup de son gosse. A part pour permettre facilement à l'autrice d'accentuer le côté malsain et glauque de son récit, on peut se demander pourquoi les "méchants" organisent tout un spectacle pour tuer leurs cibles, au risque de susciter la suspicions des voyageurs (mais heureusement pour eux, aucun voyageur ne semble vraiment flipper au point d'essayer d'en découvrir plus...). Et puis, pourquoi donc Glu ne fait part à personne de son effroyable découverte dans les cuisines ? Au lieu de se replier sur soi, ce serait peut-être un peu beaucoup le moment de sonner l'alarme ou, au moins, d'envisager quelque chose en en parlant à ses potes !

Bref, entre le côté mystérieux qui ne fonctionne pas du tout et la relative imbécillité de plusieurs personnages bien têtes à claques, Bloody Cruise se montre, pour l'instant, bien en-dessous de ce que l'on pouvait en attendre... sans être un total échec puisque, il faut bien le dire, l'atmosphère malsaine est suffisamment bien rendue par Yû Satomi pour pouvoir hérisser quelques poils. Même si l'ensemble reste assez fin, on regrettera un trait un peu plus pauvre que dans Nuisible, ainsi qu'une mise en scène moins inspirée. En revanche, l'autrice, sans forcément avoir besoin de gigantesques effusions de gore, sait distiller certains effets pour laisser sentir cette aura malsaine permanente, ce danger qui pourrait s'abattre sur n'importe qui... et sur ce dernier point, le récit a au moins le mérite de proposer quelques petites surprises dès le dernier tiers de ce premier opus.

A l'arrivée, ce début de croisière sanglante est plutôt mitigé. Il y a bien une ambiance régulièrement malsaine, ainsi que quelques petites surprises au bout d'un moment, mais le fait est qu'il est difficile de s'immerger pleinement dans le récit, la faute aux assez nombreuses limites évoquées. Espérons donc que Bloody Cruise saura se peaufiner et décoller par la suite, et que cette croisière ne sera pas un naufrage !

En ce qui concerne l'édition française, elle est honorable dans l'ensemble. Le papier, assez souple et épais, permet une qualité d'impression convenable, tandis que le lettrage de Munii Prod est assez propre et que la traduction de Frédéric Malet fait bien son office. La jaquette, elle, se pare d'un logo-titre assez réussi, plus parlant que celui de la jaquette originale japonaise.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
10 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs