Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 19 Juin 2024
Alors que de sinistres événements ont commencé à avoir lieu, Sui et Shôko ont fini par en découvrir l'origine: un chien affamé invisible, né de l'imagination de Sui. Avec l'aide de Tetsuya, le petit ami de Sui lui aussi invisible et créé par cette dernière, nos héroïnes tentent de trouver un moyen d'arrêter l'animal enragé, mais il semble particulièrement difficile de lutter contre quelque chose d'invisible. Et pendant ce temps, Sui, au plus profond d'elle-même, ressent un sentiment de culpabilité toujours plus fort à l'idée d'être à l'origine des récents événements, et même d'avoir créé ce chien qui erre dans la douleur, éternellement affamé. Si bien que, bientôt, cette adolescente, déjà mal dans sa peau à l'origine, se met à penser que pour mettre fin à tout ça, la meilleure solution serait peut-être qu'elle-même disparaisse...
L'heure est venue pour Blank Space de se conclure avec ce troisième opus qui est plus épais que les précédents avec ses 250 pages et quelques et qui, en conséquence coûte également un petit peu plus cher (1€ de plus). Et le moins que l'on puisse dire sans spoiler, c'est que Kon Kumakura parvient à offrir à son histoire un final particulièrement intéressant dans son déroulement.
Ce déroulement, il passe avant tout par le mal-être de Sui qui la pousse à vouloir disparaître,pensant ainsi que tout ce qu'elle a créé disparaîtra en même temps qu'elle. Dans ses tourments bien représentés, la jeune fille reste attachante, et on se soucie vraiment de son sort, d'autant plus que deux interrogations se font bien présentes à son sujet. Tout d'abord, a-t-elle vraiment raison de penser que tout ira mieux si elle disparaît ? La réponse est sans aucun doute non, tant on a bien pu voir qu'elle n'est plus seule, en particulier grâce à Shôko qui cristallise encore ici la force de leur amitié et qui fera tout pour elle. Ensuite, est-ce que sa disparition entraînera vraiment, en même temps qu'elle, la disparition des êtres invisibles sortis de son imagination ? La réponse est plus complexe qu'il n'y paraît, non seulement car les "êtres du vide" sont plus nombreux qu'elle ne le pense et ne viennent pas tous d'elle (ce qui permettra d'offrir un rôle aux différents personnages secondaires précédemment installés, comme Ichiko ou Nakamichi), mais aussi parce que le pouvoir de l'imagination est bien plus fort que ça. Et peut-être est-ce là l'idée la plus forte de l'oeuvre: la force que l'imagination peut avoir quelle que soit la forme qu'elle prend (l'esprit, les rêves, l'écriture, les histoires...), et le fait que toutes ces sources d'imagination continuent à vivre tant qu'on pense à elles et qu'on les transmet.
Pour bien cristalliser ses idées, l'auteur n'hésite pas à aller assez loin dans ses rebondissements (ne serait-ce qu'en brouillant certaines frontières autour des rêves à différents moments), et à offrir pas mal de chouettes petites idées visuelles parfois un peu folles, surtout quand il s'agit de représenter l'invisible et de nous en faire ressentir la présence (le blanc vide et les onomatopées ne sont que deux des exemples les plus flagrants), les dernières doubles-pages étant même très représentatives de cette idée.
A l'arrivée, Blank Space nous séduit jusqu'au bout. A la fois récit d'amitié fort, portrait social poignant de son héroïne en plein mal-être, et ode à la force que peut avoir l'imagination sous toutes ses formes, l'oeuvre a le mérite de sortir quelque peu des sentiers battus dans sa narration et dans ses visuels, pour cristalliser de plus belle ses sujets.