Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 01 Décembre 2011
Après Chocolat x Noisette voilà que nous français avons la chance immense de tenir à présent une nouvelle œuvre de Clover Doe entre nos mains. La petite crise d’hystérie passée (et avec la dédicace cet effet se multiplie très largement), on se plonge dans la lecture. Pour la savourer. Petit one-shot un peu en dehors de ce que l’auteur nous a proposé jusqu’à présent, Bewitched se plonge dans un univers plus fantastique, plus irréel. Parce qu’il faut bien s’éloigner parfois des personnages que l’on manipule sans cesse pour mieux les appréhender et les comprendre. Parce qu’une pause dans la routine de l’imagination ne fait que stimuler celle-ci. Et donc, on change. Totalement, radicalement d’univers. En même temps, le quotidien banal (mais tourmenté !) d’un adolescent banal (mais compliqué !) qui tombe amoureux d’un mec banal (mais ... Han, Choco, ça résume tout ...), voilà un sujet qui pourrait être redondant. Donc, de la nouveauté ne fait pas de mal bien au contraire surtout quand on connait le talent de Clover et sa capacité à nous emmener très loin de quelques pages.
L’histoire, donc. Le centre en est la mort mais ce n’est pas pour autant que le ton est triste ou mélancolique ! Au contraire, malgré le profil des personnages tout déborde de vie et d’envie d’avancer. Mais on s’égare déjà sans encore savoir de quoi l’on parle ... Keith est un jeune homme qui, ayant perdu sa mère ce qui reste le grand drame de sa vie, se rend souvent au cimetière pour lui raconter son quotidien. Ses joies, ses peines, ses moments de doutes et la solitude qu’il ressent depuis son départ. Mais lui qui croyait ces instants intimes et profondément personnels va vite découvrir que trois fantômes l’écoutaient joyeusement, suite à une expérience magique qui tourne mal, lui permettant de voir ces âmes en peine. Ceux qui ne peuvent passer dans l’au-delà parce que quelque chose les retient, les enchaîne sur Terre en les empêchant d’aller au Paradis. Parqués dans le cimetière en attendant qu’un ange les guide vers le salut, les trois hères ne se résument finalement qu’à un visage, et un nom. Liam. Qui attend impatiemment de savoir ce qu’il n’a pas résolu pour rapidement passer dans l’autre monde, mais cette idée va bien vite le quitter quand il va découvrir un miracle rien que pour lui. Non seulement il peut se faire voir de Keith (comme les autres fantômes), mais il peut aussi posséder son corps et quitter sa prison, pour aller profiter des joies douces de la vie idéale ! Sans vraiment songer à l’Equilibre Cosmique tout chamboulé et aux ennuis que se prend Keith à cause de son comportement ... envahissant.
Humour, simplicité, sensualité, authenticité et une originalité débordante. Voilà ce qui résume assez bien le travail de Clover, et qui se renouvelle ici. Les personnages sont charismatiques et tout de suite attachants. Liam et Keith forment un couple difficile, qui n’a rien d’évident et qui passe son temps à se voir perturbé par les obstacles de la vie. Comme tous les protagonistes de l’auteur, qui se laissent aller au cours du quotidien sans forcer les choses comme dans les shojos avec de grandes scènes romantiques à la clé. Juste eux, juste nous, et un beau moment de partage et d’émotion. Keith nous touche de sa bêtise, de sa naïveté et de sa grande sensibilité tandis que Liam fait écho en nous, par sa nonchalance feinte et son aspect de joyeux drille à qui rien ne fait défaut. SK est aussi mystérieux qu’amusant, au même titre qu’Alix et ces deux là font un excellent duo, à la fois comique et touchant. Et malgré le rire, malgré la légèreté apparente du scénario, que l’on ne s’y trompe pas : de réelles bonnes idées s’y trouvent ! La solitude de Keith, son attachement au seul qui semble le comprendre et l’accompagner, le dépassement de soi, la volonté d’avancer coûte que coûte, le courage d’abandonner quelque chose ou quelqu’un ... Clover rend ici un très bon travail, saupoudré de son naturel habituel qui nous fait tous extrêmement plaisir. Parce qu’il n’y a pas à hésiter, la narration est fluide, procure des émotions au lecteur et sait se montrer constructive. Il y a un but à tout ça et en un seul tome, l’auteur arrive à boucler son histoire de la plus belle des façons. Contrat largement rempli ... même si on en aurait aimé plus. Plus plus plus pour expliquer tous les versants qu’on ne fait qu’aborder, pour creuser les personnages, pour donner vie aux secondaires, pour ... mais ce n’est qu’un rêve de fan en manque.
Et les graphismes, les graphismes ! Soyons honnête, il reste une marge de progression. Certains détails, certaines planches mériteraient une petite amélioration mais ... mais aucune erreur majeure n’est à déceler. Tout est équilibré, les silhouettes restent harmonieuses et les personnages sont facilement identifiables malgré le peu de temps qu’on a pour les connaitre. Il faut dire qu’Alix ne peut se voir confondu(e) avec quelqu’un d’autre ... La mise en page reste dynamique en tout temps, les scènes plus tendres réussies mais l’humour y est tout aussi bien retranscrit ! Les expressions passent merveilleusement bien. Pour certains, ça sera peut-être trop mais pour d’autres, c’est juste diablement amusant tant l’humour et les SD prennent une place importance dans le style de l’auteur, et le tout est très bien rendu. Il y a toujours les caractères un peu nonchalant, fortes têtes ou maladroits qui ressortent et amusent, chacun dans un style. Les décors sont également travaillés, il faut dire que Clover a plus l’occasion de se lâcher ici (également sur les habits !) que dans C x N. En prime, des bonus de fin, de milieu, de début, des informations intéressantes, de la pub alléchante, un prix attractif, des petits mots sympathiques de l’auteur ... Que demander de plus ? Une dédicace ? On l’a aussi ! Enfin, pour les plus chanceux (ou les plus rapides ...) ! Des pages couleur ? Pareil, et en plein milieu du titre, s'il vous plait ! Une petite surprise que l'on adore, tout simplement. Quitte à y passer de longues minutes, bavant tranquillement devant leur beauté. L'édition est d'ailleurs globalement meilleure que C x N avec un format un peu plus grand, ce qui permet notamment de mieux apprécier les dessins de Clover.