Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 15 Octobre 2009
Il s'agit sans doute du plus gros ouvrage de bande-dessinée manga qui ait atterri chez nous. Plus de 1300 pages des aventures d'un héros emblématique de la bd japonaise : Golgo 13, tueur à gages calculateur, froid et impassible ce qui le rend parfois un peu caricatural. Ce best of se compose des 13 meilleures histoires du personnage parues durant près de 40 ans, 13 histoires élues par les lecteurs et présentées à rebours, de la « moins » bonne vers la numéro 1.
A peu de choses près c'est effectivement le cas, plus on avance dans la lecture, plus les histoires sont excellentes et ce, quelque soit l'époque de leur parution (années 70, 80 ou 90). On verra par contre peu évoluer le dessin de Saito. Déjà très efficace dans la mise en scène, le trait ne fera que s'affiner pour devenir plus précis et dynamique. Toujours très clair, le dessin est accessible à tous mais pas lisse pour autant. Il ne ressemble pas vraiment aux classiques du manga et se rapproche du comics. Un mélange qui se révèle vite efficace.
Les histoires, chapitrées à la manière d'un roman, sont elles aussi très efficaces. Spectaculaires, passionnantes, il y en a pour tous les gouts. « Tir en Sol majeur », « Une seconde sur 36000 » ou « le Soldat bionique » mettent en valeur les capacités surhumaines du tueur. D'autres comme « le syndrome Okinawa » s'intéresse à la politique, aux armes biologiques comme « Agent pathogène, niveau 4 » ou encore présente le personnage sous un angle moins caricatural comme « Eva, errant vers l'océan ». Mais les plus réussies sont sans doute celles qui s'intéressent aux origines de Golgo sans pour autant les confirmer, amenant l'enfant Golgo en Chine communiste ou nous faisant suivre un thriller haletant avec « Meurtre chez les Serizawa », personnellement ma préférée.
En revanche, l'histoire classée seconde, la plus ancienne des 13 est assez médiocre et fait un peu tache au milieu des autres et surtout à ce niveau du classement. Ici Golgo est bavard, roublard et c'est un peu n'importe quoi niveau scénario. Les ficelles sont grosses voire absurdes : Golgo veut pénétrer dans un manoir, il loue un avion pour jeter une bombe sur le toit et se déguise ensuite en réparateur... Mouais.
On notera aussi que Golgo n'est pas le personnage le plus intéressant, charismatique mais pourtant trop souvent stéréotypé. Il est parfois un Deus ex Machina, n'apparaissant qu'à la fin du récit. Ce sont les personnages secondaires qui mènent le jeu et donnent de l'épaisseur à l'histoire. De même, on remarquera que Golgo n'est pas toujours mauvais. Tout tueur qu'il soit (les histoires sur ses origines nous le rappelleront clairement), il joue parfois les héros descendant des criminels -des chefs mafieux aux anciens nazis- ou sauvant un petit village d'Amérique du Sud comme dans le « Géant blanc ».
Ainsi malgré les années, la série s'avère toujours intéressante et même se bonifie de plus en plus. La quantité de sujets abordés, les nombreux pays visités, l'importance de l'actualité géopolitique renouvellent sans cesse les histoires, sans faire de répétition. Mais si sous le nom de l'auteur on trouve Saito production, ce n'est pas pour rien. Sous ce nom se cache une ribambelle d'assistants et surtout de scénaristes. Voilà pourquoi les histoires se renouvellent tant, à la manière des comics.
Deux gros défauts cependant. Tout d'abord, certains passages sont parfois lourds à lire : on décrit à grand renfort de détails des armes, les capacités d'un virus, la situation politique... Bien sûr cela contribue fortement au réalisme et valorise le travail de documentation de l'auteur mais c'est parfois trop. Ensuite Golgo souffre du même symptôme que les super-héros américains, étant donnée une publication courant sur près de 40 ans : il ne vieillit pas. La série s'inclut toujours dans l'époque à laquelle elle est dessinée, ce qui entraine une incohérence énorme vis à vis du personnage éponyme. A peine âgé de 3 ans lors de la révolution chinoise (histoire 6), l'homme est toujours jeune et fringant en 1969 (histoire 2) sans changements apparents en 1995 (histoire 4) ! Tout cela sanctionné par le fait qu'on indique clairement les dates.
Pour cet ouvrage de près de 2 kilos et un millier de pages, on aurait pu craindre le pire à la vue du prix : 20 euros, pas cher pour le plaisir de lecture ! Pour autant la qualité est là : le papier est bon, l'impression aussi, la traduction est fluide et le bouquin tient la distance. On notera quand même quelques fautes de frappes dans le texte ou dans la numérotation des sous-parties et des incohérences entre le titre donné dans le sommaire et celui utilisé pour le chapitre. Mais rien de bien grave au final.
A la lecture de ce pavé on comprend vite pourquoi Golgo 13 est une œuvre culte au Japon. Le « Survivant » de Takao Saito était déjà bluffant mais avec sa série phare, l'auteur nous montre toute l'étendue de son talent. La richesse et l'intelligence des scenarii, le sens de la mise en page, le charisme du héros, l'importance donnée au personnage secondaire font de ce titre un indispensable pour tout amateur de polar et de récit d'espionnage.