Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 10 Juin 2024
Faisant partie des nouveautés hentai du mois de mai des éditions Hot Manga, Beromance est le tout premier livre de Berose, un artiste au parcours légèrement atypique: alors qu'il exerçait un travail qui ne le satisfaisait pas, il a choisi de le plaquer et de se lancer dans son vieux rêve de devenir mangaka, afin de n'avoir aucun regret. C'est ainsi qu'il a fait ses débuts avec des histoires courtes X prépubliées au Japon dans le magazine Comic KOH des éditions Akaneshinsha, avant que celles-ci ne soient regroupées en deux recueils: Beroman (alias Beromance en français) en 2018, et Beroman 2 un peu plus tard. Après cette expérience, l'auteur fut repéré par des éditeurs bien connus, à savoir Kôdansha et Shôgakukan, qui lui offrirent l'opportunité de se lancer dans une carrière de mangaka plus grand public, même si ses oeuvres restent généralement toujours un peu borderline.
Au programme de ces 180 pages et quelques, sept histoires courtes dont la première, s'étalant sur deux chapitres pour un total d'environ 50 pages, est sûrement la plus touchante: dans un contexte difficile où la fin du monde a été annoncée à cause d'une météorite vouée à s'écraser sur Terre dans quelques jours, chacun essaie d'échapper à la cruelle réalité comme il peut, notamment en évacuant le stress dans les plaisirs charnels. Cela semble être aussi le cas pour Minami, jeune étudiante qui a choisi de jeter son dévolu sur Monobe, camarade de classe dont elle se rapproche beaucoup, jusqu'à même vouloir le pousser à enfin déclarer sa flamme à sa meilleure amie Kitahara, adorable jeune fille complexée qu'il aime secrètement. Perdu pour perdu, ces trois jeunes tâchent de se créer des derniers moments intenses, surtout sur les plans relationnel et charnel, afin de partir sans regrets, le tout dans une atmosphère douce-amère que l'auteur rend particulièrement forte.
Bien que plus courtes, les autres histoires mettent aussi en scène des personnages qui sont parfois confrontés à des situations particulières: une lycéenne très gourmande qui noue un lien spécial avec le fils de la plus populaire boucherie de la ville, deux exclus d'une classe qui se rapprochent, un homme d'âge mûr faisant découvrir avec joie toutes sortes de plaisirs à une étudiante qui se prostitue pour financer ses études, une délinquante décidée à faire d'un camarade de classe tombé amoureux d'elle son petit chien, une surprenante partie de cache-cache entre amants et dont l'enjeu en vaut la chandelle, et un sans abri qui recueille une jeune fille qui a tenté de se suicider.
Bien que certains de ces récits soient plus standards, vous aurez peut-être remarqué le goût du mangaka pour exploiter, dans certaines autres histoires, différentes tares et des problèmes spécifiques de l'être humain et de la société: la peur face à la mort dans le premier récit bien sûr, mais aussi le regard des autres sur ce qui est différent, le harcèlement scolaire, la pauvreté étudiante, la maltraitance familiale, le suicide... Sans forcément approfondir ces sujets, Berose les expose de manière à apporter une atmosphère à-part à la majorité de ses histoires, et à leur offrir une certaine plus-value les rendant assez personnelles, d'autant plus que le mangaka décortique ensuite la genèse de chaque récit dans des textes inter-chapitres.
Et pour bien porter l'unicité de ces récits, il y a autre chose que l'on appréciera beaucoup dans la plupart d'entre eux: les héroïnes du mangaka sont rarement dans les poncifs de filles ultra canons que l'on retrouve dans beaucoup de hentai. Elles ont des petits "défauts" pouvant venir aussi bien de leur physique (petites tâches de rousseur, appareil dentaire, formes qui ne sont pas parfaites...) que de leur caractère (asociale, etc) ou de leur personnalité (la gourmandise, par exemple), et ces défauts participent activement à leur charme en les rendant plutôt crédibles dans l'ensemble. Enfin, dans tout ça, Berose a aussi une jolie volonté de mettre en images des relations complices voire un peu taquines, où tout le monde trouve son compte à sa manière, le tout dans un gros travail visuel où il faut aussi souligner le gros travail sur les décors et sur les choix d'angle de vue.
Derrière sa belle jaquette qui, elle aussi, sort un peu des sentiers battus pour un manga X, Beromance est la jolie surprise que l'on espérait, tant l'auteur sait généralement allier des sujets de fond correctement exploités, des relations et plaisirs charnels rondement menés, et des héroïnes qui séduisent beaucoup par les petites imperfections qu'elles dégagent. Une très belle trouvaille, qui donne très envie de voir Beroman 2 arriver aussi en France !
Enfin, côté édition, on a quelque chose de très soigné: le grand format habituel de l'éditeur est parfait pour bien profiter du travail graphique de l'auteur, le papier et l'impression sont de bonne qualité, le lettrage de Florian Morala est assez propre, et la traduction effectuée par Yves Bohmler est claire et évite le surplus de vulgarité.