Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 19 Avril 2011
Lui, c'est Tatsumi Oga, surnommé "le Fou Furieux" car il fait régner sa loi avec terreur au sein d'un des lycées les plus craignos du Japon, où les loubards et caïds affluent dans tous les sens. Ayant tendance à faire parler ses poings avant son cerveau, dont on se demande d'ailleurs s'il en a un, il va pourtant voir sa vie basculer lorsqu'il va repêcher dans une rivière un étrange géant moustachu nommé Alindolon (il vous en prie), qui ne va pas tarder à se fendre en deux (?!) pour laisser apparaître un bébé à la mine renfrognée (?!?). Puis c'est au tour d'une étrange jeune fille de débarquer, une jolie blondinette gothloli ne se séparant jamais de son parapluie volant (?!?!). Qui sont donc ces hurluberlus ? Oga ne tarde pas à le savoir: le bébé en question n'est autre que Beelzebub IV, le fils du diable, et notre voyou débile a été choisi pour l'éduquer et en faire le futur destructeur de l'humanité, son démoniaque de père étant trop occupé à jouer à la console ou à aller chasser le chupacabra pour élever lui-même sa progéniture. Quant à Hildegarde, la blondinette, elle n'est rien d'autre que la servante fidèle et un brin trop protectrice du bébé. Commence alors pour Oga une collocation pour le moins bizarre avec le fils du diable et sa servante, qui passent très vite pour son enfant et sa femme (!!!)...
Ainsi se présente Beelzebub, titre-phare de Shônen Jump, fortement attendu dans nos contrées et d'ores et déjà présenté comme une nouvelle perle du manga comique. Est-ce tout à fait le cas ? On est tenté de dire oui après une introduction astucieuse, pendant laquelle l'auteur, Ryuhei Tamura, réussit à présenter de manière originale le concept de son manga et les personnalités décalées de ses principaux protagonistes. Ainsi, le récit s'ouvre sur un Oga en train de raconter de manière taciturne ce qui vient de lui arriver à Furuichi, son meilleur ami un peu crétin et loser qui n'en croit pas ses oreilles. Arrive ensuite la taciturne Hildegarde, qui, suite à un superbe quiproquo, est présentée comme la petite amie de Oga auprès de ses parents, qui, curieusement acceptent sans sourciller le fait qu'il a une "femme" et un "enfant".
Le ton est donné: Beelzebub sera un manga décalé qui se reposera beaucoup sur ses personnages. Et cela, ce premier volume le fait plutôt bien. Sans cesse, on se prend à sourire devant la profonde idiotie d'Oga, qui, par exemple, n'hésite pas à plonger dans une eau où il va manquer de se noyer juste pour fuir ses adversaires loubards, devant les incompréhensions de la trop sérieuse Hildegarde qui s'emporte régulièrement un peu pour rien, ou encore face à la tonne de loubards souvent ridicules qui constituent de véritables caricatures du genre. En somme, pour le moment, Beelzebub doit beaucoup à son cadre fait de personnages résolument décalés et crétins et de caïds en tous genres.
En ce qui concerne le fond de l'histoire, on reste pour le moment un peu plus mitigé, car ce premier tome se contente en grande partie, après nous avoir présenté les personnages et la base de l'histoire, d'enchaîner les frasques d'Oga face aux loubards qui viennent le provoquer, ce qui a tendance à vite être redondant. De plus, on regrette, pour le moment, la passivité de Beelzebub, qui n'est le moteur que de quelques gags parfois pas très aboutis, parfois bien trouvés (l'explication sur le taux d'urine du bébé est plutôt bonne). Néanmoins, quelques éléments venant enrichir le fond sont d'ores et déjà distillés, comme le fait que notre héros serve de catalyseur pour les pouvoirs du "bout de chou", ou que le bambin voue une admiration sans bornes aux gens foncièrement méchants, ce qui explique que Oga soit l'éducateur parfait pour lui.
Visuellement, le coup de crayon de Tamura est plutôt agréable mais reste encore assez classique, voire parfois trop léger et inégal. Quoi qu'il en soit, on constate déjà chez l'auteur un certain talent pour dépeindre des bouilles bien marquées et expressives, ce qui rend les divers protagonistes impossibles à confondre. Il y a clairement, ici, une marge de progression.
Personnages idiots et décalés, situations cocasses, quiproquos, jeux de mots pourris (on retiendra les superbes "Alindolon" et "Oga & Cub", référence à Ogami Itto du manga Lone Wolf & cub)... Beelzebub a tout pour devenir un manga humoristique très sympathique, mais doit encore faire totalement ses preuves, notamment en ce qui concerne les différents éléments de l'histoire de fond.
Kazé Manga nous offre une édition correcte, à la traduction assez inspirée. Impression et lettrage ne souffrent d'aucun défaut majeur.