Androgynous : Critiques

Androgynous

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 28 Décembre 2021

Akira Ashihara fait partie de ces artistes dont le parcours est pour le moins atypique puisque, avant d'être mangaka, elle eut notamment l'occasion d'être restauratrice de fresques murales en Italie. Ce n'est qu'à partir de 2018 qu'elle se lança professionnellement dans le manga, avec parallèlement deux yaoi (ses deux seuls mangas à ce jour) qui furent prépubliés chez deux éditeurs différents. L'un, nommé Koi to Retsujou no Serenata, a vu le jour dans les pages du magazine Melty Bullet de l'éditeur Nihon Bungeisha, et est inédit en France à ce jour. L'autre est l'oeuvre qui nous intéresse ici.

Sorti dans notre pays fin novembre aux éditions Hana, Androgynous est un one-shot d'un peu plus de 200 pages dont les chapitres furent initialement prépubliés au Japon au sein du magazine OnBlue des éditions Shôdensha, magazine ayant accueilli un paquet de très bons titres du genre tels que L'étranger de la plage, Rendez-vous à Udagawachou, La Cage de la mante religieuse ou encore One Room Angel. La aprticularité de l'oeuvre est qu'elle se divise en deux parties à la fois distinctes et connectées: l'histoire principale sur environ 120 pages pour trois chapitres, et la préquelle d'environ 75 pages pour deux chapitres, tandis que les dernières pages sont réservées à un petit bonus exclusif au volume broché.

L'oeuvre nous immisce au plus profond d'une jungle touffue et peu explorée, et sa première partie nous invite à suivre Jack R. Smith, un botaniste new-yorkais qui est temporairement logé dans le village d'une tribu locale, le temps de faire ses recherches sur les plantes des environs. Le doyen des lieux l'a toutefois mis en garde de ne jamais s'approcher de la source à l'extrémité du village, terre sainte interdite d'accès... et évidemment, pour un scientifique comme Jack, il n'en faut pas plus pour justement attiser sa curiosité. Mais en se rendant sur place, le botaniste ne s'attendait pas forcément à tomber sur une "belle plante" d'un autre style: un jeune garçon à la beauté envoûtante, qui, d'emblée, se montre particulièrement entreprenant avec lui. N'ayant jamais ressenti de tel lors de son ébat avec cet être, Jack entreprend alors de le retrouver, mais au sein du village tout le monde feint l'ignorance, comme si ce jeune garçon n'existait pas. Il finit par tomber dessus au fond d'une grotte, et par découvrir ses secrets: ce jeune garçon, en plus d'avoir été envoyé en marge du village en tant que prêtresse du Dieu de la forêt, est en réalité un être androgyne, ayant à la fois les organes génitaux d'un homme et d'une femme. Et c'est bien ce qui fait son malheur... En même temps que jack, on découvre alors un être qui a beaucoup souffert de sa particularité, en étant marqué par la solitude depuis longtemps, rejeté par son propre village qui a profité des croyances ancestrales pour l'éloigner et en faire une prêtresse. Au contact du botaniste, et entre deux scènes de sexe, il sera question, pour le jeune hermaphrodite, d'oser être lui-même, et de s'accepter tel qu'il est autant que Jack l'accepte...

La deuxième partie, elle, est donc une préquelle où, pour sauver le village de la misère, un jeune habitant du nom d'Ester se propose lui-même en sacrifice au Dieu de la forêt. Jamais un humain n'avait encore été offert ainsi à la divinité, si bien que cette dernière finit par être intriguée, notamment sur le plan sexuel après avoir si longtemps observé ces vulgaires humains s'ébattre comme des bêtes. Plutôt que de dévorer l'humain, le dieu en fait donc son partenaire sexuel. Ce qui n'était pas prévu, c'est que ces ébats finiraient par créer entre les deux êtres un lien étroit, faisant que bientôt aucun des deux ne peut plus se passer de l'autre... avec, à la clé, une petite explication sur les origines du rôle de prêtresse du Dieu de la forêt.

On ne va pas se mentir: ce qui intéresse le plus Akira Shihara, ça semble bel et bien être les scènes érotiques, qui sont omniprésentes et sont très peu voire pas censurées. Est-ce que cela se fait au détriment de l'histoire ? Eh bien, pas tout à fait, puisque même si tout va très vite dans les avancées sentimentales, le fait est que les moments de sexe, en plus d'être ancrés dans des ambiances assez variées (certains ébats sont forcés au départ avant d'être beaucoup plus assumés par les deux partenaires, ce qui ne plaira pas forcément à tout le monde donc soyez-en bien averti(e)s ), sont bien souvent le meilleur témoin des relations qui se consolident et de l'amour passionné que les héros finissent rapidement par ressentir.

Surtout, le moins que l'on puisse dire, c'est que la patte visuelle de l'autrice, peut-être en partie nourrie par son travail de restauratrice de fresques murales, est sublime. En plus de décors de jungle omniprésents, précis et très immersifs, Akira Ashihara livre des designs sexy et sensuels à souhait, que ce soit pour le corps androgyne d'Aura ou pour les autres physiques plus musclés. L'ensemble se veut incroyablement dense et intense, jusque dans les peaux métisses parfaitement rendues par des trames nuancées, et dans la profondeur des regards sur les plans plus rapprochés. Enfin, les nombreuses scènes coquines sont elles-mêmes très bien mises en image, portée par une mise en scène qui sait y faire ressortir autant de sauvagerie que de tendresse selon les moments.

Sublimé par le travail visuel de son autrice, Androgynous est un yaoi hautement érotique franchement convaincant dans sa catégorie, et qui est en plus servi dans une qualité éditoriale tout à fait satisfaisante. Le papier et l'impression sont d'honnête qualité, le lettrage est propre, la traduction de Leonore Carrascosa est soignée, et les deux premières pages en couleurs sont un petit plus toujours agréable.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs