Alice in borderland Vol.1 - Actualité manga
Alice in borderland Vol.1 - Manga

Alice in borderland Vol.1 : Critiques

Imawa no Kuni no Alice

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 21 Juin 2013

Après Hyde & Closer, petit shônen assez classique, mais très généreux qui nous laissait découvrir un jeune mangaka plein de promesses, l'auteur Haro Asô nous revient avec Alice in Borderland, un énième jeu de la mort qui risque fort de tirer son épingle du jeu dans un sous-genre bien trop souvent limité à la pure action sans véritable travail sur les personnages.

Ryôhei Alice, lycéen parmi tant d'autres, est ce que l'on peut appeler un loser. Cancre, peu confiant envers les adultes, désabusé alors qu'il est encore si jeune, il fait partie de ceux qui fuient la réalité et les responsabilités en rejetant tout sur la société, sur les autres. Son meilleur ami, Chôta Segawa, n'est guère plus motivé : tout aussi mauvais en cours et encore plus faible qu'Alice, il fuit la dureté du quotidien en jouant les insouciants et en se faisant le petit pervers de ces dames. A côté d'eux, Daikichi Karube, le troisième larron de la petite bande, ferait presque tache : plus mature, plus réfléchi, plus fort aussi, il se raccroche à son travail pour ne pas se laisser bouffer par la réalité.
Trois amis qui, chacun à leur manière, fuient une société qui, de base, les a écartés. Ah, si seulement le syndrome de Peter Pan pouvait devenir réalité. Si seulement ils pouvaient se libérer de ce quotidien morne en partant loin d'ici, loin de la réalité... Quelque part dans le ciel nocturne de la ville, un étrange et puissant feu d'artifice est sur le point d'exaucer leur voeu. Et les voici tous trois projetés dans un étrange univers apocalyptique, où ils seront contraints d'accomplir les épreuves qui sont dressées face à eux pour tout simplement rester en vie...

Au fil des premières pages, Haro Asô s'attache à présenter ses héros, ce trio de "marginaux". Et chacun d'eux, en quelques pages, et très bien présenté, tant on ressent aisément le malaise qui les anime, ce malaise qui touche typiquement les adolescents et les êtres mal dans leur peau. Chacun à leur manière, Ryôhei, Chôta et Daikichi fuient une réalité qu'ils préfèrent rejeter en bloc... jusqu'à ce qu'ils se retrouvent propulsés dans le monde étrange et dangereux de Borderland, qui va marquer pour eux le début d'une sérieuse remise en question. Pour eux, le confort n'est plus, et les voici obligés de lutter pour leur propre survie dans un monde dont, pour le moment, ils ne connaissent rien.
Après la présentation, les choses démarrent vite. Nos héros sont projetés à Borderland, un univers que l'on attendait ancré dans le fantastique, et qui fait finalement largement plus dans la science-fiction, en nous posant un cadre qui reste réaliste : celui d'une grande ville, qui a pour particularité d'avoir été vidée de ses habitants, comme laissée à l'abandon, et qui recèle désormais mille dangers. C'est dans ce cadre que nos héros subiront soudainement leur première épreuve, après avoir rencontré une jeune femme du nom de Saori Shibuki, qui semble être là depuis déjà assez longtemps et pourrait bien les renseigner un peu plus sur ce monde... une fois la première épreuve passée !

Car c'est bien cette première épreuve qui occupe l'essentiel du volume. Une épreuve simple, mais très vivante et bel et bien dangereuse, qui permet surtout de poser quelques bases intéressantes, au-delà de ce concept simple de jeu pour sa survie. Ainsi découvre-t-on notamment le concept des augures, petit tirage de papiers offrant à la fois une aura de chance et de petits indices pour s'en sortir, à condition que l'on soit apte à les comprendre. Une petite idée qui ajoute assurément du sel à cette première épreuve en ne basant pas uniquement les choses sur l'action pure. Quant à la symbolique des cartes, sorte de visa pour rester en vie (on n'en dira pas plus), elle renvoie doucement vers Alice au Pays des Merveille, dont l'auteur s'inspire très librement.

Tout ne repose pas sur l'action pure, mais rassurez-vous, car celle-ci est quand même bien présente et sait se faire très prenante et dense. Très sincère sur Hyde & Closer, le coup de crayon de Haro Asô conserve cette qualité qui assure un rythme effréné. Les visages des personnages sont très expressifs, les décors et les dangers sont dessinés avec richesse. C'est dense... parfois trop dense au regard de quelques cases qui en deviennent un peu bordéliques (quand les flèches tombent, surtout), mais c'est prenant et animé par de nombreux dialogues qui font bien ressortir la délicatesse de la situation et les craintes des personnages. Surtout, au fil de cette première épreuve tendue, de nombreuses questions se soulèvent : qu'est exactement cet univers de Borderland ? Sur quoi est-il basé ? Est-ce un rêve ? La réalité ? Si c'est la réalité, comment expliquer que de simples bouts de papier puissent avoir tant d'influence, ou que des millions de flèches puissent subitement être décochées en même temps ? Peut-on seulement sortir vivant d'un univers qui semble répéter ses jeux à l'infini ?
Au fil de l'épreuve puis des premières réponses qu'ils obtiennent, nos héros ont tout le loisir de sombrer petit à petit dans le désespoir. Et c'est là que la série laisse apparaître toute sa force. Car loin de s'arrêter au simple concept de jeu de la mot sadique façon Saw (pour citer une oeuvre fondatrice) ou King's Game (pour citer un manga récent), Alice in Borderland s'intéresse réellement à ses héros. Les premières pages font parfaitement ressentir leur malaise, leur arrivée à Borderland les plonge dans un inconnu total qui les oblige à se poser de nombreuses questions, les fait régulièrement flirter avec le désespoir... mais au bout du compte, le jeu pourrait bien les éveiller enfin à des qualités qu'ils ne pensaient pas avoir. Le meilleur exemple dans ce premier tome : Chôta. Plus peureux que les autres, il est le premier à subir de plein fouet les doutes, s'accusant d'être inutile et trop faible. Epaulé par ses amis, gageons qu'il saura changer et se forger.

Après tout, il suffit peut-être de sortir un peu de son confort, d'arrêter de tout rejeter en bloc, pour enfin pouvoir révéler ses qualités, son potentiel. Le message de Haro Asô semble être là, il transparaît dès le premier tome, car l'auteur s'intéresse réellement à ses personnages, apporte déjà de vraies questions humaines à son oeuvre, en prenant le soin d'emballer le tout dans un récit d'action trépidant, dont la tension dramatique est constamment palpable. Ce premier tome n'est encore qu'une introduction, mais pose d'excellentes bases et annonce une série pleine de promesses.

Côté édition, c'est très agréable. La couverture en jette, la traduction est vivante, les polices sont bien choisies.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs