Alice in Borderland Retry Vol.1 - Actualité manga

Alice in Borderland Retry Vol.1 : Critiques

Imawa no Kuni no Alice Retry

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 24 Novembre 2021

Proposée en France par les éditions Akata/Delcourt (devenues Delcourt/Tonkam depuis) à partir de 2013 pour une conclusion arrivée en 2017, Alice in Borderland est une série qui a beaucoup marqué les esprits ici, en obtenant à plusieurs reprises sélections et Coups de coeur dans nos Tops de la rédaction hebdomadaires, avec un point culminant pour le Coup de coeur de son tout dernier tome, ayant frôlé la note maximale de 20/20 tant elle était aboutie. Aujourd'hui encore, on peut considérer l'oeuvre de haro Asô comme l'un des mangas "survival" les plus humains, intelligents et profonds que l'on ait pu voir. On a malheureusement pu regretter, à l'époque de sa publication, que la série ne trouve pas le succès qu'elle méritait (sans pour autant être un gros four)... mais ça, c'était avant l'arrivée de la première saison de son adaptation live sur Netflix en fin d'année dernière, adaptation ayant rencontré un grand succès (si bien qu'une saison 2 est en route). Ce drama a beau être en réalité très médiocre (tant il trouve le moyen d'exprimer des choses à l'exact inverse du manga en foutant en l'air toutes ses réflexions humaines), il a au moins eu le mérité d'offrir une nouvelle vie au manga d'origine, poussant Delcourt/Tonkam a le réimprimer. Alice in Borderland semble donc enfin avoir trouvé le succès mérité... Et il n'est donc pas étonnant de voir Delcourt/Tonkam, après avoir achevé en septembre dernier (non sans mal, au vu du rythme de parution miteux) le spin-off Alice on Border Road (une série moins forte mais que l'on peut aussi conseiller, car elle parvient à monter en puissance dans ses derniers tomes), s'attaquer en ce mois de novembre au nouveau volet (et sûrement dernier) de la saga: Alice in Borderland Retry.

Nommée Imawa no Kuni no Alice Retry au Japon, Alice in Borderland Retry est une courte suite bouclée en 2 volumes, que Haro Asô a dessinée pour le magazine Shônen Sunday des éditions Shôgakukan entre fin 2020 et début 2021, spécialement pour accompagner l'arrivée de la série live. On y retrouve Ryûhei Alice, l'adolescent héros d'Alice in Borderland, mais quelques années après les éprouvants événements qu'il a vécus dans la série-mère. Devenu adulte, désormais âgé de 26 ans et ayant tout oublié (comme les autres survivants) des épreuves passées quelques années auparavant dans ce monde entre la vie et la mort qu'est Borderland, le jeune homme exerce désormais, du mieux qu'il peut, son travail de conseiller pédagogique, auprès d'adolescents qu'il peine toutefois à cerner... Comment gagner leur confiance, lui qui aimerait sincèrement les aider dans leurs problèmes ? Il a l'impression de travailler dans le vide, bien que son supérieur plus âgé se veuille rassurant et philosophe: pour que les élèves croient en lui, il faudrait déjà que lui-même aie confiance en lui, qu'il s'aime et qu'il soit parfaitement heureux. Et Ryûhei semble bien avoir auprès de lui ce qu'il faut pour être heureux: Yuzuha Usagi, sa si précieuse compagne lors des épreuves à Borderland, est devenue Yuzuha Alice, et tous deux attendent leur premier enfant.

Dans les toutes premières pages de cette suite, il y a forcément de quoi être heureux de voir ce que sont devenus Ryûhei et Yuzuha une fois adultes, tant on s'est attaché à les suivre pendant les 18 tomes d'Alice in Borderland. Mais alors que notre héros s'interroge sur le plan professionnel et s'apprête à vivre un heureux événement sur le plan familial, un accident va le renvoyer dans ce lieu chaotique qu'il avait précisément oublié... De retour à Borderland en compagnie d'une poignée d'autres personnes qui se demandent forcément toutes ce qu'elles font là, il découvre un quartie de Shibuya chaotique, apocalyptique, où la nature a repris ses droits... et où il va, évidemment, devoir participer à un nouveau "jeu" mortel le temps des deux tomes composant la série.

Voué avant tout, comme déjà dit, à accompagner l'arrivée de la série live, Retry aurait pu être une simple suite opportuniste et facile, et c'est même un petit peu ce que l'on peut craindre au départ en découvrant la nature du nouveau jeu, estampillé 9♥ : chacun des 7 malheureux "joueurs" se voit attribuer un smartphone avec des cartes "life" et une carte "death", les premières permettant d'accorder une vie à un participant autre que soi, tandis que les deuxièmes annulent l'effet d'une carte "life" donnée ou à venir. Le but ? Que chacun ait une carte life pour pouvoir ouvrir une capsule dans laquelle se protéger, avant la fin d'un compte à rebours au bout duquel un cataclysme mortel s'abat dans la pièce. A priori, donc, il suffit juste que les participants coopèrent en s'attribuant chacun une carte "life", mais ce serait évidemment trop simple: à chaque nouveau tour, il y a une capsule en moins, un peu sur le principe d'un jeu de chaises musicales. Ce qui signifie que les morts seront inévitables...

Le principe est simple à assimiler, et aurait pu tourner à la simple boucherie égoïste dans d'autres oeuvres survival. Mais même si certains personnages sont très caricaturaux (la racaille violent Taiga...), l'auteur est bien plus intelligent que ça et, tout comme il l'a fait dans la série-mère, va pousser à fond le concept pour apporter différentes réflexions, tout en poussant à bout ses personnages sur le plan psychologique (rappelons, d'ailleurs, que les épreuves ♥ sont justement les épreuves de nature psychologique à Borderland). Dans l'ensemble, les personnages pris au piège avec Alice sont bien campés (y compris Taiga, au vu des réflexions qu'il finit par immiscer en Alice), entre un duo père/fille forcément très attaché(e)s l'un(e) à l'autre, et un duo de collègues médecin/infirmière se connaissant donc bien même s'ils ne sont pas forcément sur la même longueur d'ondes. Au fil de ce jeu où, a priori, seule une personne pourra survivre, chacun s'interroge différemment sur la situation: il y a d'abord une volonté de coopération avant de comprendre que tout le monde ne pourra pas survivre, le désir profond d'une père de sauver sa fille, le désir un peu plus "cartésien" du médecin dans cette situation... avec, à la clé, des confrontations d'idées et de valeurs, de possibles décisions difficiles à prendre, etc, etc. Autant de choses qui vont permettre à Haro Asô de questionner nombre de sujets, essentiellement autour de la vie et de sa valeur. Comment déterminer qui "mérite" le plus de mourir dans un tel jeu ? Sur quoi se baser ? Mérite-t-on un tel sort quand bien même on a effectué des exactions parfois très graves ? Toutes les vies sont-elles considérées de manière égale ? Mieux encore, Asô va pousser plus loin ses questionnements en jouant, comme il l'avait déjà si bien fait dans Alice in Borderland, sur l'humanité de ses personnages, avec tout ce que cela peut impliquer de qualités, de défauts, de prises de conscience, de désir de repentance. Ainsi, chaque personnage semble bien parti pour avoir ses facettes plus difficiles, y compris ce père de famille admirable dans son désir de sauver sa fille chérie, et qui a pourtant autrefois, dans son travail, brisé l'avenir de nombre de personnes sans en faire grand cas ou même y penser, simplement pour son désir d'ascension professionnelle. Les nuances qui se glissent peu à peu chez les personnages sont donc bonnes, d'autant plus qu'en filigranes elles permettent à Asô d'esquisser un regard assez critique sur certains dérèglements de nos sociétés, entre les limites du système médical, celles des assurance...

Bref, il y a de quoi être rassuré: Retry n'est pas une suite opportuniste, dans la mesure où Haro Asô, peut-être avec un peu moins de puissance vu que la série va vite s'achever, montre qu'il a encore beaucoup de réflexions à apporter à travers ses personnages, leurs doutes, leurs tourments, leur passé, leurs points de vue respectifs... faisant qu'ils ne sont jamais tout blancs ou tout noirs.

Côté édition française, Delcourt/Tonkam nous livre son désormais habituel nouveau format shônen adopté depuis 2016. Ce qui fait qu'entre la première édition d'Alice in Borderland qui était dans un format shônen légèrement plus grand de 2-3mm, le format seinen d'Alice on Border Road, et maintenant ce format-là, celles et ceux suivant la saga depuis ses débuts ont les trois séries en trois formats différents. Vraiment top pour le rangement... Mais ce soyons pas trop mauvaise langue car, à part ce détail pas forcément très grave selon les rangements/bibliothèques, l'édition en elle-même est très bonne. La jaquette bénéficie d'un joli vernis sélectif, en plus de bénéficier d'un logo-titre bien imaginé. Et à l'intérieur, le papier est souple et sans transparence, l'impression est de bonne facture, le lettrage est soigné, et la traduction d'Akinori Matsumoto est très claire.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs