Akiba Manga Vol.1 - Actualité manga

Akiba Manga Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 24 Février 2011

Après le lancement de sa collection manga en début 2011, l'éditeur Ankama se lance dans un nouveau pari fou : importer le système de prépublication japonais en France. Pourtant, nombreux sont les exemples de précédents qui n'ont pas duré très longtemps sur le marché français. Mais l'éditeur roubaisien, fort de son expérience en presse avec les revues consacrés à Dofus ou au jeu vidéo en général, présente ici un magazine dépassant le concept de la simple preview de nouvelles licences. Akiba Manga, c'est son nom, nous propose de découvrir sept titres totalement inédits, en France... comme au Japon ! De jeunes artistes japonais ont en effet décidé de participer à ce projet collaboratif, en travaillant pour la plupart avec des scénaristes français. Et ce n'est pas tout ! Ces sept œuvres subissent les lois de la compétition, selon un système de vote : les moins populaires seront arrêtées, tandis que les plus plébiscitées pourront se voir offrir une publication en volumes reliés. Mais le public français est-il prêt à suivre ce genre d'initiatives, à l'instar de son homologue japonais ? Et surtout, les titres en jeu valent-ils vraiment tous de préfigurer au sein du magazine ?

A lancement exceptionnel, auteur exceptionnel : l'inauguration d'Akiba Manga passe par la publication d'une courte nouvelle de Shingo Araki, célèbre animateur et chara-designer surtout connu pour ses travaux sur Saint Seiya ou Goldorak ! Sourir nous entraine ainsi sur les pistes d'un jeune garçon voulant participer à un concours de découverte de jeunes talents du manga. Que rêver de mieux pour lancer une revue pronant justement la découverte de nouvelles plumes ? Seulement, si les planches d'Araki débordent de poésie et même d'une certaine mélancolie au travers de ses aquarelles, la confusion règne. L'auteur passe d'une idée à l'autre sans véritable cohérence, comme si tout cela n'avait été qu'un joli rêve éphémère... Néanmoins, un ton très décalé semble être posé pour la suite... mais il est temps de revenir à la réalité de la compétition ! Passons donc en revues les différents titres qui sont censés nous tenir en haleine pour un petit moment...

Commençons donc par Les 10 de Sanada, de la mangaka Kosato, ouvrant le bal avec quelques pages couleurs très réussies. Le graphisme reste d'ailleurs maitrisé dans un premier temps avec des effets crayonnés plutôt réussis... mais gare au relâchement ! Si le design du héros est plutôt réussi, certains décors ou visages en arrière-plan semblent avoir été fait à la va-vite, sans parler des scènes d'action au dynamisme... inexistant (lance-t-il un kunai, ou se protège-t-il juste du soleil ?). Côté scénario, le tout est pour l'instant bien timide : un guerrier vient enquêter sur les lieux encore chauds d'un massacre. Néanmoins, le récit semble avoir l'ambition de mêler passé et présent, puisque tout semble être rêvé par un petit garçon contemporain. Il reste à voir vers quoi cela peut aller, mais pour l'heure, on reste encore sur notre faim.

Seul shojo du magazine, Terminus, de Takada Katsura, intrigue dès son ouverture, où l'on voit une jeune fille semblant se jeter sur les rails d'une voie de métro au moment où ce dernier arrive en station. Le but de l'histoire consistera alors à comprendre comment cette demoiselle du nom de Kaede en est arrivé là, en la retrouvant à l'aube de son entrée en faculté. L'auteure retranscrit sincèrement les doutes de son héroïne devant la fin de son enfance et les angoisse de ce monde des adultes qui l'attend. Si parfois, son style très littéraire pousse à l'exagération dans le verbe d'évènements anodins, on se laisse porter par ce récit d'une très grande fraicheur, véritable bouffée d'air frais du magazine. A l'heure où nous écrivons ces lignes, le titre mène le classement d'une confortable avance !

Sans transition aucune, passons à Pandemonium, de Savan. Nous sommes dans un avenir proche, où les créatures surnaturelles se sont démocratisées et sorties de l'ombre, provoquant de nombreux problèmes. Une unité d'élite est alors mise en place par la police pour calmer les troubles. Ce synopsis tenant sur un timbre poste sert juste de prétexte à une avalanche d'action, où l'auteur semble s'être fait plaisir. Hélas, le déroulement des évènements est particulièrement illisible, les personnages n'ont pour l'instant aucune profondeur et font dans la démonstration pure et simple. Rajoutez à ça un design de monstres particulièrement hideux, notamment le loup-garou en fin de chapitre. Un début raté donc, en espérant pour la série qu'elle se calme et reparte du bon pied.

Agents Suicides, c'est un peu l'exact antithèse de Pandemonium. Le récit de la mangaka Shino met du temps, beaucoup de temps, pour s'installer, en prenant de très larges proportions scénaristiques. Récemment, de nombreux évènements sanglants se produisent dans le monde : attentants suicides, avalanches mortelles, incendies,... pourtant, tout semble lié à une seule et même source : de mystérieux individus nommé Agents Suicides. Il est pourtant assez ardu d'entrer dans le récit qui se veut très explicatif d'entrée de jeu, alors qu'on aurait apprécié naviguer un peu plus avant d'avoir autant de révélations. Néanmoins, le final explosif pourra retenir notre attention jusqu'au chapitre suivant. La série bénéficie d'un graphisme très envoutant, mais manquant de maitrise sur les tramages où sur les effets visuels. A surveiller tout de même.

Avec Absinthe, nous retrouvons Savan, dessinateur de Pandemonium. Devra-t-on une nouvelle fois craindre le pire ? Pas forcément ! En effet, le récit se veut beaucoup plus posé, mieux construit, et le style graphique s'en retrouve étonnamment plus dégagé à son tour. Nous suivons Teoxane, une femme recueillie par une bibliothèque et qui ne se souvient pas de son passé, si ce n'est dans ses rêves où elle se découvre en tueuse redoutable. La série perd néanmoins en lisibilité dès lors que l'héroïne est en proie à sa schizophrénie, néanmoins il est plutôt appréciable de voir un tel rôle de femme fatale au sein du magazine.

La Valse des Corps, de Kenta Hashiura, est un cas un peu particulier : en effet, suite à un désistement, l'auteur s'est porté volontaire pour participer au projet, mais aura du produire les vingt pages de ce chapitre en une semaine. Le moins que l'on puisse dire... c'est que cela se ressent ! Pour faire simple : qu'il s'agisse des expressions caricaturales, des proportions ridicules, des perspectives ratées, des décors vides ou même des phylactères aux contours tremblotants, il n'y a rien, absolument rien à sauver. Devant un tel supplice graphique, il est très difficile de s'intéresser à l'histoire, pourtant, il y en a une : un profileur enquête sur une série de meurtres, aidé par son fils Hideo (qui est graphiquement une pale copie de Natsuno de Shi Ki) participant à l'enquête sans que l'on sache trop pourquoi. Bref, ce titre est sans doute le moins réussi du magazine, et le court délai de travail n'excuse pas tout...

Enfin, La Mort en grève termine l'aventure. Cette histoire nous est offerte par Midori Harada, qui a notamment travaillé comme illustratrice pour le jeu de cartes de Pokémon. Par sa magie et son côté ancien et pourtant original, le récit ne peut qu'intriguer. Comme son titre l'indique, nous sommes dans un monde où La Mort a décidé d'arrêter de tuer, provoquant ainsi un certain chamboulement dans le monde. Deux émissaires, un ange et un démon, sont alors envoyés sur Terre pour trouver un "élu". Mais quel sera son rôle ? La Mort en Grève fascine par un univers qui n'appartient qu'à lui, avec des créatures totalement atypiques et volontairement simplistes, et une narration volontairement statique. Il reste à voir où tout cela va nous mener, mais cela reste plutôt prometteur !

La variété est donc de mise au sein du magazine, tant par la diversité des thématiques abordés que par la qualité des différents titres, oscillant entre l'amateurisme et le professionnalisme. On reprochera néanmoins au magazine de ne faire figurer que le nom (ou le pseudonyme) de ses dessinateurs japonais à l'ouverture de chaque histoire, alors que les scénaristes français restent eux totalement anonymes ! Pourquoi taire ainsi l'identité de ceux qui sont derrière ces titres ? Lorsqu'on voit la différence de ton entre Pandemonium et Absynthe du même mangaka, on réalise pourtant toute l'importance du scénario !

Akiba Manga, est un magazine de pré-publication, certes, mais pas que ! Le magazine s'étoffe également d'un contenu annexe autour de la culture de base de l'otaku français moyen. Au menu : quelques chroniques manga, anime, jeu vidéo, un portrait de Shingo Araki en introduction de Sourire, ainsi que quelques articles consacré aux origines du manga, sur le quartier d'Akihabara, sur la Japan Expo, sur les festivités du nouvel an, et même une page cuisine ! Avec un tel contenu, tout le monde devrait y trouver son compte, mais malheureusement, on peut regretter qu'il ne s'agisse surtout d'un survol de ces thématiques et ne prennent pas le temps de s'y attarder pleinement. Côté chroniques, cela reste également assez consensuel, sans prises de risque. Espérons qu'il ne s'agisse là que de quelques tâtonnements pour le lancement du magazine avant qu'il ne trouve son rythme de croisière.


Au final, ce premier tome d'Akiba Manga constitue un petit évènement dans le paysage du manga français, avec une initiative des plus louables et osées, que l'on ne souhaite qu'encourager. On pourra alors regretter que son contenu soit aussi inégal, certains titres ne faisant objectivement pas du tout le poids face à d'autres. Néanmoins, tout lecteur devrait pouvoir trouver son bonheur parmi une sélection très éclectique. Tout n'est pas encore parfait, et le chemin semble être long, mais souhaitons une fois encore un bon courage à Ankama dans cette entreprise très périlleuse, mais pleine de promesses !


Tianjun


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Tianjun
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs