Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 30 Mai 2024
Chronique 2 :
Depuis sa victoire au Prix Karaku, lui ayant permis d'avoir une entrevue avec Issho Arakawa et d'obtenir des explications sur l'éviction de son père quelques années auparavant, Akane apparaît encore plus déterminée à tracer sa voie dans le monde du rakugo qui la passionne tant, pour voler de ses propres ailes et réussir là où son père a autrefois échoué. En tant que zenza de l'école Arakawa, son passage au Yasakatei, un yose réputé voyant défiler quotidiennement nombre d'artistes, lui permet d'encore faire des rencontres et d'assimiler certains us et coutumes du rakugo, le tout essentiellement en apprenant à observer les habitudes et la façon d'être de ses aînés sur scène et en dehors. Et cet apprentissage au Yasakatei étant voué à rester court, c'est déjà une voie encore plus ambitieuse qui se dessine ensuite devant elle: étant donné qu'elle ne connaît que cinq hanashi actuellement, il lui faut à tout prix étendre son répertoire. Et pour ça, son maître Shiguma l'invite a étendre de plus belle ses horizons, en allant apprendre des histoires auprès d'autres conteurs !
Ainsi l'apprentissage d'Akane se poursuit-il à un rythme une nouvelle fois trépident, les auteurs ayant un don pour trouver très souvent un bon équilibre narratif : les avancées ne sont ni trop rapides ni trop longuettes et, surtout, apparaissent toujours limpides quand il s'agit pour eux de nous apprendre différentes choses sur l'univers du rakugo. De ce fait, les informations sont toujours assez nombreuses et faciles à assimiler, mais Yuki Suenaga et Takamasa Moue ne s'arrêtent pas tout à fait à cela puisque certaines nouvelles rencontres sont l'occasion d'aller encore un peu plus loin dans l'abord des coulisses de cet art. Là-dessus, la figure de Rokuro s'annonce intéressante, le jeune homme étant qualifié de prodige de façon très intrigante, appuyant encore un peu plus le sujet du rakugo traditionnel face à un rakugo plus novateur, et montrant un intérêt particulier pour notre héroïne. Mais plus encore, c'est l'envoûtante femme s'affichant sur la jaquette avec Akane qui va le plus nous interpeller: Urara Ransaika, unique disciple de la vie d'un rakugoka légendaire, capable de dévoiler sur scène charisme, expressivité et éloquence, et sachant se servir intelligemment de sa sensualité. Elle aussi intriguée par Akane qui pourrait bien voir en elle un mentor sur certains points, Urara est ici également (voire surtout) un moyen d'appuyer une thématique très présente dans ce tome, en l'occurrence la place des femmes longtemps moindre dans l'univers du rakugo à cause de différents préjugés misogynes. Difficile, alors, de ne pas voir en cette femme et en notre héroïnes de véritables figures de proue pour continuer à briser lesdits préjugés !
Le parcours d'Akane a alors, ici, de quoi continuer à être irrésistible, d'autant plus que la jeune fille a toujours ce caractère déterminé et assez impétueux la poussant à certaines audaces... Mais que se passerait-il si, justement, cette personnalité finissait par lui jouer des tours ? C'est là la principale épreuve à laquelle doit se frotter notre héroïne dans ce volume, car même si le début de tome est jouissif en la voyant prendre sa revanche sur scène face à un aîné l'ayant rabaissée, cela pourrait lui fermer certaines portes en guise de conséquences, et complexifier un peu son apprentissage. Voici alors une sorte d'épreuve qui, en plus de pousser Akane à réfléchir sur son manque de maturité, permet à la série d'éviter trop de simplicité et de linéarité dans l'apprentissage de la jeune fille, et intrigue suffisamment en vue de la suite.
En attendant cette fameuse suite, Akane-Banashi reste ici une lecture très divertissante et intéressante. L'immersion dans l'univers du rakugo reste bien là avec nombre de petites informations bien distillées, le parcours d'Akane est toujours prenant en devant beaucoup à son caractère et à certaines figures de son entourage (en tête ici Urara), le rythme est fort bien dosé... Il est difficile, en somme, de ne pas resté accroché à la lecture !
Chronique 1 :
Après sa victoire au prix Karaku, Akane a pu confronter Issho Arakawa et comprendre les raisons de l'éviction de son père. Désormais, la jeune fille est une zenza, une novice qui a tout à apprendre et qui doit tracer sa propre route. Son parcours la mène au Yasakatei, un yose où performent des rakugoka, dont certains prestigieux. En tant qu'apprentie, Akane doit surtout observer et apprendre de ses ainés. Mais une rixe avec un ainé va la pousser à monter sur les planches et régler ce différend par le biais du rakugo. Seulement, ce geste revanchard aura un impact qu'elle n'attendait pas sur la suite de son ascension...
Avec la fin du volume précédent, nous sommes passés à un second arc pour Akane-banashi. Les premiers enjeux sont maintenant clos, mais le plus important reste à faire pour l'héroïne : voler de ses propres ailes, et réussir là où son père à échouer, ce afin d'honorer son nom et celui de l'école Arakawa. On peut donc croire que la véritable aventure, celle du parcours initiatique d'Akane, débute véritablement maintenant.
Et ce début d'arc ne manque clairement pas de panache. Le passage au yose Yasakatei aurait pu n'être qu'un ersatz d'entraînement durant lequel la jeune fille se contente d'apprendre plus en profondeur les rouages du rakugo, mais les auteurs en font autre chose. La petite revanche d'Akane sur son ainé en début de lecture est particulièrement jubilatoire, mais sert avant tout à enclencher un engrenage qui mettra l'héroïne face à un mur, et à la mener à une rencontre particulièrement marquante. Ransaika n'est pas seulement une mentore bien pensée pour Akane, elle est aussi un personnage qui amène son propos autour de l'univers du rakugo. Cette dimension thématique reste omniprésente et toujours plus creusée et passionnante : Yuki Suenaga et Takamasa Moue ne développent pas seulement l'ascension de leur protagoniste, mais ils abordent aussi le monde du rakugo sous ses dilemmes de société, en tant qu'art vieillissant mené par une élite, face à une jeune génération pleine de promesses. Ransaika aborde ainsi la place de la femme dans cet univers, un propos déjà juste et intéressant, et qu'on espère voir s'étoffer par la suite.
Toute cette suite d'ascension, ce chapitre durant lequel Akane fait face aux limites de son tempérament et trouve un nouveau mentor, se fait dans un écrin déjà solide, grâce aux ingrédients de base du récit toujours présent. Le dynamisme de la narration lors des moments de rakugo, l'exploration des sujets liés à l'univers et l'aspect didactique de cet art trouvent toujours leur place. Ces éléments sont constamment disséminés avec brio de manière à les rendre pertinents sans jamais rendre le récit redondant, trop dense ou, au contraire, trop succinct. Pour l'heure, Akane-banashi ne cesse de nous surprendre, et on en redemande volontiers !