Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 21 Février 2024
Chronique 2 :
Malgré la désapprobation de ses compagnons et les doutes de Shiguma, Akane est parvenue à convaincre son maître de la laisser participer au prix Karaku, un concours de rakugo destiné aux étudiants et aux lycéens. Notre héroïne a en tête un objectif clair: briller en finale du concours pour avoir l'opportunité de demander des comptes à Issho Arakawa sur la brutale exclusion de son père six années auparavant, le vieil homme et grande éminence du rakugo étant la figure phare du jury cette année. Seulement, bien des obstacles risquent de se dresser face à la jeune fille.
La premier de ces obstacles est on ne peut plus logique et classique de ce genre de récit, dans la mesure où il s'agit tout simplement de la rivalité avec les autres participants, dont certains sont clairement parmi les grands favoris. De ce côté-là, deux figures sortent rapidement du lot: Karashi Nerimaya, grand talent déjà remarqué plusieurs fois et qui entend dépoussiérer le rakugo, et Hikaru Koragi, comédienne de doublage qui, en voulant être reconnue par un grand nom du spectacle, veut se prouver à elle-même qu'elle ne doit pas sa popularité qu'à sa voix et à sa grande beauté physique. Entre petites pointes d'arrogance et détermination, les auteurs jouent la carte de cette rivalité de manière très standard, mais c'est suffisant pour entretenir un dynamisme et des enjeux supplémentaires. Et surtout, derrière ça, les deux personnages permettent d'aborder des manières bien différentes d'approcher le rakugo, entre le jeu très théâtral et basé sur le ressenti de Hikaru, et la volonté de Karashi de moderniser cet art très traditionnel afin de toucher un nouveau public plus jeune. Alors, face à ces approches talentueuses et parfois ambitieuses, Akane sera-t-elle à la hauteur avec le récit qu'elle doit interpréter ?
C'est là le deuxième obstacle qui se pose face à la jeune fille: l'interprétation, imposée par Shiguma, de "Jugemu", un hanashi qui est un grand classique mais dont la tonalité très simple, en reposant avant tout sur le besoin de débiter le texte à toute vitesse, n'est a priori pas du tout approprié pour pouvoir briller en concours. Pour parvenir à un résultat satisfaisant, notre héroïne, en plus de ses talents d'élocution déjà vus dans les tomes précédents et acquis au fil des années, devra forcément travailler d'arrache-pied: faire des recherches pour comprendre quelle est vraiment la clé de ce récit au-delà du débit de paroles, ne pas négliger la psychologie des personnages qui est un élément essentiel pour apporter plus de substance, ou encore exploiter le concept de kibataraki, consistant à savoir s'adapter aux besoins des spectateurs pour les accrocher. Les auteurs savent ainsi bien tirer parti des choses pour souligner à nouveau les exigences de l'art du rakugo, et en profitent même pour mieux exposer les thématiques de "Jugemu" autour de l'amour des parents pour leur enfant, sujet universel qui fait ici un peu écho au lien de notre héroïne avec ses propres parents bien sûr.
Enfin, l'autre obstacle n'est autre que celui qu'Akane veut tant atteindre: Issho Arakawa, ainsi que son entourage comme Ikken Arakawa. Le président du jury, qui a si violemment exclus le père d'Akane sans la moindre explication autrefois, se montre ici bien plus souple, même face à des interprétations qu'il n'aime pas forcément, ce qui installe une part de doute à son égard. Cache-t-il quelque chose ? Et serait-il toujours aussi ouvert s'il comprenait qu'Akane est une disciple de maître Shiguma ?
C'est sur cette interrogation assez tendue que nous laisse ce troisième volume classique dans sa formule mais rondement mené dans son abord de ses personnages et du rakugo sous différents aspects. Akane-banashi confirme alors sans mal son bon départ, et distille même de fortes attentes pour le prochain volume !
Chronique 1 :
Afin de se rapprocher d'Issho Arakawa et lui demander de rendre des comptes sur l'exclusion de son père du monde du rakugo autrefois, Akane participe au prix Karaku. Face à elle, des concurrents de taille font leur apparition, une difficulté qui s'ajoute à la condition de base que doit respecter la jeune fille : concourir avec "Jugemu", un classique du répertoire du rakugo, avec lequel il est difficile de briller, surtout quand l'un des maîtres de l'art fait partie du jury...
Après la très jolie entrée en matière de l'un des mangas actuels les plus surprenants du Shônen Jump, on est décidés à se laisser porter par ce que les auteurs Yuki Suenaga et Takamasa Moue ont à nous proposer avec Akane-banashi, récit initiatique qui nous fait découvrir le rakugo, art japonais particulièrement méconnu dans nos contrées. Après une première étape façonnée par une l'introduction, des rencontres et un entraînement avec les deux premiers volumes, place à une première compétition qui aborde l'enjeu premier de la série : l'éviction du monde du rakugo du père de l'héroïne par le maître Issho Arakawa, un personnage qu'on est forcément tentés de détester, mais qui apparaît étrangement sous un jour beaucoup plus positif dans ce troisième volume.
Avec le prix Karaku, c'est l'occasion pour le récit qui réinventer le concept de tournoi à sa sauce, et de développer davantage Karashi et Hikaru, les deux rivaux prometteurs pour Akane, introduit dans l'opus précédent. C'est l'occasion pour cette suite de développer leur approche du rakugo, ce qui sonne comme de vraies "techniques", si on devait comparer le manga à un récit de confrontations. Et pour les auteurs, la formule sonne comme un moyen de parler de cet art sous différentes manières et dépeindre toute sa richesse. Seul le son manque alors, et c'est au lecteur de s'imaginer ces interprétations variées, heureusement facilitées par les compositions et la narration de Takamasa Moue qui parvient à rendre des prestations garnies d'une certaine vie.
Puis, Akane a aussi droit à son tour, dans la dernière partie du volume. Sur le plan "technique", la voilà donc à devoir lutter avec une arme basique. C'est donc avec beaucoup de densité pour appuyer son art et le message du texte que sa représentation de "Jugemu" est mise en image, de manière à faire de la rakugo-ka un challenger aussi prometteur que les deux précédents. Outre la découverte toujours aussi vivante de cet univers théâtral nippon et d'une galerie de personnages vouée à s'étoffer, le parti-pris "compétition" garde une place forte, et nous fait profiter d'une jolie intensité sur cette suite.
Alors que la série n'en est qu'à ses débuts, on a donc déjà l'impression d'assister à un moment charnière, tant Akane doit montrer son talent aux côtés de rivaux habiles, afin d'accéder à des révélations que l'héroïne, tout comme le lecteur, attend avec hâte. On se jettera donc sans sourciller sur le quatrième tome, ne serait-ce pour apprécier la fin de l'arc du prix Karaku, mais aussi parce qu'Akane-banashi impose une emprise sur tout, grâce à tous ses ingrédients !