Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 12 Août 2024
Mangaka surtout connue pour ses boy's love (comme Practiced Liar, sorti en France en octobre 2022), Medamayaki ne limite pas sa carrière à cela et s'est déjà essayée volontiers à d'autres styles, y compris pour l'oeuvre qui nous intéresse ici: After school Love affairs, dont le premier volume (sur deux) est paru dans notre langue à la fin du mois de juin dans la collection Yuri des éditions Taifu Comics. Bien que mettant en scène une histoire lesbienne, cette oeuvre est issue au Japon du magazine catégorisé seinen Big Gangan de Square Enix, dans lequel elle fut prépubliée en 2021-2022 sous le titre "Uso to Kiss wa Houkago ni" (littéralement "Mensonges et bisous après l'école" ).
On découvre ici Rin Yumeno, une lycéenne dont la vie de famille a autrefois été détruite par sa propre mère, incapable de se contenter d'un seul homme et soudainement partie un jour. Ayant alors grandi dans un contexte difficile, la jeune fille a heureusement toujours pu compter, jusque-là, sur le soutien, l'aide et la chaleur humaine de son amie d'enfance Momoka Midorisawa et de la famille de celle-ci, tout en ayant constamment entretenu un dégoût profond pour les femmes volages comme pouvait l'être sa génitrice. Alors, que peut-elle bien ressentir désormais, en voyant que Momoka semble prendre la même voie que sa mère ? En effet, depuis qu'elle est entrée au lycée, l'amie d'enfance de Rin s'est éloignée d'elle et est considérée comme une dévergondée par plusieurs camarades de classe, car elle enchaîne les mecs, et les jette aussi vite qu'elle s'est mise à sortir avec. Momoka a beau justifier son comportement en expliquant qu'elle a besoin de sentir qu'elle est aimée et qu'elle raffole des émotions qu'on ressent au début d'une relation avant que la lassitude s'installe, Rin ne peut s'empêcher de la désapprouver et de la critiquer,si bien que la première finit par faire une étonnante proposition à la deuxième: qu'elles sortent ensemble pour que Rin comble le manque d'amour de Momoka, en échange de quoi cette dernière cessera d'enchaîner les amourettes.
Medamayaki lance donc ici une romance adolescente peu commune, dans la mesure où le début de la relation entre les deux héroïnes repose avant tout sur un marché, Rin allant même jusqu'à imposer trois règles à Momoka: pas d'infidélité sinon ce sera la rupture, pas de pelotage en public, et leur relation doit rester secrète (du coup, on trouvera un peu incohérent que Momoka plaque son ex pour se mettre directement en couple avec Rin devant lui...). Entre elles deux, jusque-là amies d'enfance dont le lien menaçait de se rompre, démarre alors une relation de couple forcément assez étrange puisque ce n'est pas un véritable amour qui semble unir les deux adolescentes...du moins au départ, car l'autrice va évidemment joue sur une certaine ambiguïté concernant Momoka: est-elle amoureuse ou non de Rin ? Recherche-t-elle avec elle uniquement le besoin de se sentir aimée, comme elle le faisait avec ses ex ? Les questions peuvent se poser, d'autant plus que Rin elle-même constate que Momoka, malgré certaines envies un peu plus audacieuses, semble très sérieuse: se plie à ses règles sans rien dire, ne fait rien pour la trahir, l'écoute toujours attentivement...à tel point que Rin se demande si elle n'en demande pas beaucoup à son amie et si cette relation est vraiment équitable.
Toutefois, ne cherchez pas de questionnements très profonds dans cette première moitié de série: se contentant de jouer en surface sur les particularités de cette relation, et de la complexifier via quelques rebondissements un peu trop téléphonés (coucou la pétillante Yamazaki, dont on capte immédiatement le rôle), Medamayaki peine à aller vraiment plus loin que son pitch de départ, y compris quand il s'agit de développer le lien que les deux héroïnes ont depuis des années, tout ceci restant vite vu.
Enfin, côté dessin, c'est à l'image du récit: un peu basique mais suffisamment plaisant malgré tout. Bien que variés et assez intenses dans certains regards, les designs souffrent parfois de grosses irrégularités anatomiques (les filles semblent parfois très étrangement proportionnées). Quant aux décors, ils sont classiques mais propres.
Alors que l'on est déjà à la moitié du récit une fois ce premier tome refermé, After school Love Affairs laisse une impression pas déplaisante mais un peu anecdotique. Pour le moment, Medamayaki peine à offrir une vraie substance à l'histoire commune passée et présente de ses héroïnes. Reste, malgré tout, l'envie de voir ce qui attend ces deux filles dans leur relation particulière et déjà mise à mal, en espérant que la mangaka saura intensifier un peu plus les choses dans le deuxième et dernier volume.
Côté édition, la copie livrée par Taifu Comics est satisfaisante: la jaquette est fidèle à l'originale japonaise, la première page en couleurs sur papier glacé est un petit plus appréciable, le papier souple et assez opaque permet une impression convaincante, le lettrage de Jean-François Leyssène est propre, et la traduction de Nicolas Pujol est claire.