Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 21 Décembre 2022
Manipulée par le narcissique Yûki, abusée par son oncle, Mako, à bout, a fini par tuer ce dernier à coups de couteau en le voyant sur le point de violer Mizuki. Le meurtre de cet homme immonde lui a, en plus, sûrement permis d'évacuer un minimum toutes les horreurs qu'il lui a fait subir depuis si longtemps, elle qui a tout enduré pour subvenir aux besoins de son père... Et à présent, les deux lycéennes amies sont plus que jamais unies par cet événement. En découvrant chez l'oncle de Mako les ignobles vidéos de cette dernière prises à son insu, Mizuki entreprend de se rapprocher de Yûki pour essayer de tout effacer et de permettre à son amie de repartir de l'avant, quitte à découvrir des vérités toujours plus immondes concernant notamment le père de son amie. Mais dans le même temps, Yûki pousse à bout Mako en continuant de la harceler. Et quand elle voit son amie et son harceleur ensemble, Mako se fait bien trop d'idées, au point d'arriver au point de non-retour...
C'est ainsi que, après un deuxième tome qui nous plongeait au plus près de Mako pour nous faire ressentir toute sa détresse et nous inviter à découvrir ce qu'elle a enduré avec effroi, NON révèle enfin, peu à peu, toute la vérité sur les circonstances de la mort de la malheureuse lycéenne. Et l'impact est immédiat, tant la mangaka parvient, en finalement peu de pages, à aborder un paquet de choses, que ce soit la vérité sur le père de Mako qui en ajoute une couche sur l'horreur des adultes masculins entourant nos héroïnes, le dégoût tragique qu'a l'a jeune fille envers elle-même en se sentant coupable d'avoir un corps sali alors qu'elle n'est qu'une victime, la raison pour laquelle Mizuki hait tant sa mère avec à la clé une critique forte des pressions mises sur les jeunes... sans oublier l'idée de la vanité du suicide car cela ne punit pas les vrais responsables, et plus encore la mise en avant des difficultés de se reconstruire après ce genre d'horreurs. Une reconstruction que Mako, elle, n'a pas pu faire...
NON nous livre alors une première partie de volume puissante, poignante et déchirante alors même que l'on connaissait cette issue dramatique depuis les toutes premières pages. Et si cela fonctionne aussi bien, c'est aussi parce que la mangaka, plus encore que dans les deux premiers tomes, livre certaines cases très marquantes où elle ne lésine sur aucun effet-choc, le summum étant cet instant où Mizuki affirme à Mako qu'elle est magnifique (vraiment, on n'en dira pas plus sur le tragique de ces cases). L'autrice offre un portrait fort de deux pauvres adolescentes qui, à leur jeune âge, sans soutien direct autour d'elles, n'ont pu compter que sur elles-mêmes pour trouver une échappatoire. Et si l'échappatoire trouvée par Mako a été la plus dramatique, ce sera aussi en partie le cas pour Mizuki, mais d'une tout autre manière.
Car pour la survivante de ce duo d'amies, il est hors de question de laisser le vrai coupable impuni, alors même que son statut le pousse à se croire tout puissant dans une société patriarcale qui aurait tendance à naturellement le préserver. On comprend alors mieux toute la démarche de Mizuki en se livrant à la police soi-disant pour le meurtre de son amie : elle est prête à tout, y compris à ruiner sa propre vie (et c'est là tout le drame), pour qu'une vraie justice soit bel et bien rendue. Dans une dernière partie de série intense à sa manière (plus bavarde car centrée sur le procès, mais assurément passionnante dans ce qu'elle implique, même si ledit procès passe un peu vite avec quelques grosses ficelles), NON pointe le doigt sur les failles de la justice (japonaise en premier lieu, mais peut-être pas uniquement) dans ce genre de cas, en soulignant ce à quoi peuvent être exposées des adolescentes comme nos héroïnes, et en faisant sentir à son lectorat que certaines choses ne tournent pas rond quand des filles de cet âge ne peuvent pas trouver de réelle aide ni faire confiance à leur entourage avant qu'un drame ne se produise.
Si l'on ajoute à cela le dessin précis, riche et profond de NON (en particulier ses visages de près, cernés, montrant à quel point ses héroïnes sont à bout), il est impossible de ressortir indemne de la lecture d'Adabana. Si les mangas traitant de ce genre de sujet ne sont pas foncièrement nouveaux, la mangaka choisit une voie plus dure, plus tragique, plus rentre-dedans que la moyenne pour dénoncer ce genre de tragédie sociétale, et elle le fait à merveille.