5cm per Second Vol.1 - Actualité manga
5cm per Second Vol.1 - Manga

5cm per Second Vol.1 : Critiques

Byosoku 5cm Metoru

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 29 Janvier 2020

Les fans de longue date de Makoto Shinkai le savent bien: avant les grands succès internationaux de Your Name. puis des Enfants du Temps, le cinéaste avait déjà démontré, au fil de plusieurs oeuvres, nombre de qualités aussi bien dans son travail visuel que dans ses thématiques. Parti de trois fois rien dans une carrière d'animation à partir de la fin des années 90 pour s'émanciper de son travail dans l'univers des jeux vidéo où il ne se sentait pas totalement à son aise, il conçut ses premières réalisations quasiment entièrement seul, puis vit sa notoriété s'accroître petit à petit, et nul doute que 5cm per Second fut une oeuvre charnière dans son travail. Succession de 3 courts-métrages connectés et ayant les mêmes personnages principaux, cette réalisation d'environ 1h n'a pas manqué de charmer nombre de spectateurs pour ses sujets humains et pour son ambiance portée par d'indéniables qualités d'image. Sortie au Japon en 2007, l'oeuvre fut éditée en France chez Kazé en 2010. Et plusieurs années plus tard, Pika Edition semble avoir décidé de surfer au maximum sur la sortie cinéma des Enfants du Temps en nous proposant enfin en langue française l'adaptation manga de 5cm per Second.

Publiée en 2010-2011 pour le compte du magazine Afternoon des éditions Kôdansha, cette version papier fut la toute première série dessinée par Yukiko Seike, une mangaka qui, depuis, a dessiné dans son pays deux autres séries (inédites en France). Reprenant très fidèlement l'histoire et la forme en 3 parties de l'anime d'origine, elle commence par nous compter assez longuement la rencontre entre deux enfants de primaire et la manière dont ils vont se lier d'amitié puis tomber amoureux l'un de l'autre, alors même que la distance et le temps semblent voués à les éloigner. Quand Takaki Tôno, alors en CM1 dans une école primaire de Tokyo, voit arriver à la rentrée des classes une nouvelle élève, Akari Shinohara, débarquée de sa campagne de Shizuoka, il ne sait peut-être pas encore à quel point il va sympathiser avec elle. Lui-même arrivé de la campagne de Nagano un an avant, il se doute un peu de ce que cette jeune fille peut ressentir, perdue dans une gigantesque ville à laquelle il est difficile de s'habituer, et c'est le premier point commun qui les rapproche. Et puis, de fil en aiguille, ils se livrent toujours plus l'un à l'autre, découvrent leurs points communs comme les livres qu'ils empruntent, s'avouent leurs rêves pour quand ils seront grands (il rêve de devenir cosmonaute, elle aimerait travailler comme soigneuse dans un zoo), se lient à travers certaines choses comme deux chats dont ils s'occupent ou un cerisier dont les pétales sont vouées à avoir une symbolique forte dans leur relations, en offrant leur durée de chute au titre de l'oeuvre. Ainsi, c'est tout naturellement, en passant du temps ensemble, et quitte à affronter les taquineries des autres enfants, qu'ils deviennent tout bonnement inséparables. Et c'est ainsi que Makoto Shinkai, puis Yukiko Seike dans un début d'adaptation très appliqué, présentent la naissance d'une relation amicale qui, tout naturellement, entre discussions, découvertes des facettes de l'autre et bonheur de passer du temps ensemble, deviendra bien plus que de l'amitié, à tel point que les deux enfants comptent tout faire pour intégrer la même collège... à moins que le destin ne les en empêche. Un peu avant la fin de l'école primaire, Akari apprend à Takaki qu'elle va devoir déménager à Iwafune dans la préfecture de Tochigi, au nord, son père étant muté. Au début du collège, leur relation se poursuit au gré des lettres qu'ils s'envoient, chose que l'on suit à travers le point de vue de Takaki, tout aussi incapable que son amie de renoncer à cette relation forte. Mais quand le jeune garçon doit, à son tour, déménager sur l'île de Tanegashima tout au sud du pays, la distance devant le séparer d'Akari semble toujours plus insurmontable... Les deux jeunes gens pourront-ils y faire quelque chose ? Se revoir au moins une fois avant de peut-être ne plus jamais pouvoir se croiser ? Réponse au fil d'une fin de partie vraiment bien menée, car tout comme dans l'anime, Seike prend soin de travailler toute son ambiance. Ainsi, toute la scène en train dans les paysages enneigés colle presque des frissons dans le parcours semé d'aléas de Takaki, un parcours dont on ressent toute l'incertitude jusqu'à enfin assister aux retrouvailles, pleines de sentiments retenus, qui finissent par apparaître bel et bien dans plusieurs scènes fugaces, mais qui restent surtout mélancoliques et un brin fatalistes tant les deux jeunes adolescents savent comment ceci va se finir. Le sentiment de solitude qui inonde Takaki dans le train, la puissance déchirante de la distance, le désir de se revoir malgré les épreuves de la distance et du temps, ce sont des thèmes relationnels et humains qui ont toujours imprégné plusieurs oeuvres de SHinkai, comme Voices of a Distant Star avant, ou Your Name. bien plus tard. De même que les discussions intimistes rapprochant les personnages, choses très en avant ici puis dans Garden of Words. Tout ceci, la mangaka le met très bien en scène dans son adaptation, qui n'est jamais rushée, bien au contraire.

Peut alors commencer, après 160 pages, l'adaptation du 2e court-métrage, où, après une ellipse de 5 ans, on retrouve à Tanegashima un Takaki devenu lycéen. Mais c'est désormais à travers un autre personnage qu'on voit ce qu'il est devenu: Kanae Sumida, une camarade de classe qui était avec lui dès son arrivée au collège et qui, dès le premier regard, n'a jamais cessé de l'aimer secrètement, lui qui venait d'une capitale tokyoïte dont elle ne peut même pas imaginer la grandeur par rapport à sa petite île. Sportive, surfeuse, un peu garçon manqué, pleine d'énergie, Kanae est le genre de jeune fille instantanément attachante, d'autant plus qu'à travers la narration assez introspective sur elle on a tout le loisir de bien appréhender les doutes intérieurs qu'elle cache derrière sa vivacité, que ce soit sur le plan des études et de l'avenir ou sur le plan sentimental. Tout comme dans l'anime, et toujours avec la même application de la part de la mangaka, on apprend bien à cerner, et on a forcément de la peine pour elle quand on voit son amour vieux de 5 ans a priori impossible à satisfaire, puisque, elle le sent bien, l'esprit de Takaki semble toujours occupé ailleurs, comme s'il était appelé loin de là... par une autre fille qu'il a autrefois connues et qu'il lui est impossible de totalement oublier ? Là aussi, des thèmes chers à Shinkai apparaissent: le souvenir, l'incertitude face à l'avenir, une pointe d'obsession vis-à-vis du ciel (déjà petit Takaki rêvait de devenir cosmonaute, et le voici à Tanegashima, l'île d'où décollent les fusées japonaises)... sans oublier cette distance et ce temps qui passent doucement mais irrémédiablement, en faisant quelque part leur oeuvre mais sans que ce qui a été autrefois vécu ne puisse être totalement effacé. Le choix de poser Kanae en héroïne de cette 2e partie est vraiment bon, en nous permettant de bien découvrir à travers elle la prise de maturité de Takaki, son détachement, et la façon dont elle-même le voit et le considère. Forcément, le lecteur, contrairement à Kanae, sait pourquoi Takaki est ainsi, ce qui ne fait qu'ajouter un intérêt supplémentaire. Quant aux dernières pages de cet épis volumes qui en compte plus de 230, elles reviennent brièvement sur l'adolescent, pour nous faire ressentir ce qu'il en est de son lien avec Akari.

En plus de prendre tout le temps qu'il faut pour offrir une adaptation complète, soignée et à l'atmosphère prégnante, Yukiko Seike dévoile un coup de crayon vraiment séduisant. Bien sûr, on n'a pas dans le manga les nombreux plans larges sur un ciel riche en jeux de lumière saisissants et en mettant plein la vue, ces voûtes célestes obnubilant le cinéaste depuis toujours, et ces décors calmes ultra-réalistes finissant d'apporter une ambiance paisible hypnotisante. Mais la mangaka, tout en restant suffisamment fidèle aux designs, parvient à tout nous faire ressentit tout en parvenant parfois à offrir une atmosphère encore légèrement différente de l'anime. Le côté paisible et lent de l'anime, hypnotique, a ici par moments quelque chose d'encore plus mélancolique voire fataliste, essentiellement grâce à une mise en scène posée et offrant pas mal de découpages soignés, et à des décors eux aussi très réalistes: que ce soit Tokyo, les paysages enneigés lors du voyage en train, ou l'île de Tanegashima, tout est convaincant, Seike se basant sur des photos assez retravaillées qu'elle rend omniprésentes en plus d'offrir des angles de vues immersif et parvenant à capter aisément une ambiance.

Alors, tout ceci ne vaut forcément pas la merveille qu'est l'anime d'origine, mais cette version manga vaut assurément le détour. Tout en adaptant très fidèlement l'oeuvre de Shinkai pour le moment, Yukiko Seike, via de grandes qualités visuelles, nous la fait ressentir à plusieurs reprises d'une manière un peu plus à elle. Une autre façon réussie de redécouvrir la superbe oeuvre initiale, en espérant que le deuxième et dernier volume sera tout aussi qualitatif.

Cette chronique étant basée sur une épreuve numérique non corrigée fournie par l'éditeur, on ne donnera aucun avis sur l'édition.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction