Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 06 Juillet 2018

Après Tinta Run, VS Fighting et Horion, le catalogue des éditions Glénat continue de s'enrichir de mangas à la française en cette année 2018 ! L'éditeur profite de Japan Expo pour lancer 4LIFE, une série qui comptera deux tomes au total, et dont l'histoire a été conçue par l'écrivain et scénariste Antoine Dole. Pour la partie graphique, ce dernier a su s'offrir les services d'un artiste dont le nom vous dit peut-être quelque chose: en effet, Vinhnyu a été le lauréat du second tremplin Ki-oon et le premier vainqueur du concours de manga MAGIC de Monaco. En attendant de voir arriver sa future série chez Ki-oon, on le découvre donc un peu plus ici.


4LIFE narre les mésaventures de 4 amies de 17 ans bien différentes, mais unies par une même passion: la culture pop japonaise. Cali est une adolescente au tempérament de feu, en totale opposition à ses parents. Mina, elle, vit plutôt dans la pauvreté, mais auprès d'une mère aimante, adore particulièrement le boy's love et a plutôt un look de garçon manqué. Tam est une mordue des cosplays félins. Quant à Sara, elle aime notamment les mangas shôjo. Toutes ensembles, cosplayées en ce qu'elles aiment, elles profitent du début des vacances pour se rendre à leur grande messe annuelle, la Nippon Expo. Mais le trajet en bus ne les y emmènera jamais:le véhicule connaît un terrible accident. Pourtant, aucune d'elle ne meurt. Sara se réveille à l'hôpital, et ne tarde pas à retrouver ses 3 amies en vie. Seulement, elle constate vite que quelque chose se passe en elle: a priori, depuis l'accident, elle a acquis un pouvoir lié au costume qu'elle portait au moment du drame, et la même chose s'est produite pour ses trois camarades. Mais plus inquiétant encore, d'étranges ombres se mettent à rôder en ville et à exercer petit petit leur emprise sur celle-ci, comme pour l'avaler, la recouvrir. Les habitants deviennent agressifs dès qu'ils sont happés par les ombres, un danger rôde... Et cerise sur le gâteau, Sara se met à entendre dans sa tête une étrange voix qui semble la promettre à un destin particulier...


En choisissant de faire de leurs héroïnes des mordues de culture pop nippone et notamment de cosplay et de manga, les auteurs se risquent à quelque chose d'un peu casse-gueule, tant, on sait déjà, d'expérience, que ce genre de chose peut être ratée si on ne s'y prend pas correctement. Et malheureusement, dans le cas présent, les 4 adolescentes peuvent très vite devenir horripilantes, tant elles représentent toutes de gros clichés. Entre le fort caractère en opposition à tout, le garçon manqué fan de boy's love ou la boulotte adorant les cosplays de chat et les comportements qui vont avec, on se retrouve avec de très gros poncifs pas vraiment travaillés, nuancés ni détaillés, malgré quelques textes qui sauvent le tout: si ces filles aiment tant être ensemble et aller à une convention comme Nippon Expo, c'est parce qu'elles ont le sentiment d'y être acceptées telles qu'elles sont, ce qui à la base est plutôt positif... mais étrangement, la suite du récit tend à contrebalancer ça.


Car dès lors qu'elles acquièrent leurs capacités après l'accident, les filles semblent changer petit à petit, précisément à cause de ce qu'elles aiment, et leur amitié qui semblait belle et solide s'effrite à vue d'oeil. La raison ? Leurs costumes, donc leur passion, semblent peu à peu prendre possession d'elles, au point de la métamorphoser petit à petit. Tam, l'amatrice de cosplays de chats, devient de plus en plus féline. Mina, la fan de boy's love garçon manqué qui était déguisé en mec, devient de plus en plus masculine. Cali, la caractérielle qui s'était cosplayée en tueuse, devient toujours plus agressive. Et le cas de Sara paraît un peu à part... En plus de devoir se confronter aux ombres qui recouvrent la ville et qui semblent leur en vouloir, les 4 adolescentes doivent donc se confronter à elles-mêmes, à ces costumes et pouvoirs dont elles ne peuvent se débarrasser et qui paraissent les ronger petit à petit.


Du côté des pouvoirs en question, rien de folichon. Sara peut manier des rubans, Cali peut faire apparaître un flingue et s'en servir, Tam est un peu plus chouette en pouvant devenir très féline... Quant à Mina, son pouvoir est d'abord difficile à cerner, car pas vraiment mis en avant tout de suite, on ne comprend d'abord pas trop à quoi il rime, avant qu'il n'ait une utilité lors du passage dans les souterrains. Dans l'ensemble, c'est classique.


Il y a un petit souci d'immersion dans l'univers global, la faute à des personnages secondaires qui paraissent complètement inexistants. C'est simple: en dehors de nos 4 héroïnes qui se démènent, la ville semble parfois presque morte, on est peu immergé dans ce qui s'y déroule. Qui plus est, il est étonnant que les filles ne s'inquiètent pas pour leurs proches, par exemple Mina pour sa mère si aimante.


Un autre problème vient du profond manque d'empathie que l'on peut avoir envers ces 4 filles. Clichés sur pattes pas vraiment approfondis, elles sont dans l'ensemble assez peu attachantes, et leurs liens censés être forts ne se ressentent pas toujours très bien, ou de façon artificielle, comme entre Sara et Mina. Un aspect qui n'est pas aidé par l'agressivité en constante augmentation de Cali, qui serait parfois prête à sacrifier les autres. Ce petit manque d'empathie est d'autant plus dommage que ces 4 adolescentes traversent réellement des épreuves très dures, à commencer par Sara qui doit se confronter à la perte d'être chers...


Et on touche là à l'un des bons points du récit: en prenant pour base quelque chose de finalement assez proche du concept de magical girl, les auteurs restent quand même sur quelque chose d'ancré dans la réalité et d'assez sombre et dramatique, avec des moments durs qui obligent les 4 adolescentes à s'interroger sur ce qu'elles doivent faire, à se demander si elles auront la force nécessaire pour se confronter à cette menace dont pour l'instant elles ne savent rien... Sauront-elles lutter ensemble jusqu'au bout pour essayer de comprendre l’origine de leur transformation, ce qu'est l'ennemi, pourquoi il s'en prend à elles ? Les enjeux sont importants: sauvez la ville, et surtout ne pas disparaître elles-mêmes.


Le dessin de Vinhnyu possède des maladresses, mais n'est pas désagréable du tout. Il y a parfois quelques perspectives étranges et un aspect "croquis" bizarre par rapport au reste, ainsi qu'une mise en scène pas toujours parfaitement limpide dans les moments d'action. A contrario, d'autres scènes sont vraiment bien découpées, les designs des héroïnes sont tous bien différents et assez marqués, les costumes sont assez soignés, les trames sont généralement bien appliquées, il y a également d'assez intéressants jeux de contrastes (surtout dans la scène souterraine)... En somme, ce n'est pas excellent, mais il y a un réel potentiel qui ne demande qu'à s'affirmer. Beaucoup de lecteurs remarqueront également que le cadre du récit s'inspire beaucoup de Paris et de sa banlieue : Nippon Expo qui est évidemment un équivalent de Japan Expo, l'architecture des rues, les noms un petit peu modifiés, des lieux reconnaissables comme la librairie Junku, les voitures immatriculées 75...


Il est difficile d'analyser 4LIFE sur ce simple premier tome, car le scénario pourrait vraiment montrer beaucoup plus de potentiel dans le deuxième et dernier volume, Antoine Dole ayant visiblement bien pensé son récit dans la durée, avec la promesse de bouleversements plus forts. En attendant, il y a pas mal de maladresses, voire de choses un peu irritantes, mais aussi des idées qui ne demandent qu'à mieux s'exprimer. De ce fait, pour l'instant, 4LIFE n'apparaît ni vraiment bon ni vraiment mauvais, et nous laisse tout simplement un peu sur notre faim, avec l'envie d'avoir plus de réponses sur tout ce qui se passe. Affaire à suivre malgré tout, donc.


Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique non corrigée fournie par l'éditeur, on ne donnera pas d'avis sur l'édition.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
10.5 20
Note de la rédaction