10 ans de nos Vies : Critiques

Hitori to Hitori no 3650nichi

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 28 Mars 2022

Sorti en France en janvier dernier aux éditions Hana, 10 ans de nos vies fut, au Japon, le tout premier (et à ce jour le seul) livre broché de la carrière d'une mangaka se faisant appeler hitomi et qui était auparavant déjà assez connue dans le milieu amateur. De son nom original Hitori to Hitori no 3650nichi, ce recueil regroupe, sur un peu plus de 170 pages, deux histoires de la mangaka initialement prépubliées dans le magazine Reijin Uno! de l'éditeur Takeshobo.

La première est la plus importante des deux puisque, en plus d'offrir son nom au recueil, elle s'étire sur 4 chapitres et environ 130 pages. On y découvre Katsumi, un jeune homme qui, depuis déjà dix ans, garde une profonde blessure dans son coeur: celle d'avoir violemment rejeté son meilleur ami Maki le jour où, après la déclaration d'amour de ce dernier à son égard, il lui a dit qu'il le dégoûtait. Katsumi souffre tellement d'avoir été si abject à cette époque que, depuis, il se laisse prendre par les hommes qui veulent tirer leur coup, quitte à n'être traité que comme un vulgaire objet et à passer pour un maso. Subissant les assauts violents de ses partenaires, il estime ainsi expédier son crime d'il y a dix ans, être puni comme il le mérite après avoir autrefois blessé son ami. Mais tout risque de changer le jour où Katsumi et Maki retombent l'un sur l'autre, par hasard. Et alors que Katsume se sent encore et toujours coupable, il découvre en Maki un homme heureux de le revoir, et qui semble passé à autre chose. Pourtant, en découvrant le sexe autodestructeur auquel s'adonne Katsumi, Maki sent quelque chose ressurgir au fond de lui, et fait alors une proposition à son ancien ami: qu'il le laisse le punir lui-même.

L'autrice nous immisce donc ici dans une histoire pas foncièrement originale, mais qui brille toutefois sur un élément, ses dessins. Car il faut bien le dire, pour une première oeuvre professionnelle, hitomi dévoile un trait fin et précis dans les designs (encore renforcés par des trames assez fines qui donnent de très beaux effets d'ombres), mais aussi dans les décors qui, bien que classiques, sont propres et assez présents. Mais c'est aussi dans ses choix de découpage et dans certains angles (en particulier ceux mettant en avant les silhouettes et visages des deux héros) que la mangaka séduit sans difficulté. Enfin, les quelques moments érotiques sont plutôt bien dosés, surtout quand la dessinatrice y jongle entre le côté brutal et quelque chose de plus doux.

Car de la douceur, il y en a bel et bien, derrière le côté sombre, entre les deux personnages principaux du récit, dès lors que tous deux tâchent de communiquer, de parler de leurs regrets, de mieux se découvrir (car finalement, ils avaient beau être amis, ils ne se connaissaient peut-être pas tant que ça au niveau de leurs goûts). Certes, Katsumi estime avoir piétiné les sentiments de Maki et lui avoir brisé le coeur, mais Maki, lui, qu'a-t-il pu ressentir pendant tout ce temps-là ? Il a ses propres regrets, en estimant avoir été égoïste et avoir trahi leur amitié. Les deux hommes s'expliquent, à l'image de Katsumi avouant qu'à l'époque il avait peur de devoir faire face à des préjugés et d'avoir son avenir ruiné. Quant à Maki, alors qu'il peut enfin toucher l'homme qu'il a autrefois aimé, pourquoi se sent-il si vide ? Est-ce vraiment en le "punissant" qu'il veut être avec ?

Mais malheureusement, si le fond, sans être très original, est assez intéressant, le fait est qu'il est beaucoup trop rapidement abordé. En seulement 130 pages, hitomi n'a effectivement pas le temps d'amener proprement la plupart des évolutions, si bien que tout semble s'enchaîner un peu trop vite et, du coup, de manière peu crédible. Et cette impression, on la ressentira aussi dans la deuxième histoire: bien que le cadre plus campagnard et les différences de robustesse des deux héros y soient sympathiques, elle reste expéditive par rapport aux possibilités affichées, du fait de sa durée de même pas 30 pages, et malgré sons petit épilogue bonus de 7 pages.

A l'arrivée, on a ici un ouvrage qui souffre un peu de la brièveté de ses deux histoires, celles-ci semblant défiler trop vite, avec quelques avancées trop soudaines. Restent un dessin facilement séduisant, et une histoire principale parfois très prenante dans son alternance entre brutalité et douceur.

Concernant l'édition française, on a droit à une copie satisfaisante, avec une jaquette sobre restant proche de l'originale japonaise, une première page en couleurs offrant une jolie illustration, une bonne qualité de papier et d'impression, un lettrage soigné, et une traduction convaincante de Vanessa Gallon.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs