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Samurai Warriors: Spirit of Sanada

Le test du jeu video:

Publié le Vendredi, 22 Mai 2020

Régulièrement, Omega Force et Koei Tecmo y vont de leur nouveau dérivé dans la vaste gamme de jeux Musô dont ils sont les spécialistes. Que ce soit via les sagas phares Dynasty Warriors et Samurai Warriors, les improbables crossovers Warriors Orochi/Warriors All-stars, ou les adaptations à la sauce beat'em all de classiques de la pop culture (One Piece, Berserk, Zelda, Arslan...), on ne peut pas dire que les amatrices et amateurs soient en manque de jeux permettant encore et toujours de dégommer des hordes d'ennemis décérébrés via des combos dépassant vite les centaines de KOs. Le reproche étant souvent fait aux développeurs reste cependant leur tendance à peu se renouveler, et à se reposer longuement sur leurs acquis en balançant de temps à autre un nouveau "spin-off" ou une nouvelle "version améliorée". Dans ce registre, Samurai Warriors 4 est peut-être l'exemple le plus marquant: sorti il y a déjà 6 ans en 2014, ce volet reste, à ce jour, le dernier épisode canonique de la saga SW, Omega Force préférant multiplier les dérivés qui se reposent dessus. Samurai Warriors 4-II, Samurai Warriors 4 Empires, et même un Samurai Warriors 4 DX débarqué au Japon l'année dernière... Certains volets amènent des changements ou améliorations assez intéressants, d'autres ne ressemblent qu'à de grosses mises à jour vendues au prix fort... Et dans tout ça, l'annonce d'un Samurai Warriors 5 commence exagérément à se faire attendre ('fin, si Omega Force prend son temps pour nous préparer un jeu en monde ouvert tirant des leçons des défauts du plutôt pitoyable Dynasty Warriors 9, on veut bien attendre encore). Pourtant, dans le flot de dérivés autour de SW4, un autre spin-off un peu plus surprenant nous est parvenu il y a pile 3 ans, fin mai 2017.

  

Sorti au Japon en novembre 2016, Samurai Warriors: Spirit of Sanada tire son origine d'une initiative un brin étonnante: il a été développé pour accompagner la diffusion télévisée japonaise de Sanada Maru, un drama historique de 50 épisodes centré sur le très célèbre samurai Yukimura Sanada (depuis toujours une figure-phare des jeux SW), et faisant parti des NHK taiga drama, un concept durant depuis quelques décennies et voyant la NHK diffuser chaque année une nouvelle série d'Histoire centrée sur un personnage historique nippon en particulier. Dès lors, le concept du jeu ici présent est assez évident: retracer l'Histoire de Yukimura Sanada, de son enfance à l'époque où les Sanada étaient vassaux du clan Takeda (dans les années 1560), jusqu'à sa tragique disparition en 1615 lors du siège d'Osaka.

   

Plutôt que de s'éparpiller dans tous les sens autour de différents personnages, les développeurs proposent donc ici une trame purement chronologique claire, et qui s'avère véritablement passionnante car réellement scénarisée d'un bout à l'autre.
Surtout, l'histoire du jeu se veut dans l'ensemble extrêmement fidèle à la vraie Histoire (hormis quelques détails, notamment sur le rôle de certains personnages féminins, tout est tel qu'enseigné dans les livres d'Histoire), s'appuyant même sur la classique encyclopédie (toujours présente dans les jeux Samurai Warriors et Dynasty Warriors, elle décortique longuement les personnages, les faits, les batailles, les lieux, les liens entre clans, les termes spécifiques... pour des heures de lecture), pour un résultat couvrant un demi-siècle d'Histoire japonaise sous de très nombreux angles. Car si Yukimura Sanada est la figure centrale du jeu, il va de soi que tout, autour de lui, est développé, avec à la clé quelques nouveaux personnages dont Masayuki Sanada (le père de Yukimura et de Nobuyuki, avec qui on commencera l'aventure puisque Yukimura est enfant au départ), Lady Muramatsu (la douce soeur aînée de Yukimura, personnage non-jouable mais omniprésent), Sasuke Sarutobi (ninja du clan), et la ravissante Chacha, fille de Nagamasa Azai et d'Oichi et mère de Hideyori Toyotomi, une femme de caractère que Yukimura accompagnera jusqu'au bout dans le déclin.

  

Cherchant à bien porter le scénario et à bien le travailler pour nous le faire ressentir de l'intérieur, le staff a pensé à bien des choses. Tout d'abord, il est évident que même si on suit Yukimura et le clan Sanada, celui-ci fait partie d'un tout dans une Histoire japonaise en pleins bouleversements, et que nos pas nous emmèneront donc, au fil du récit, à la rencontre de tous les personnages habituels de la saga SW, tous acteurs de cette époque troublée. Certains personnages font certes des apparitions plutôt forcées via des missions secondaires, comme Miyamoto Musashi, Kojiro Sasaki, Okuni et Goemon Ishikawa. Mais l'immense majorité, de Shingen Takeda à Kunoichi (que je suis personnellement heureux de voir dans un rôle si important, ayant toujours adoré ce personnage) en passant par Ieyasu Tokugawa, Ina, Hideyoshi Toyotomi ou même son épouse Nene, auront tous un rôle et un impact bien clairs et décortiqués avec une certaines précisions, qu'ils soient très proches, alliés, mentors ou ennemis. Une soixantaine de personnages jouables sont alors au programme, et il est passionnant de voir comment évoluent les relations et conflits entre eux, avec à la clé quelques d'émotions, un rendu fluide de ces guerres entre daimyos, et le sentiment d'assister comme il se doit et de comprendre quel a pu être le parcours tantôt épique, héroïque, tragique et tiraillé du clan Sanada.

  

Qui plus est, pour amener une pointe de crédibilité supplémentaire, Omega Force a instauré ici un nouveau principe évident: le vieillissement des personnages... ou, tout du moins, de quelques personnages, les plus importants du jeu, qui sont moins d'une dizaine (Yukimura, Masayuki, Nobuyuki, Chacha, Ieyasu Tokugawa...). Cela peut faire bizarre à l'écran que seule un poignée ait eu droit à ce privilège, mais il reste que l'idée est efficace, d'autant plus que dans le cas de Yukimura les développeurs ont poussé un peu plus loin la chose: quand il est enfant il ne se bat qu'avec un bâton et ne peut entrer en mode Rage, à l'adolescence ses mouvements de base se débloqueront, et ce n'est qu'à l'âge adulte que toutes ses capacités pourront se débloquer.

  

Bref, sur le plan de l'histoire et de l'Histoire, Spirit of Sanada, c'est du béton armé, bien souvent enrichissant et passionnant tant cette période historique est riche et bien décortiquée, et où l'on pourra seulement reprocher des cinématiques made in Omega Force donc toujours en mode "gros sabots" dans les émotions. Mais ça, ça dépendra des goûts de chacun (perso, j'aime bien). Cela dit, tout ça c'est bien beau, mais qu'en est-il du nerf de la guerre, à savoir le jeu en lui-même ? Eh bien de ce côté-là, pas de grosses surprises: l'essentiel reste toujours de dégommer des ennemis par dizaines dans d'assez grandes maps aux décors féodaux, le tout se basant toujours sur le moteur graphique et sur le gameplay de Samurai Warriors 4.
Visuellement, on ne va donc pas se mentir: ça commence à VRAIMENT prendre un coup de vieux, d'autant que les jeux Musou n'ont jamais (ou ont rarement) été reconnus pour être à la pointe de la technologie. Alors, ce n'est clairement pas ce qu'on attend d'un jeu de ce genre de toute façon, d'autant que ça permet d'afficher à l'écran pléthore d'ennemis à la fois sans que le tout rame, mais cela peut devenir clairement lassant de voir les mêmes graphismes recyclés d'un spin-off à l'autre sur plusieurs jeux. Reste que le rendu est toujours aussi nerveux, que ça dézingue bien comme toujours, que les décors des maps sont soignés et immersifs à défaut d'être à la pointe technique.
Et donc, côté gameplay, on est en terrain conquis par rapport à SW 4 et 4-II. Pas de grosses surprises dans les combos et les touches à marteler, mais fort heureusement chaque personnage a toujours sa façon de se battre (certains sont des brutes, d'autres misent sur la rapidité, etc) et son type d'arme attitré ainsi que ses touches spécifiques pour les combos et des attaques musou personnalisées, bien sûr.

  

Il y a néanmoins, dans tout ceci, une part stratégique un peu revue à la hausse, et qui passe d'abord par une bonne idée dans les maps: si les missions sont toujours chronométrées, le temps n'est plus indiqué directement, mais passe par un système jour/nuit s'étalant sur 24h (ou 1h équivaut à 1min, de mémoire). Il ne sera donc pas rare qu'en guise de timing, on vous dise de finir la mission avant l'arrivée de la nuit ou avant l'aube, par exemple, ce qui apporte une petite pointe de réalisme supplémentaire. Et puis bien sûr, il y a des petites spécificité selon que vous êtes de jour ou de nuit, ainsi l'absence de soleil sera-t-elle propice à des attaques furtives de ninjas ennemis ou atténuera-t-elle votre vision.
Mais la part de stratégie passe surtout par le retour de stratagèmes et de tactiques à débloquer de différentes manières, mais essentiellement en réussissant des objectifs secondaires propres à chaque mission. Ces objectifs secondaires sont assez variés: éliminer tel ennemi dans tel temps imparti, empêcher tel ennemi de fuir, battre tel ennemi en utilisant une attaque musô, vaincre tel adversaire avec tel personnage, etc... De quoi ajouter, en plus, des challenges supplémentaires dans chaque mission. Reste qu'à force de débloquer des stratégies, certaines batailles peuvent devenir trop faciles, mais vous êtes parfaitement libre d'utiliser ou non les stratégies.

  

En dehors des batailles importantes qui sont le nerf du jeu, ce dernier propose également pas mal d'autres choses, et l'on retient essentiellement ici les bases, des lieux servant de camp à nos héros, et que l'on verra d'ailleurs s'agrandir au fil de l'histoire. Il y a bien sûr le camp principal des Sanada, mais pas que. Et dans chacun d'eux, il y a pas mal de choses à faire, même s'il faut avouer que ça devient vite redondant et un peu pauvre: se lier d'amitié avec les nombreux personnages en parlant et en leur offrant des objets qu'ils aiment (chacun ayant sa préférence à découvrir) améliorer ses armes auprès du forgeron, s'entraîner au dojo pour gagner des niveaux ou débloquer des nouveaux combos, acheter des montures toujours plus rapides et puissantes, se procurer des marchandises qui pourront ensuite être utilisées pour fabriquer des remèdes utilisables en jeu ou pour améliorer vos armes... Sur ce dernier point, plusieurs solutions s'offrent à vous pour récupérer toutes sortes d'objets. Vous trouverez parfois tout simplement des trucs qui brillent par terre, vous pourrez vous adonner à la pêche dans un mini-jeu afin de récupérer du poisson, cultiver vos légumes à la ferme (là aussi via un mini-jeu), prier une statue divine pour qu'elle vous offre des bénédictions (et là aussi il y a un mini-jeu), accomplir des petites demandes de certains habitants, et partir en exploration dans les terres entourant vos bases.

  

Et ce dernier point est précisément le dernier élément important à aborder. En effet, au-delà des batailles, vous pourrez aussi prendre le temps de partir en exploration dans certaines territoires. Parfois, vous n'aurez pas le choix car explorer tel lieu sera obligatoire pour avancer dans l'histoire. Mais bien souvent, ces explorations sont libres, vous pouvez les accomplir seul ou avec un partenaire avec qui votre jauge d'amitié est pleine, et il s'agira pour vous de récolter des objets utiles, tout en vainquant les éventuels ennemis sur votre route dont certains sont spécifiques à telle ou telle zone. L'idée est franchement bienvenue, même si, là aussi, elle finit vite par tourner en rond.

En fait, ce que l'on reprochera peut-être le plus au jeu, c'est son absence totale de mode 2 joueurs: rien en coop en écran splitté, rien non plus en ligne, un choix plutôt étrange étant donné que les précédents jeux y avaient droit. Il faut également souligner que le jeu n'a pas une durée de vie folle pour un Musou, même s'il faudra quand même 20-25h pour finir l'histoire, et environ 30h si vous voulez débloquer tous les trophées. Enfin, le jeu est évidemment en Anglais dans les textes (mais les vois japonaises sont au rendez-vous, heureusement), et même s'il n'est pas hyper compliqué à comprendre les nombreux textes pourraient barber les moins anglophones d'entre vous.

  

Mais en dehors de ça, Samurai Warriors: Spirit of Sanada est un jeu qui, grâce à ce qui a pu être dit au fil de cette chronique, apporte un bon petit vent de fraîcheur à une saga qui en avait peut-être bien besoin. Il se veut assez généreux, doté de pas mal de petites nouveautés intéressantes même si pas toujours assez approfondies, passionnant dans l'histoire bien scénarisée qu'il raconte et dans plusieurs de ses personnages, assez prenant dans ses quelques nouveautés, éléments stratégiques et missions secondaires, et évidemment toujours aussi défoulant. La seule condition pour accrocher ? ne pas être allergique à la recette de niche des jeux Musô made in Omega Force, bien sûr.
   

Chroniqueur: Koiwai


Note de la rédaction