Jeu Video - Actualité manga

Le test du jeu video:

Publié le Vendredi, 15 Janvier 2016

Charisme, émotion, ludisme, immersion… ces mots sont utilisés à toutes les sauces dans le jargon vidéoludique. De nos jours, et on est les premiers à le déplorer, une grande majorité des productions pixelisées se ressemblent. Seules quelques pépites de fraîcheur viennent saupoudrer de leur candeur notre écosystème numérique. Bien que travaillant le plus souvent sur consoles portables, Level-5 est l'un de ces studios dont chaque réalisation fait trépigner d'impatience. On ne présente plus les multiples énigmes du Professeur Layton ou les frasques footballistiques des cramponnés d'Inazuma Eleven. Dire que Ninokuni était attendu, à sa sortie au Japon fin 2010, est un doux euphémisme. S'il ne s'agit "que" de la version Nintendo DS, force est de constater que l'union Level-5/Ghibli fait mouche dès les premiers instants. Comblés, nous l'avons été de bout en bout, même si l'ensemble s'avère au final assez simpliste dans ses fondations. Si vous souhaitez suivre les traces d'Hayao Miyazaki, écouter les somptueuses mélopées de Joe Hisaishi ou tout simplement vous évader, suivez le sentier du "Second Monde".

Si le terme happé peut sembler fort, c'est pourtant le sentiment qui nous parcourt en découvrant l'introduction animée de Ninokuni. La patte Ghibli, reconnaissable entre mille, met une véritable claque. C'est d'autant plus agréable que la compression vidéo s'avère de qualité. Pour un peu, on se croirait en train de découvrir un nouveau film d'animation des studios de Miyazaki-san. L'immersion est totale et seul l'écran-titre vient nous rappeler qu'on se trouve en présence d'un jeu vidéo. Quant à la musique, on y reviendra, mais sachez qu'aucune cartouche Nintendo DS n'atteint une telle prestance. Impossible de rester de marbre en écoutant les compositions du très inspiré Joe Hisaishi.



Espoir parallèle

Puissants et mélancoliques, les thèmes musicaux viennent appuyer un prologue tragique. Oliver, le héros que vous incarnez, va perdre sa mère dans de tristes circonstances. En voulant essayer la dernière invention de l'un de ses camarades, un bolide monté de toutes pièces, le jeune homme manque de se noyer. Il ne doit son salut qu'à sa génitrice, Arie, qui ne survit pas. Meurtri à jamais, le jeune orphelin pleure les larmes de son corps sur une poupée de chiffon que lui avait offert sa maman. C'est alors qu'apparait, dans la droite lignée de la magie Ghibli, une créature amusante (son piercing nasal n'est autre qu'une lanterne) du nom de Shizuku. Ce drôle de personnage lui raconte alors qu'une dimension parallèle, appelée Ninokuni (le "Second Monde"), agit comme un miroir du monde réel, chaque habitant vivant une autre vie sans en avoir conscience. Déterminé à retrouver sa mère, Oliver décide de suivre Shizuku et ils vont bien entendu vivre une aventure hors du commun, faite de rencontres étonnantes et de combats épiques. La trame scénaristique matérialise d'ailleurs cette oscillation constante entre le monde d'Oliver et celui de Ninokuni. Il n'est pas rare de passer de l'un à l'autre, via le fameux ouvrage vendu avec la cartouche.



Tourne les pages


Le grimoire est incontestablement un très bel objet au design qui respire bon l'ancien temps. Fort de ses 352 pages, ce livre n'est finalement qu'un condensé de la mythologie de Ninokuni et dispose avant tout d'une valeur encyclopédique. En revanche, les pages des glyphes sont indispensables à la tenue de votre aventure, ces derniers servant de véritables clés à l'avancée du scénario. Si l'idée est ingénieuse, elle fait aussi de Ninokuni un jeu difficilement accessible en déplacement. Mine de rien, le bouquin est assez lourd et on se demande presque s'il n'aurait pas été plus habile de lier le livre avec la future mouture Playstation 3. On imagine aussi que ce dernier est un moyen détourné de lutter contre le piratage, mais à l'ère d'internet, cette "protection" est, il faut l'avouer, quasi vaine. Concernant les signes en eux-mêmes, ils ne sont pas difficiles à réaliser et la reconnaissance d'écriture est plutôt efficace. Il est néanmoins indispensable de suivre un ordre dans les tracés, sous peine de devoir recommencer son glyphe. Le livre contient également des petits mots de passe à droite et gauche (ou plutôt des solutions à des énigmes) mais rien d'insurmontable. Bien évidemment, on ne vous invite pas à vous grimer en spécialiste de l'alphabet runique pour le plaisir. Chaque reproduction matérialise une action importante du jeu, comme celle notamment d'ouvrir le passage des deux dimensions ou d'utiliser diverses formes de magies, soit durant les combats, soit lors des phases d'exploration. Au final, l'équilibre entre le palpable et le virtuel apporte une vraie valeur ajoutée qu'il serait bien dommage de bouder...



Un style à la Draque


Dans sa structure, Ninokuni n'apporte strictement rien à la plupart des jeux de rôle japonais et rappelle à de nombreuses reprises l'univers des Dragon Quest. On retrouve tous les côtés naïfs du J-RPG, avec des joutes au tour par tour. Durant vos déplacements, les ennemis sont visibles sur la carte, vous permettant ainsi d'éviter les affrontements inutiles. En revanche, si vous avez la mauvaise idée de flâner trop près d'eux, ils n'hésitent pas à vous poursuivre. La prudence est donc de mise, surtout si votre santé n'est pas au beau fixe. A ce sujet, on retrouve tous les poncifs du genre, allant de l'auberge aux boutiques d'items ou d'armes. Au cours de vos pérégrinations, vous croisez de nombreux monstres qu'il faut recruter pour ensuite monter son équipe. A l'instar d'un Pokémon, la formation est interchangeable et il y a même un système de gestion (il faut les nourrir) et d'évolution (chaque créature dispose de ses propres aptitudes) à la manière de l'œuvre de Satoshi Tajiri. Il n'est également pas étonnant de retrouver le principe d'échanges en ligne. Sachez, pour terminer, que les combats ne réinventent pas la roue mais demeurent efficaces à tout point de vue. L'équipe de trois n'est pas de trop pour lutter face à certains ennemis, dans la mesure où l'XP monte de manière relativement lente.



Les quêtes piétinent


Non avare en rebondissements, Ninokuni fait la part belle à de nombreuses quêtes, disposées ça et là du monde parallèle. Certains boss ne sont accessibles que par ce biais et ces épreuves sont une bonne occasion de gagner en expérience, tout en récupérant des objets. Sachez qu'elles ne sont pas uniquement focalisées sur des joutes offensives, il s'agit parfois de simplement nettoyer des tags sur un mur, mettre la main sur des artefacts ou encore aller à l'encontre de personnes qui ont besoin de vos runes pour gagner en confiance. Rien de très original, mais cela assure une durée de vie conséquente. Un détail cependant, il est toujours aussi énervant de se trouver en présence de jeu qui vous oblige à effectuer certaines quêtes pour avancer dans l'histoire. Cela donne un aspect redondant qui peut vite s'avérer énervant.



Réalisation d'orfèvre

Techniquement, Level-5 n'a plus rien à apprendre de la Nintendo DS, le studio ayant réalisé les remakes des Dragon Quest. Ninokuni est une nouvelle fois la preuve de leur grande maîtrise du hardware de la portable de Nintendo. Les couleurs sont éclatantes et la plupart des modélisations sont un régal, avec une mention spéciale pour le mouvement de la cape d'Oliver. Le point d'orgue de la cartouche se situe dans ses décors, grandioses à souhait qui jouent sur un effet de profondeur superbement rendu. Le mix 2D/3D fonctionne parfaitement et il n'est abusé de dire que c'est un véritable dessin animé interactif qui prend vie sous nos yeux, appuyé par des séquences animées à tomber à la renverse (mises bout à bout, il faut compter un peu moins d'une demi-heure). Et que dire de la bande son ? Exceptionnelle et délicieuse, on se laisse porter par le talent du grand Joe Hisaishi. A l'époque, Michael Jackson ne souhaitait pas voir son nom apposé à la bande son de Sonic 3, celui-ci jugeant le processeur sonore de la Megadrive trop faible pour une retranscription digne de ce nom. Un peu moins de vingt ans plus tard, les choses ont bien changé et la puce sonore de la DS a été judicieusement exploitée. C'est un véritable orchestre qui se fait entendre au cours de l'aventure, sans qu'aucune fausse note ne vienne entacher la prestation des musiciens. Joe Hisaishi a fait des merveilles, et il en de même pour tous les doubleurs japonais, surprenants de justesse.

Ninokuni est donc un chef d'œuvre technique, saupoudré d'une excellente prestation ludique. Complète et efficace, l'œuvre de Level-5 et Ghibli reste finalement simple dans la mesure où elle ne fait qu'emprunter les recettes du J-RPG. Pourtant, la magie opère dès les premiers instants et ne quitte plus le joueur avant un paquet d'heures. On est littéralement bercés par ce garçon qui fait tout pour revoir sa mère et cette créature, unique et très drôle dans sa démarche et ses attitudes.

Chroniqueur: Manga-News


Note de la rédaction