Shigeyasu YAMAUCHI - Actualité manga

Shigeyasu YAMAUCHI 山内 重保

Interview de l'auteur

Publiée le Dimanche, 17 Juin 2018

Comme à chaque édition, le Tsume Fan Days accueillait son lot d'invités en rapport avec les licences exploitées par le fabriquant. Pour cette cinquième édition, le réalisateur Shigeyasu Yamauchi était de la partie. Très connu pour ses travaux sur Saint Seiya et Dragon Ball Z, M. Yamauchi ayant dirigé le cultissime métrage autour de Broly, l'artiste a accepté de nous rencontrer afin de parler de son parcours et de ses expériences.



Bonjour M. Yamauchi, pouvez-vous d'abord nous parler de la manière dont vous êtes devenu réalisateur ?



Shigeyasu Yamauchi : Quand j'étais petit, je voulais intégrer les métiers de l'audiovisuel, sachant qu'il est plus facile d'intégrer ce milieu maintenant qu'il y a trente-cinq ans. Je voulais travailler dans le milieu des films, mais je n'avais pas de contact. Un jour, j'ai vu l'annonce d'un studio qui recrutait du personnel, c'était le studio d'animation Mushi Productions. Je me suis retrouvé à l'échelon le plus bas, le larbin de service. Au bout de quatre mois, je pensais avoir le niveau pour être metteur en scène. J'en ai parlé à mon supérieur qui m'a donné la direction de la porte, j'ai été viré.



A ce moment là passait au studio Mushi Masami Ando, un réalisateur du studio Tatsunoko Production qui avait rapidement monté les échelons à l'époque. C'est aussi pour ça que je pensait pouvoir faire de la mise en scène au bout de quatre mois. Il m'a dit travaille sur l'anime Grand Prix, c'est là que j'ai connu le studio Toei Animation et suis devenu réalisateur.



Après Grand Prix, deux séries ont commencé en même temps : Galaxy Express 999 et Capitaine Flam. Sur cette deuxième série, j'ai travaillé en tant qu'assistant-réalisateur. Vu que le studio manquait de personnel sur ce titre, j'ai vite gravi les échelons et ait réalisé deux ou trois épisodes de la série. C'est une série très connue en France, mais le dessin n'est vraiment pas terrible contrairement à l'histoire. (rires)

A savoir que je réalisais mais ne touchais pas au storyboard, je ne faisais que le retranscrire. J'ai eu mon premier épisode sur le dernier arc de la série, autour de l'épisode cinquante.




A cette époque, aimiez-vous déjà l'animation ou est-ce un intérêt que vous avez pris en cours de route ?



Shigeyasu Yamauchi : Je voulais entrer dans l'audiovisuel mais je n'avais pas forcément d'intérêt pour l'animation. Mais ça a été un moyen d'intégrer le secteur et éventuellement trouver ma voie par ce biais.



Vous êtes très connu en France pour vos travaux sur Saint Seiya et Dragon Ball Z. Dans quels contextes avec-vous intégré les équipes de ces deux séries ?



Shigeyasu Yamauchi : Avant Saint Seiya, je travaillais sur une série au sein de Toei Animation, mais je ne me souviens plus du titre. Lorsqu'elle s'est terminée, Saint Seiya venait à peine de démarrer. J'avais eu l'occasion de voir l'opening et l'ending, et on m'a proposé de travailler dessus. Je crois que seuls deux épisodes avaient été diffusés à ce moment. C'est comme ça que j'ai intégré la production de la série.



Pour Dragon Ball Z, il faut savoir que je n'avais pas une très bonne image dans le milieu, on me détestait souvent. Mais on reconnaissait que j'étais capable de gérer des séries difficiles émotionnellement et en terme d'action, comme Saint Seiya et Dragon Ball. On m'a donc rappelé pour DBZ autour de l'épisode 48, lorsque la série avait presque un an.

Je ne me souviens plus exactement, mais je travaillais aussi à l'époque sur Talulu dont M. Masahiko Okura, aussi présent aux Tsume Fan Days, était character-designer. C'est après Talulu qu'on m'a demandé de travailler sur Dragon Ball Z, ça correspondrait bien aux dates.



Concernant Talulu, aviez-vous un budget faible pour la série ?



Shigeyasu Yamauchi : Le temps alloué à la production de la série n'était pas plus court que sur un Saint Seiya ou Dragon Ball Z. Mais je n'ai pas connaissance du budget, on ne nous donne jamais les chiffres.


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En France et dans le monde, on vous reconnaît pour le huitième film Dragon Ball Z, celui autour de Broly qui est mythique. Comment avez-vous eu l'idée de ce changement, le film partant dans d'autres directions qu'à l'accoutumée ?



Shigeyasu Yamauchi : Lorsque j'ai dû travailler sur le film Broly, je me suis rendu compte qu'il lui manquait quelque chose, bien qu'il soit le plus puissant des guerriers Saiyan. C'est cette solitude du puissant que j'ai voulu retranscrire. Il peut détruire des galaxies mais est seul contrairement à Gokû, qu'il exècre mais qui a une famille, tout comme Vegeta. Quand il perd à la fin, il se rend compte que la force n'est pas que physique, il aurait pu attendre une autre puissance, s'il avait eu quelque chose à protéger par exemple.



L'un de des épisodes de Dragon Ball Z sur lesquels vous êtes très connu est celui de la première transformation de Gokû en Super Saiyan. Etait-ce un épisode particulier pour vous ? Vous en souvenez-vous encore ?




Shigeyasu Yamauchi : Je ne m'en souviens pas. (rires)

C'est Masaki Satô qui a animé cette séquence, et ça ressemble plutôt à mon style de mise en scène. C'est un épisode que j'ai fait il y a plus de vingt ans, donc je ne me souviens pas forcément de tout ce que j'ai fait. (rires)



Entre parenthèse, j'ai une fille d'une trentaine d'année. Elle est capable de reconnaître ce que son père a fait d'un seul clin d’œil. Il faudra l'inviter aussi la prochaine fois, elle pourra nous dire. (rires)



Ça sera peut-être une question piège : Vous avez réalisé des combats avec beaucoup de jeux de jambe, c'est un style très particulier qu'on vous attribue beaucoup. Vous souvenez-vous de ça dans Dragon Ball Z ?



Shigeyasu Yamauchi : Je ne sais pas si c'est une touche personnelle, mais c'est vrai que beaucoup de réalisateurs faisaient se battre Gokû avec des Kame Hame Ha ou autres techniques à base de Ki. Je pense que quand quelqu'un se bat, il utilise tout ce qu'il a pour lutter, les poings et les jambes en font partie.


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La mythique scène de l'épisode 95 de Dragon Ball Z, quand Gokû se transforme pour la première fois en Super Saiyan.



Vous travaillez depuis longtemps de l'animation, vous avez vécu plein de périodes et de changements au sein du milieu. Comment avez-vous vécu le passage du celluloïd au travail sur ordinateur ?



Shigeyasu Yamauchi : On peut dire que le véritable passage du celluloïd au digital chez Toei a eu lieu sur la deuxième série d'Arale-chan. Ça a apporté beaucoup d'avantages, des choses qu'on ne pouvait pas réaliser avant sur celluloïd devenait possible digitalement, comme les auras dans Saint Seiya et Dragon Ball.



A l'époque, nous avions les même temps de production mais avec des connexions qui n'étaient pas celle d'aujourd'hui. Trois minutes d'animation prenait énormément de temps à être envoyées au service voisin. Ce passage au digital a apporté beaucoup d'avantages question créatif, mais pas mal d’inconvénient côté business. Maintenant, avec la puissance des machines, ces défauts sont de l'histoire ancienne.



C'est vrai que l'ordinateur permet de nouvelles choses intéressantes. Si j'en avais la possibilité, j'aimerais refaire certains épisodes d'action sur lesquels la technique me bloquait. Avec les outils d'aujourd'hui, on pourrait obtenir un très beau résultat.



Ainsi, que pensez-vous de Dragon Ball Super qui a été fait avec des outils modernes ?



Shigeyasu Yamauchi : Je pense que ce n'est pas la technologie qui fait défaut à Dragon Ball Super, mais davantage les personnes qui travaillent dessus. Pas en terme de qualité technique, mais en terme d'émotion et de volonté. Auparavant, on y allait à fond. Peut-être que cette niaque n'est pas aussi forte aujourd'hui. On aura beau avoir de bonnes techniques, on ne pourra pas faire grande chose si on n'a pas cette niaque.


Remerciements à M. Shigeyasu Yamauchi et à son interprète Pierre Ginier, ainsi qu'à l'équipe Tsume pour l'organisation de la rencontre.