Kenji OBA - Actualité manga

Kenji OBA 大葉 健二

Interview de l'auteur

Publiée le Mardi, 17 Février 2009

- Le métier d’acteur est-il celui que vous aviez décidé d’avoir au départ ?


Non en fait je n’avais pas du tout cette ambition. Mais comme j’ai adoré la série qui s’appelle Key Hunter avec Sonny Chiba qui est devenu mon maître plus tard, ça m’a encouragé à postuler pour son école. Je regardais aussi pas mal de films d’actions, de yakuza, de policiers, films noirs.


Et je suis entré dans la Japan Action Club qui était patronnée par Mr Sonny Chiba. J’ai été l’un des deux seuls membres de la section à avoir été acceptés et je suis donc devenu cascadeur, et j’ai toujours aimé l’être.




- Vous avez débuté vos études à 16 ans à la Japan Action Club, une école de cascades et de théâtre, où vous avez été un des meilleurs élèves du célèbre Sonny Chiba. Etait-ce plus difficile que vous l’auriez cru ?




En fait je suis la première génération, car il y avait la génération zéro qui était composée des sept Grands Vétérans de la JAC. Ces gens-là étaient surtout spécialisés en acrobatie et en gymnastique donc nous avions surtout des entraînements par rapport à la cascade et je dois avouer que la première fois que je les ai vus s’entraîner je me suis dit que je ne pourrais jamais arriver à un tel niveau.


Et lorsque je suis arrivé, je n’étais capable que de faire pied-jambe-pied-jambe, mais je n’étais pas capable de faire un saut périlleux.


Chaque jour, c’était quatre heures d’entraînements vraiment terribles.


La première génération a vu six personnes être sélectionnées, mais au bout de quelques jours nous ne fûmes plus que deux à avoir tenu le coup. Ils ont même disparu en moins d’une semaine, en disant : "excusez-nous, on va aux toilettes" et ils ne sont jamais revenus. Au bout de cinq minutes, on est allé vérifier et en effet ils avaient fui (rires).


En fait l’action de cascade est un métier qui fait utiliser beaucoup de muscles que les autres sports n’utilisent pas spécialement. Seuls les gymnastes utilisent vraiment tous leurs muscles.




- Comment êtes-vous entré dans le milieu du cinéma ?




Lorsque je suis entré à la JAC, je me suis entraîné pendant six mois avant d’être admis à travailler sur les séries dans lesquelles soit mon patron M. Chiba était le héros, soit où des gens de la JAC travaillaient. En fait j’avais commencé à travailler sur Key Hunter où M. Chiba était le héros, avec des apparitions de doublure.


Ensuite mon premier vrai rôle récurrent, c’est dans la série Yagu Ichizoku no Inbo, (Le Complot de la Famille Yagu, ndlr) qui est un roman vraiment très célèbre et qui a été adapté en film, en série télévisée et sous plein de différentes formes (1977-78).


Cela fait 35 ans que je suis dans le métier.




- Quels souvenirs avez-vous de votre premier tournage ? Était-ce comme vous l’imaginiez ?




Dans Key Hunter, mes camarades m’ont dit à un moment "allez vas-y, c’est à toi de dire ton texte". Je faisais partie d’une bande de mauvais garçons et j’avais quelques lignes à dire, mais c’était la première fois que j’avais la caméra pointée sur moi en tant qu’acteur et non en tant que cascadeur. Je devais pour la première fois jouer.


Je dis donc mes quelques phrases et là M. Chiba, qui jouait le héros de la série, se jette au milieu du groupe des malfaiteurs et nous terrasse à coup de poing et coups de pied. Et c’est là aussi la première fois où je suis en gros plan et que j’encaisse un coup de M. Chiba. Je tombe, je fais une grimace de douleur et je m’évanouis (rires). Rien que de jouer cette scène dans un bon timing a été vraiment très difficile.




- Vous avez, par la suite, joué dans la célèbre série X-Or où vous jouiez le rôle principal. Quel effet cela fait-il d’être propulsé en tête d’affiche ? Attendiez-vous cela avec impatience ?




En fait ça n’est pas arrivé d’un coup. J’avais déjà l’expérience d’un rôle principal, même si c’est 1/5ème du rôle principal, car nous étions cinq. Il s’agissait de Battle Fever J et de Denziman où j’interprétais la force verte dans la première série et bleue dans la seconde.


Et dans cette série donc je n’étais plus 1/5ème du rôle, mais 100% donc il fallait que je joue mon rôle cinq fois plus, c’est-à-dire que je devais avoir plusieurs expressions.


Pour préciser, chaque personnage de force rouge, verte, bleue, a chacun une spécificité de caractère différent. Le leadership, la gentillesse, la force, le charme et là je devais être capable de faire ces cinq sentiments sur un seul personnage, car j’étais tout seul.


Donc je devais être capable de faire preuve de gentillesse avec les enfants, je devais être capable de faire preuve d’humour avec mes personnages récurrents et comiques et je devais être à la fois cool et intransigeant avec les méchants. Je dois dire que pour mon âge c’était quelque chose de vraiment intéressant, car j’avais chaque jour un éventail de rôles à jouer.




- Vous avez également joué dans un film américain, Kill Bill. Est-ce le succès d’X-Or qui vous a permis de vous faire repérer par des producteurs américains ?




(Rires) En fait, ce n’est pas ça du tout. Quentin Tarantino est un grand fan de mon maître Sonny Chiba et notamment d’une série manga où dans la cinquième saison, je joue le rôle d’un ninja au crâne rasé. En fait Quentin Tarantino avait aimé mon personnage chauve et m’avait demandé si je pouvais me raser le crâne pour le film. Il l’a surtout demandé à mon maître. Et bien sûr j’ai accepté. Donc en fait Quentin Tarantino avait cette image de nos deux personnages et il les a transposés tel qu’il les avait appréciés dans la série.


Alors que dans la série télé, M. Chiba il me traite mal tout le temps, dans le film je fais complètement l’opposé en l’envoyant paître à chaque fois.


Lorsqu’on m’a donné le scénario à lire, j’ai vu qu’il n‘y avait pas beaucoup de texte pour moi, et lorsque j’ai discuté pour la première fois avec M. Tarantino à la table de négociation, ce sont mes phrases, en me regardant parler et analysant mon caractère, qui ont été reprises plus tard pour mes répliques dans le film.


Quentin Tarantino est quelqu’un d’extraordinaire, il lui suffisait de regarder des costumes, des sabres ou autre pour savoir dans quel film ils avaient été utilisés. C’est vraiment quelqu’un au regard et à la mémoire très affinée, et c’est aussi quelqu’un qui est toujours en train de chercher quelque chose de nouveau. Cela se voit, je pense, au résultat du film.


(Rires) Je vous vois écrire depuis tout à l’heure et vous écrivez vite, ça me fait bizarre, car nous, les Japonais, ne sommes pas comme ça, on a des tas de signes, on ne peut pas écrire aussi vite.




- Est-ce différent de travailler pour les Américains ? Qu’en avez-vous retenu ?




En fait il y avait un traducteur et je n’avais à parler que japonais, je n’avais pas à parler une langue que je maîtrisais très mal.


Ça m’a enlevé une grosse épine du pied, car je déteste devoir jouer dans une langue que je ne maîtrise pas.


Plusieurs années auparavant, j’avais déjà joué avec une production congolaise pour un film congo-japonais qui s’appelle Golgo 13.


Je pense que lorsque nous tournons dans des pays étrangers, les gens montrent beaucoup plus de respect pour nous, acteurs japonais, que dans notre propre pays.




- Avez-vous beaucoup voyagé pour votre métier ?




Il y a quatorze ans, lors d’une tournée pour le travail je suis allé dans plusieurs pays accompagné de mon maître Sonny Chiba.


Au Brésil, à San Paolo afin d’assister à un combat de Karaté et pour l’occasion, nous avons fait une sorte de chorégraphie avec mes camarades de la JAC.


Ensuite nous avons bougé au fin fond du Brésil pour une émission de cuisine où nous avons mangé des piranhas et une sorte de poisson verdoyant. Nous avons aussi mangé du Cogolin. On le tuait et on le retournait sur le dos, et comme il avait une carapace ça faisait une sorte de pot au feu. C'était très enrichissant.




-Vous avez décidé de faire une pause dans votre carrière d’acteur afin de vous consacrer à votre famille, le regrettez-vous ? Le cinéma ne vous manque-t-il pas ?




C’est vrai que lorsque je tournais pour des séries pour enfants, j’avais un peu arrêté pour m’occuper de ma famille, mais j’étais appelé de temps en temps. Par exemple j’avais fait une apparition dans un épisode de Jiraiya, mais comme j’étais parti depuis très longtemps, je ne reconnaissais plus vraiment le milieu du tournage. Il faut dire que les jeunes acteurs de l’époque se voyaient déjà en haut de l’affiche et faisaient preuve d’un peu d’autosuffisances. Peut-être aussi qu'on m’a rappelé afin que je remette un peu les choses dans le droit chemin. Mais bon, ça n’était pas mon rôle alors j’ai fait en sorte de prendre un maximum de plaisir au moins en tournant dans ces scènes. Et c’est vrai que les héros étaient là pour un an donc ça n’était pas vraiment rose pour eux alors que moi j’étais appelé de temps en temps donc je pouvais prendre sur moi et faire en sorte que ça aille mieux. Après, il est vrai que pendant cinq ans j’étais en dehors du milieu, mais les choses avaient évolué, beaucoup changé donc j’ai été moi-même amené à rencontrer des gens avec qui je n’avais jamais travaillé à l’époque parce qu’ils n’étaient pas encore arrivés.


J’étais connu pour mes rôles, mais je ne l’étais pas forcément en tant que personne parce que je n’avais jamais travaillé avec eux donc c’était plus ou moins difficile de pouvoir lier une communication avec eux.




- Aujourd'hui vous continuez à vous produire dans des spectacles avec votre troupe Lamy dans votre région natale Ehime, comptez vous un jour revenir dans le monde du cinéma ?




En fait je suis producteur de spectacle et à l’intérieur de cette société, la section des Actions s’appelle LAMY. C’est le "LA" de "lac" qui est la prononciation de "Luck", le "M" de "Member". En même temps ça a une signification japonaise qui est la surprise, l’intérêt donc c’est pour ça que nous avons choisi ce nom. Dans ma région c’est la seule "Team" qui fait de l’ac-team et de la cascade à la fois.


Si j’avais l’occasion de revenir sur le devant au cinéma, je n’hésiterais pas, mais peut-être pas en tant qu’acteur ou rôle principal, plutôt pour faire travailler des gens, j’aimerais bien former, transmettre mes connaissances et si j’avais la chance que mon rôle soit celui d’un professeur, d’un père, de quelqu’un qui puisse transmettre ses connaissances pour former des jeunes, j’avoue que ça me plairait de travailler là dedans. Et puis bon, à 53 ans je pense que j’aurais quand même du mal à être de nouveau le héros d’une série d’action à moi tout seul.




- Depuis 1972 jusqu’en 2003 vous avez enchaîné les tournages et êtes devenu un acteur réputé notamment grâce à la série X-Or.


Pensiez-vous arriver jusque là ?




En fait je n’avais pas vraiment envie d’être acteur au départ, mais simplement cascadeur, mais c’est vrai qu’en étant seulement cascadeur on ne gagne pas vraiment sa vie. Alors je suis devenu acteur. J’ai appris à aimer être acteur au fur et à mesure que je l’étais et c’est surtout grâce à toutes les rencontres que j’ai pu faire et à la JAC. Je suis sincèrement reconnaissant à mes maîtres et si je pouvais leur rendre la pareille, faire en sorte que tout ce qu’ils m’ont appris serve aux générations futures j’en serais vraiment heureux. Former une école d’acteurs et de cascadeurs serait vraiment très bien et pourrait bien marcher au Japon, mais pas seulement, ils pourraient avoir la chance d’être embauchés dans les œuvres étrangères également.


A l'époque où j’avais tourné ma première série, lorsque j’étais acteur en non transformé, je le faisais aussi en transformé parce qu’il y avait peu de gens qui étaient capables de me remplacer derrière, qui étaient capables de faire ce que je faisais comme cascade, donc c’est comme ça que je me suis retrouvé à faire les deux.


par Julie Circk