ISSHIKI Ichika - Actualité manga

ISSHIKI Ichika 一色一凛

Interview de l'auteur

Publiée le Samedi, 14 Octobre 2023

En juillet dernier, le public friand de lights novels, de mangas et d’animes pouvait rencontrer, lors de Japan Expo à Paris, Ichika Isshiki et Daisuke Takino. Invités conjointement par les éditions Mahô et par la plateforme Piccoma, ces deux artistes ne sont autres que le créateur du light novel Berserk of Gluttony et le dessinateur de l’adaptation manga de cette série de romans.




A la base, cette oeuvre se nomme en japonais Bôshoku no Berserk - Ore Dake Level to Iu Gainen o Toppa Suru, et a vu le jour en premier lieu en tant que web novel lancé par son auteur Ichika Isshiki (un cadre en entreprise dont c'est le premier light novel) sur un site internet. Ensuite repérée par l'éditeur japonais Micro Magazine (l'éditeur du light novel de Moi, quand je me réincarne en slime entre autres), elle a pu être lancée à partir de 2017 en format light novel en s'enrichissant d'illustrations conçues par Fame, un artiste dont c'était alors le premier travail d'illustrateur sur des romans mais qui, depuis, a aussi planché sur les light novels (inédits en France à ce jour) The Most Notorious Talker (dont la version manga est disponible chez nous chez Meian) et The World's Fastest Level Up (dont l'adaptation manga est proposée dans notre langue chez Soleil).

Notons aussi que, comme beaucoup de séries à la popularité suffisante, Berserk of Glutonny ne manque pas de spin-off/dérivés! En plus d’une adaptation animée qui vient de débuter ce mois-ci sur Crunchyroll, la série connaît depuis 2018 l'adaptation manga publiée en France bien sûr, mais elle a également droit depuis 2023 à une adaptation webtoon nommée au Japon Boushoku no Berserk - Ore dake Level to Iu Gainen wo Toppa shite Saikyou et disponible en France sur Piccoma.

L’histoire nous plonge dans un monde typé dark fantasy, où il y a deux types d’individus : ceux qui sont dotés de compétences puissantes et les autres. Fate, modeste garde, s’est toujours retrouvé dans la seconde catégorie. En plus d’être inutile, son seul pouvoir agit comme une malédiction et lui procure une faim insatiable. Un jour, alors qu’il est de service, il tue un voleur qui s’était faufilé dans le château. Sa compétence s’active alors et dévore l’âme du malheureux. Découvrant un nouvel aspect de son pouvoir, celui d’ajouter les statistiques de ses victimes aux siennes, Fate commence alors son combat pour devenir plus fort et protéger celle qu’il admire plus que tout, Roxy Hart. Mais tout pouvoir a un coût, et la lutte pour ne pas sombrer dans la folie sera longue.

Après trois tomes du light novel et cinq volumes du manga parus en France, notre bilan de cette série est pour l’instant très bon, en particulier grâce à certains concepts passionnants (la Gloutonnerie de Fate en tête), à des personnages prenants, et à un troisième roman qui a vraiment su faire monter d’un cran le récit. C’est donc avec plaisir que nous sommes allées interviewer les deux auteurs en juillet dernier. Et à l’heure où l’anime a entamé sa diffusion et où le 4e roman s’apprête à sortir chez Mahô le 20 octobre, le moment nous semblait idéal pour vous faire découvrir notre interview !





Merci à vous d’avoir accepté cette interview. Ichika Isshiki, on sait que vous êtes devenu écrivain sur le tard. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ?


Ichika Isshiki : J’ai vraiment eu une révélation, comme ça ! Avant, quand j’étais plus jeune, je n’aimais pas beaucoup écrire, puis un jour je me suis dit que j’aimerais bien m’y mettre. J’ai alors commencé par écrire de courts textes, où j’augmentais le nombre de caractères petit à petit. Ces premiers essais brefs m’ont vraiment plu, et ça m’a convaincu de poursuivre l’aventure avec un projet plus long, en l’occurrence Berserk of Gluttony.



Quand l’éditeur japonais Micro Magazine vous a contacté pour offrir une publication professionnelle à Berserk of Gluttony, vous a-t-il dit ce qui lui avait plu exactement dedans ?


Micro Magazine a vraiment apprécié la relation entre Fate et Greed, ainsi que le concept de Gloutonnerie qui lui a semblé assez novateur. Egalement, ils avaient dès le départ l’idée d’en faire une adaptation manga, en se disant que ça pourrait donner quelque chose de très sympathique.



De votre côté Daisuke Takino, pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir mangaka ? Y a-t-il des oeuvres ou auteurs qui ont forgé ce choix ? Avez-vous suivi des études particulières pour ça ?


Daisuke Takino : De mon côté, il n’y a pas vraiment de révélation qui s’est faite ! Moi, j’ai toujours lu du manga, alors naturellement j’ai eu envie d’en dessiner. J’ai commencé par dessiner des doujinshis assez personnels de quelques pages pour les vendre lors du Comiket, et cette expérience m’a vraiment plu. Mais j’étais salarié dans une entreprise et je n’avais pas vraiment le temps de concevoir des mangas plus poussés, donc pour m’y mettre plus sérieusement j’ai arrêté mon travail de salarié.




Quand on regarde votre carrière on constate que jusque-là vous avez surtout mis en images des scénarios déjà existants. Aimeriez-vous être à la fois scénariste et dessinateur sur un manga un jour ? Et si oui, quel genre de manga ce serait ?

Dans l’immédiat, je suis très content de dessiner un manga comme Berserk of Glutonny, avec ses scènes de bataille, son côté épique et sa part sombre ! Mais si je devais concevoir une œuvre plus tard, j’aimerais que ce soit dans le domaine de l’horreur ou de suspense car j’adore ça.


Ichika Isshiki, comment avez-vous imaginé l'univers de Berserk of Gluttony ? Comment vous est venu le concept de la Gloutonnerie ? Qu'est-ce qui vous plaisait dans l'idée de vous réapproprier les péchés capitaux ?

Ichika Isshiki : Pour l’univers de Berserk of Gluttony, je me suis rappelé des jeux vidéo auxquels je jouais quand j’étais plus jeune, comme Dragon Quest et Final Fantasy qui m’ont beaucoup inspiré. En ce qui concerne les sept péchés capitaux, c’est quelque chose qui revient souvent dans les light novels, alors j’ai décidé de me concentrer sur ce thème en mettant plutôt en avant la gourmandise à travers le concept de Gloutonnerie, parce qu’à mes yeux il y a des avantages et désavantages dans ce péché en particulier.


Comment avez-vous pensé le personnage de Fate Graphite, garçon au départ banal et malmené, qui se retrouve soudainement avec un grand pouvoir ?

Je voulais vraiment rester dans le thème principal d’un manga shônen, avec un personnage principal un peu faible et peu à son avantage au départ, pour ensuite décrire son parcours, la façon dont il va évoluer. Pour moi, c’est toute cette évolution qui est très intéressante à écrire.



Après trois romans on a déjà trois personnages féminins forts et séduisants dans leur genre, entre Roxy et sa noblesse doublée d'une vraie bonté, Myne et son caractère si capricieux doublé d'un côté très mystérieux, et l'ambiguë Eris. Comment avez-vous créé ces caractères bien différents ? Quelles influences avez-vous eues pour ça ?

Il faut savoir que ces trois personnages sont des femmes très fortes et indépendantes, et que c’est quelque chose que j’ai fait exprès, car je voulais que Fate évolue auprès de chacune d’elles en se nourrissant de leurs valeurs et de leurs qualités propres. En plus, je voulais décrire les problématiques propres à chacune d’elle, et souhaitais que Fate soit là pour les aider et donner une solution à leurs problèmes. C’était quelque chose auquel j’avais réfléchi dès le début de la conception de l’histoire.


Un autre personnage essentiel et omniprésent est Greed, cette épée avec laquelle Fate peut converser, qui lui donne de nombreuses indications, qui peut changer de forme selon ses rangs, et qui a un caractère bien à elle. Comment avez-vos imaginé ce personnage si original et, par extension, le concept des armes de péché capital ?

Comme je le disais tout à l’heure, Fate est un garçon qui, au départ, manque totalement d’expérience. J’ai donc voulu lui offrir une sorte de conseiller permanent, qui est toujours en sa compagnie, un peu comme un guide. Mais vu que Fate est quelqu’un d’un peu naïf au début, j’ai voulu lui donner un compagnon doté d’un caractère complètement différent voire opposé, afin d’avoir des échanges intéressants, dynamiques et sympathiques à lire. Quant à l’idée des armes de péché capital, je l’ai choisie juste parce que je trouvais ça super classe (rires).


Par rapport à certains autres light novels typés fantasy, Berserk of Gluttony a un côté sombre. Via le concept de la gloutonnerie Fate devient certes plus fort à chaque fois, mais à la fin sa gloutonnerie, vu qu'elle est insatiable, pourrait le mener à sa perte. De plus, à cause de ça il a peur de dévoiler sa vraie nature à Roxy, et il ne peut se permettre de rester auprès d'elle dans ces conditions, ce qui amène aussi une sorte de romance tragique. Egalement, c’est quelqu'un qui n'hésite pas à massacrer les gens pourris. En quoi apporter cette touche plus sombre et un peu typée dark fantasy vous tenait à cœur ?

En fait, je dois vous avouer que quand j’ai commencé à écrire mon light novel, je ne le trouvais pas si sombre et ne pensais pas que c’était de la dark fantasy. Ce sont mes responsables éditoriaux qui, au bout d’un moment, m’ont dit que si, ça en était totalement (rires). Je commence à me faire à cette idée, mais ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi volontairement. Je veux avant tout raconter mon histoire telles que je l’entends, sans forcément me soucier des étiquettes.




Une question concernant les illustrations de Fame, l’illustrateur du light novel. Au-delà des quelques petites descriptions présentes dans les romans, lui donnez-vous certaines consignes, ou le laissez-vous totalement libre ?

Je lui donne juste des indications par écrit : l’âge, la corpulence, la taille, et quelques autres détails de ce type. Mais au niveau de son dessin je lui fais entièrement confiance.


Daisuke Takino, quelles difficultés pouvez-vous rencontrer pour bien respecter les designs des personnages selon les illustrations initiales de Fame ?

Daisuke Takino : C’est une chose assez récurrente entre illustrateur et mangaka : quand il y a un illustrateur qui fait de très beaux visuels détaillés dans l’oeuvre d’origine, c’est dur, en tant que mangaka, de répéter tous ces détails, car il faut les répéter plein de fois et on ne peut pas se permettre d’être aussi méticuleux sur l’illustration. C’est vraiment le problème principal que j’ai rencontré. Les habits, les tatouages de Myne, les petits accessoires… sont parmi les choses qui demandent le plus de rigueur.


Il y a beaucoup d'éléments pour lesquels vous ne pouvez pas vous reposer sur les illustrations de Fame : une bonne partie du bestiaire, les décors... Où puisez-vous vos inspirations pour créer cette partie-là des dessins ?

En général, j’essaie le plus possible d’échanger avec M. Isshiki pour avoir des informations et pour savoir s’il a des demandes particulières. Et si ce n’est pas le cas, je cherche beaucoup des inspirations sur internet, notamment dans les designs de monstres. Pour ces derniers, je m’inspire aussi des illustrations de jeux de cartes et de RPG comme Dragon Quest. Ce que je veux vraiment, c’est dessiner le gobelin, le kobold ou le golem que les gens connaissent déjà, pour qu’ils puissent l’identifier immédiatement et se sentir familiers de l’univers.




A la lecture du manga, quelque chose m'a marqué, de façon plus légère : on sent que M. Takino aime dessiner Myne et ses nombreuses expressions parfois fugaces qui collent bien à son caractère capricieux ! On la voit taciturne, colérique, embarrassée, boudeuse, triste, joviale (surtout quand on lui donne de l'argent) sous un dessin lui donnant beaucoup de variété. Comment avez-vous travaillé ce personnage en particulier ?

Je dois tout d’abord dire que je vois Myne comme une fille très libre, qui fait ce qu’elle veut quand elle veut, qui change d’émotion de façon spontanée et sans retenue, ce qui la rend hyper agréable à dessiner ! Vous l’avez compris, j’adore vraiment la mettre en scène. Du coup, je m’applique beaucoup sur ses différentes expressions.


Comment fonctionne la collaboration entre vous pour l'adaptation manga ? Quelles consignes M. Takino reçoit-il de M. Isshiki ou de l'éditeur ?

Ichika Isshiki : De base, nous avons tous les deux le même responsable éditorial, et pour tout ce qui concerne la communication les chosent passent par lui.


Enfin, une question sur l’adaptation animée de l’oeuvre, qui débute en ce mois d’octobre. Quel rôle avez-vous dessus ?

Ichika Isshiki : En ce qui me concerne, j’ai un rôle assez important puisque, en tant qu’auteur d’origine, je me dois de veiller à ce que le scénario corresponde bien à mon light novel. J’ai pu assister, du début à la fin, à la production, et j’ai également pu faire certains choix concernant le doublage.

Daisuke Takino : De mon côté, j’ai fourni à l’équipe de production tous les designs de monstre et de décors que Fame n’avait pas déjà dessinés dans ses illustrations. J’espère que le staff va bien les mettre en valeur! (rires)




Interview réalisée par Koiwai. Un grand merci à Ichika Isshiki, à Daisuke Takino, à leur interprète, aux équipes des éditions Mahô et de Piccoma, et à Japan Expo !