Valeur de ma vie (la) - Actualité manga
Valeur de ma vie (la) - Manga

Valeur de ma vie (la) : Critiques

Hibi, Seishun

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 09 Février 2017

Le shôjo est une catégorie qui peut receler beaucoup de diversité en abordant de nombreuses thématiques, et Akata a toujours cherché à démontrer, que ce soit à l'époque de leur collaboration avec Delcourt ou depuis que son équipe est devenue éditeur à part entière. C'est dans cette optique que l'éditeur lance en 2017 un nouveau concept : les one-shot shôjo, des oeuvres courtes visant à faire découvrir des artistes féminines jeunes ou vétéranes autour de sujets diversifiés. Il ne s'agit pas d'une nouvelle collection : les one-shot intégreront la collection principale de l'éditeur, et leur statut de one-shot shôjo sera toujours indiqué sur la jaquette par un simple sticker.
Le concept est plutôt prometteur dans la mesure où il devrait permettre d'attirer le regard sur des visions différentes du manga féminin, et pour entamer cela, Akata nous propose de découvrir, avec La Valeur de ma vie, la mangaka Yoshimi Tôda, une jeune artiste qui, depuis ses débuts en 2007, n'a signé que des histoires courtes compilées en recueils, hormis le titre ici présent où pour la première fois elle offre un tome se consacrant à une seule histoire plus longue.

Cette histoire, c'est celle de Yuri Daidô, une adolescente en apparence comme les autres, et s'apprêtant à vivre son entrée au lycée. Mais derrière son apparence qui ne la différencie pas des autres, la jeune fille renferme de profondes douleurs, qui font qu'elle n'envisage absolument pas les trois années lycéennes à venir comme légères. Un drame au collège, où elle était une loubarde, lui a partiellement coûté la mobilité de son bras droit et semble devoir conditionner son futur de lycéenne. Et ces trois années, elle est décidée à les passer avec une chose en tête : prouver la valeur de sa vie. Mais pour quoi, et pour qui ?

Yoshimi Tôda nous immisce très vite dans l'ambiance un peu pesante et dramatique de son récit en présentant rapidement une héroïne que l'on devine meurtrie par un sentiment de culpabilité. Son récit est celui d'une volonté de changement : après des années collégiennes qui se sont achevées tristement, Yuri veut changer, et s'interroge pour ça sur nombre de choses : se faire des amis, être honnête, rester dans la norme en tant que personne, être sérieuse et droite... en est-elle capable ? Est-ce seulement ce qu'elle doit rechercher à être pour montrer que sa vie a de la valeur et pour réussir à se faire pardonner et, surtout, à se pardonner ?
D'emblée, via sa première altercation avec le dénommé Chio qui deviendra un personnage très important ensuite, on se dit que l'objectif de Yuri va être compliqué, car il peut être difficile de changer, surtout au niveau du caractère, et il n'est pas certain du tout que sa façon de s'y prendre soit la bonne. Portant parfois un regard sur les autres assez tranchés (par exemple sur ses camarades de la sortie scolaire), elle se trouve pathétique... alors comment devient-on droit, honnête et respectable ? Que veulent seulement dire ces mots ?
Des éléments de réponses à ses tourments pourraient venir d'autrui, car observer les autres peut parfois apporter bien des choses. L'observation de ses camarades de classe Mizue et Ono est un premier élément intéressant : Ono est-elle en train d'essayer de se racheter par rapport à Mizue, est-ce sur cela qu'est basée leur amitié ? Auquel cas, sont-elles vraiment amies ? Et Chio, pourrait-elle elle-même lui pardonner facilement ses actes passés, même s'il a des circonstances atténuantes ? Yuri pourrait comprendre que les autres personnages ont eux aussi leurs blessures, et à partir de là remettre en question sa façon de voir les choses : pour qui est-elle en train de chercher à prouver sa valeur ? A quoi ça rime ?
Mine de rien, la mangaka parvient à évoquer bon nombre de thématiques humaines fondatrices autour de la culpabilité, du pardon, et de ce qu'est l'amitié.
S'il fallait trouver des défauts, ils viendraient d'une sensation de rapidité par moments, et surtout d'une sous-exploitation de certains personnages et de certaines idées à cause du format one-shot. On pense en premier lieu au handicap de notre héroïne au bras droit, qui a finalement peu d'impact sur l'histoire (il peut se présenter comme un rappel du passé de Yuri), mais aussi au développement de Chio, Ono et Mizue, dont les problèmes restent survolés. Ces personnages sont avant tout un moyen d'accompagner l'évolution de Yuri, mais il est difficile de ne pas regretter de ne pas les découvrir plus.

L'histoire se focalise donc avant tout sur Yuri, sur le drame qu'elle a vécu, et sur son lien avec une autre demoiselle dont elle a fait basculer la vie, Hokujo. Et pour aborder cela, la narration de Tôda est rudement efficace en jouant entre le récit présent et des flashbacks de plus en plus précis, faisant entrevoir petit à petit la vérité sur ce qui s'est passé. Le procédé donne lieu à quelques petites répétitions pas bien graves, et a surtout pour effet d'instaurer dans la première partie du tome une petite aura de mystère accentuant la détresse que l'on ressent en Yuri. Surtout, on a des événements présents où on se focalise beaucoup sur les pensées de l'héroïne, et des retours dans le passé que l'on découvre de sa propre bouche, pour un résultat immersif qui nous permet de bien nous plonger au plus près du personnage.
Qui plus est, Tôda offre des dessins soignés, assez mûrs, avec des trames souvent utilisées à bon escient et pas trop envahissantes, et certains regards et yeux d'une admirable profondeur.

Le premier one-shot shôjo d'Akata vaut donc à coup sûr le coup d'oeil pour sa façon d'aborder avec une volonté de maturité des thématiques adolescentes et humaines. Une joie petite surprise servie dans une édition soignée en petit format, avec un papier et une impression corrects ainsi qu'une traduction sans fausses notes de Sayaka Okada et Manon Debienne.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs