To Your Eternity Vol.1 - Actualité manga
To Your Eternity Vol.1 - Manga

To Your Eternity Vol.1 : Critiques

Fumetsu no Anata e

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 20 Avril 2017

Critique 2

Jeune mangaka, Yoshitoki Oima a fait des débuts particulièrement remarqués. Sa première œuvre, nous la connaissons bien : c’est A Silent Voice. La série avait fait les beaux jours du Shônen Magazine de l’éditeur Kôdansha, elle a aussi rencontré son succès en France aux éditions Ki-oon. L’engouement fut tel que l’œuvre a bénéficié d’un film d’animation attendu très prochainement dans l’hexagone…
Ne pouvant achever sa carrière après un tel succès, Yoshitoki Oima a rapidement poursuivit sur une série assez différente : Yo Your Eternity, ou Fumetsu no Anata e de son nom original, aussi prépubliée dans le Shônen Magazine. Avec deux tomes pour l’heure au Japon, c’est de manière déroutante que la série arrive finalement chez Pika, à travers un simulpub suivi d’une édition physique à compter de ce mois d’avril 2017.

Une sphère a été envoyée sur Terre, celle-ci peut prendre n’importe quelle forme et s’adapter à la vie qu’elle prend. Après avoir pris la forme d’un rocher, la sphère initiale devient un loup qui vient de mourir de ses maux. Ce loup, c’est Joan, le fidèle compagnon d’un jeune garçon abandonné sur des terres froides, après que sa famille soit partie chercher des horizons plus vivables, sans jamais revenir. Mais le garçon ne se doute pas que Joan n’est plus vraiment le camarade qu’il a toujours connu et, en sa compagnie, il entreprend un voyage pour explorer ce « nouveau monde » et retrouver les siens…

C’est donc une histoire un brun fantastique que Yoshitoki Oima nous présente avec ce premier tome, le protagoniste de l’œuvre n’étant autre qu’une… sphère. Mais qui l’a envoyée sur Terre ? Dieu ? Une entité extra-terrestre ? Le lecteur ne le sait pas pour le moment, aussi c’est avec un tas de question en tête qu’il débute la lecture, savourant notamment une première partie de tome particulière dans son ambiance et éprouvante émotionnellement. Le premier chapitre est une sorte d’introduction à la série, reflétée par la couverture de ce tome propice à l’évasion et à la poésie d’une terre froide et hostile à sa manière. C’est précisément que ce cette première partie de tome a à nous offrir : un voyage qui nous tire de nos racines, envoutant par son ambiance presque mélancolique grâce à un monde entièrement vide, une aventure aux côtés d’un garçon séparé des siens mais pouvant compter sur son compagnon qui, lui, a tout à apprendre sur les humains. Ainsi, ce premier chapitre sonne comme une pépite en terme d’ambiance, inaugurant un voyage qui prendre une autre direction sur la suite du volume. En effet, la conclusion de cette introduction s’avère déconcertante et prend aux tripes alors qu’on ne s’y attendait pas. Par ses choix et sa mise en scène, Yoshitoki Oima nous frappe d’un coup de poignard en plein cœur, déjà, dès le premier chapitre, et oriente le voyage vers un seul des deux individus du récit…

La suite de ce premier tome est déconcertante puisqu’elle aborde un cadre totalement nouveau, cette fois aux côtés d’humains bien que, là aussi, l’idée de solitude est conservé grâce à une tribu très restreinte, survivant par ses rites dont pourrait être victime la petite March. C’est même presque une seconde intrigue qui s’offre à nous puisque passé le cap du premier chapitre, To Your Eternity nous conte le destin de March, une enfant de son village choisie pour être le sacrifice à une divinité. Le scénario sonne grave sur le papier et pourtant, l’intrigue se voit dédramatisée par le caractère fort de March, ses moues particulièrement amusantes et les rebondissements qui l’attendant durant son aventure. Un lien avec la première partie du tome finit par avoir lieu et permet de lancer la série vers un voyage au cœur de la nature, dans un monde qui a encore beaucoup à nous dire mais laisse croire que l’humain est loin d’être la figure dominante dans celui-ci. Ainsi, c’est cette curiosité qui tient en haleine mais aussi ses personnages, la « sphère » qui saura se montrer utile et pourrait bien évoluer en tant que figure humaine, ou encore March qui pourrait constituer une excellente figure d’échange avec elle pour permettre son épanouissement. Après un premier chapitre immersif et grandiose par son ambiance et son tragique, c’est finalement une aventure moins pessimiste mais propice à la découverte que To Your Eternity semble avoir lancé.

Ceux qui ne connaissent pas encore (et à tort !) l’autrice qu’est Yoshitoki Oima découvriront sa patte graphique qui n’a pas tant changé depuis A Silent Voice, si ce n’est le cadre et les environnements qui diffèrent totalement d’une série à l’autre. La mangaka conserve ici l’intelligence de la mise en scène, surtout dans le premier chapitre, et son trait si particulier qui semble toutefois avoir gagné en précision. Toutefois, cela ne l’empêche pas de garder son aisance dans la composition des faciès des personnages, particulièrement expressifs, que ce soit dans les joies et détresses qui s’afficheront chez le jeune garçon du premier chapitre ou chez la jeune March… La mangaka montre aussi une certaine aisance à dépeindre les éléments naturels comme les environnements bien fournis, mais surtout les animaux des forêts comme les ours ou le loup, forme prise par la mystérieuse sphère qui a lancé l’œuvre…

Du côté de l’édition, Pika fournit une bonne copie éditoriale. Le papier est de qualité et Thibaud Desbief n’a plus rien à prouver dans la qualité de ses traductions, on regrettera peut-être une absence totale de prise de risque dans l’ouvrage, notamment une couverture qui aurait gagné en noblesse avec un papier couché mât. A titre d'exemples, des séries Pika comme Aphorism ou Stray Souls bénéficient de jaquettes particulièrement impactantes dans leurs conceptions.

Sur ce premier tome, To Your Eternity se présente comme une série propice au voyage et qui a encore énormément à nous dire. Cette introduction, poignante et nous prenant à contrepied, est assez intelligente et permet de se rendre compte rapidement de la richesse de l’univers et du talent de conteuse de Yoshitoki Oima qui traite, ici, des thèmes très différents de sa première série. Nous voilà convaincus et prêts à accompagner la mystérieuse sphère dans son voyage !


Critique 1

En 2015, nombre de lecteurs français de manga furent marqués par l'arrivée d'une série auréolée d'une très belle réputation au Japon : A Silent Voice. Toute première série de la jeune mangaka Yoshitoki Oima, cette oeuvre publiée en France par les éditions Ki-oon a su marquer les esprits pour son abord juste de thèmes délicats, en tête desquels ceux de la surdité, du handicap, de la communication et du pardon. Après un tel succès, la nouvelle série d'Oima était forcément attendue au tournant. Démarrée en novembre 2016 au Japon, celle-ci, nommée Fumetsu no Anata he, était d'ores et déjà pressentie chez Ki-oon, l'éditeur ayant plutôt pour habitude de suivre ses auteurs et n'ayant pas caché son engouement. Mais c'est finalement Pika Edition qui a raflé la mise et est venu "chaparder" la série, en pouvant sans nul doute compter sur son partenariat privilégié avec l'éditeur nippon Kôdansha, ainsi que sur un lancement en fanfare. En fanfare, car Pika a pris le pari de lancer l'oeuvre d'abord en numérique via un simulpub. Composant ce qui sera le premier tome relié, les quatre premiers chapitres sont disponibles en français depuis le 13 janvier sur toutes les plateformes légales de lecture numérique et les e-libraires, avec un premier chapitre plus long et gratuit, et les suivants disponibles au prix de 0,49€ le chapitre. Les chapitres 5 à 8 furent ensuite mis en ligne le 18 janvier, et Le 9ème chapitre, quant à lui, a eu droit à une publication simultanée avec le Japon le 18 janvier. Depuis, la publication simultanée s'est poursuivie, et en date du 12 avril l'oeuvre en est à 20 chapitres. C'est sur la version numérique que se base cette chronique.

Tout commence par une réplique mystérieuse : ""Il" est un voyageur qui vous donnera l'éternité...". "Il", ce n'est autre que le personnage central de l'histoire, un personnage à la teneur d'abord on ne peut plus floue. "Lancé" sur Terre par un être mystérieux qui n'est autre que le narrateur de la série, il eut d'abord la forme d'une pierre, puis devint mousse, avant qu'un loup passant par-là ne lui permette de prendre sa possession. En effet, sous l'effet d'une stimulation, cette étrange forme de vie peut se métamorphoser, prendre la forme de son "stimulateur". Et qui plus est, elle a pour étonnante spécificité d'être "immortelle". Rencontrant d'abord ce loup, puis un jeune garçon esseulé, et une fillette vouée à être sacrifiée à une divinité vengeresse, cet être immortel va, petit à petit, faire l'apprentissage de la vie...

Faisant environ 80 pages (là où les chapitres suivants en font environ 35-40), le premier chapitre, véritable coup d'essai servant à lancer la série, est mené de main de maître et a tout de la réussite, tant il est impeccablement narré d'un bout à l'autre. Tout commence par une narration extérieure, faite pas une entité énigmatique, celle qui envoie "Il" sur Terre et qui a donc des allures d'être suprême, pour un rendu qui a d'emblée des allures de mythe. Cet aspect de légende, pourtant, prend très vite des allures plus humaines dès lorsqu'"Il", transformé en loup, retrouve, après quelques mois d'errance, son "maître", un jeune garçon qui l'a nommé Joan. Le jeune garçon ne sait pas que son compagnon animal n'est plus "lui-même", qu'il a une autre vie devant lui, et il reprend alors son quotidien avec lui. Un quotidien que l'on découvre en même temps que le loup. Un quotidien que l'on devine rapidement marqué par la dureté et la solitude : voila cinq ans que l'enfant est seul, que tous sont partis à la recherche de terres meilleures. Le dernier cerf est mort il y a un an, les fruits sont devenus rares, le goût des légumes a disparu de sa mémoire, il économise le bois en mangeant le poisson cru... Petit à petit, à travers les paroles que l'enfant adresse au loup et donc à "Il", on devine un monde où l'humanité n'a peut-être pas sa place, où les contrées enneigées ne permettent pas aux formes de vie de subsister... et où le gamin est désormais complètement seul, livré à lui-même. Il ne perd pourtant pas espoir, cherche à rester positif, dessine ses proches pour ne pas les oublier, et, surtout, se rattache autant que possible à son seul compagnon, le loup, le seul être vivant auquel il peut parler et transmettre tout ce qu'il veut.
Impossible de ne pas s'attacher à ce jeune garçon, dont la pureté est presque aussi immaculée que le paysage enneigé qui l'entoure. On peut dire qu'Oima excelle dans la représentation de cette blancheur hivernale, froide, dépourvue de vie, comme coupée du temps (ce temps qui n'a pas d'emprise sur l'immortel "Il" ). La mangaka prend le temps de dépeindre ce jeune gamin esseulé dans un monde implacable dont il reste tout à définir. Quelle sera l'issue pour lui ? Quel sera le rôle de l'immortel ? On vous laisse le découvrir dans ces 80 premières pages qui laissent sur une forte impression.

"Souviens-toi... de moi..."

Le ton est donné, le voyage de "Il" ne fait que commencer, et il est difficile de parler de la suite sans trop en dire sur l'impeccable premier chapitre. En tout cas, on change quelque peu de cadre en découvrant en March une petite fille qui n'est pas marquée par la solitude puisqu'elle vit dans une tribu avec ses parents et ses amis, mais plutôt par un destin qui s'annonce peu enviable. Dans ce changement de ton, Oima parvient à intéresser en croquant une fillette pleine de vie, si pleine de vie qu'elle n'a aucune envie d'envisager la mort. Après tout, pourquoi elle n'aurait pas le droit de venir adulte, comme les autres enfants ? La mangaka intrigue aussi, évidemment, en immisçant auprès d'elle la figure d'"Il", qui poursuit son voyage. Un voyage en forme d'apprentissage.

Car To Your Eternity devrait avant tout être le récit d'un apprentissage, celui qu"Il" fera au fil de ses rencontres. Tout au long du volume, cette entité immortelle, qui ne connaît rien des moeurs humaines, a tout à en apprendre. Il ne sait même pas parler, ne connaît pas les principes de bases comme comment faire ses besoins... il a beau être éternel, il ne connaît encore rien, et c'est petit à petit qu'il devrait "apprendre à vivre". D'abord pourvu d'une conscience que l'on va qualifier de "limitée", un peu comme s'il venait de naître, il va petit à petit expérimenter des premières choses, comme la douleur, la faim, le froid. Et tout comme dans A Silent Voice, il y a une chose qui se dégage d'emblée dans les interactions : l'importance de la communication. Que ce soit le jeune garçon ou March, les rencontres faites par "Il" pour l'instant, de par leur statut enfantin entre autres, ont quelque chose de très pur et sincère, et n'arrête pas de parler, permettant sans doute à l'être immortel d'emmagasiner peu à peu certaines choses. Cela, la dernière page du chapitre 4 nous le fait parfaitement cerner. Et c'est donc également sans oublier les autres, ses précédentes rencontres, que "Il" devrait petit à petit se forger son expérience de la vie. En cela, il y a quelques scènes assez fortes symboliquement : par exemple, le fruit que March cueille a "Il" peut avoir une signification vraiment puissante quand on repense au chapitre 1, et l'on peut alors comprendre sans mal pourquoi l'immortel se jette autant sur ces fruits.

Visuellement, la recette d'Oima ne change pas vraiment par rapport à A Silent Voice, avec des designs humains et un encrage bien reconnaissables, des expressions faciales assez nuancées, un découpage des cases souvent classique mais où les angles de vue sont souvent bien travaillés, des décors qui participent bien à l'immersion. Sur ce dernier point, l'artiste varie joliment les choses, entre le cadre enneigé rude du chapitre 1 et la suite où il y a plus de vie et de végétation. C'est dans l'ensemble prenant, le seul hic étant quelques raccourcis de découpage et de transition à partir du chapitre 2 (un petit défaut dont A Silent Voice souffrait aussi parfois).

La chronique se basant sur la version numérique, difficile de parler de l'édition physique, hormis pour signaler l'excellente traduction de l'expérimenté Thibaud Desbief, celui-ci livrant, un travail très soigné et respectant les différences de ton dans la façon de parler des personnages. L'adaptation graphique de Docteur No est elle aussi soigné, les choix de police sont convaincants pour les dialogues autant que pour les onomatopées.

Attendu au tournant, To Your Eternity ne déçoit pas et s'offre une entrée en matière fascinante, surtout pendant tout son premier chapitre, qui occupe quasiment la moitié du tome et qui pose impeccablement les choses en annonçant d'emblée une série riche et forte. Au fil du parcours initiatique de son personnage principal immortel, Yoshitoki Oima devrait interroger sur la Vie, la Mort, le temps, la mémoire, le rapport aux autres, la condition humaine, et on la suivra avec grand plaisir dans ce projet.

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs