Tetsumin Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 26 Octobre 2017

Sur l'île de Sasarai, on a pour habitude de se partager entre côté mer et côté montagne, mais dans les deux cas on est amené à se regrouper à partir du lycée. Ayant grandi côté mer, Miro Takizawa est une lycéenne a priori comme les autres, ayant une meilleure amie fidèle en Chika, vouant un amour secret pour le beau Kushida... La routine adolescente, à ceci près qu'elle a sans doute beaucoup plus de phobies que la moyenne.


Pourtant, son quotidien a priori tranquille et banal, sur ce petit bout de terre entouré par les eaux, risque fort de basculer complètement. Tombant sur un téléphone portable abandonné qui se met soudainement à sonner près d'elle au lycée, elle l'ignore. Mais quand elle retrouve exactement le même téléphone, un peu plus tard sur la route pour rentrer chez elle, elle finit par décrocher. A l'autre bout du fil, un mystérieux interlocuteur qui lui demande de venir rendre son téléphone dans un sanctuaire. Mais une fois sur place, c'est une vision d'effroi qui attend l'adolescente : dans un coin, un homme semble sur le point de se débarrasser d'un cadavre... qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Quant à la voix du téléphone, elle finit vite par avouer une vérité inimaginable : des êtres de fer, petit à petit, remplacent les habitants en les tuant et en reproduisant exactement leur physique ! Ainsi, près d'un dixième de la population de l'île aurait déjà été remplacé, sans que personne ne remarque quoi que ce soit. Hélas, comment savoir qui a déjà été remplacé ? A qui notre héroïne peut-elle se fier ? Comment enrayer cette menace ? La jeune fille a à peine l'occasion de s'interroger que déjà, une nouvelle plus terrible encore lui tombe dessus. Une nouvelle qui la concerne directement...


Envie d'un bref manga à tendance horrifique à l'approche d’Halloween ? Les éditions Komikku ont pensé à vous en amenant en France une série en 3 tomes proposant une inquiétante invasion : Tetsumin, une oeuvre d'un auteur pas tout à fait inconnu en France puisqu'il s'agit de Keita Sugahara, qui avait auparavant signé le scénario de Murder Incarnation (série courte elle aussi parue chez Komikku), un titre aux idées intéressantes, mais qui n'avait finalement pas laissé une forte impression. Tetsumin a été prépublié au Japon en 2015-2016 sur le site Web Manga Action de l'éditeur Futabasha.


Plutôt rapide, la mise en place du scénario a le mérite de ne pas traîner, mais peut d'abord laisser un peu circonspect sur certains détails qui continuent ensuite de ne pas convaincre sur la longueur. En effet, il y a dans ce début de série certains éléments bizarres qui par la suite ne sont pas vraiment exploités, à commencer par les nombreuses phobies de l'héroïne et par la division de l'île entre côté mer et côté montagne, qui sont complètement oubliées dès que les premières pages sont passées. Peut-être que ces éléments auront un rôle dans les deux tomes suivants, mais en attendant, il est vraiment étrange de ne pas du tout les ré-évoquer pendant le tome. Mais ce sont surtout les premières réactions de Miro qui peuvent peiner à convaincre : elle ne se pose pas de questions sur le fait de retrouver deux fois sur sa route le même téléphone qui sonne, il lui faut un bon moment avant de simplement penser à demander qui il est à l'interlocuteur, elle ne se questionne pas vraiment sur les réactions parfois bizarres de celui-ci... Bref, il y a ainsi quelques petites lacunes qui peuvent empêcher la totale immersion à un lecteur pointilleux.


Et pourtant, concrètement, il s'agit des seuls véritables problèmes d'un scénario qui, pour le reste, sait vraiment s'emballer comme il se doit. Car à partir du moment où Miro apprend l'existence de cette invasion, on a droit à un enchainement d'événements qui tiennent sans mal en haleine. L'adolescente va devoir gérer dans la manique de nombreuses choses, car son interlocuteur du téléphone est clair : si on ne fait rien, toute la population sera remplacée peu à peu, et quiconque apprend la vérité est supprimé en priorité par les envahisseurs. A partir de là, on a une héroïne qui, malgré ses faiblesses, a le mérite de vouloir agir, de ne pas rester passive, ne serait-ce que pour protéger en premier lieu ses plus proches connaissances, qui pourraient très vite se retrouver en danger. Sugahara joue particulièrement bien sur deux éléments : la difficulté de savoir qui est encore humain et qui a déjà été remplacé (et dans ce cas, à qui peut-on faire confiance ?), et une bonne gestion de certains climax qui font facilement leur petit effet, même si certains sont très prévisibles. Les principaux rebondissements sont vraiment bien disséminés, de manière à ne laisser aucun coup de mou et à capter toute l'attention du lecteur d'un bout à l'autre.


Mais dans tout ça, c'est encore un autre élément qui titille le plus la curiosité. Une révélation concernant la nature de Miro, qui arrive tôt dans le récit, dès la fin du chapitre 1 après 40 pages. Mais si vous ne souhaitez pas en savoir plus afin de conserver la surprise (qui est de taille), ne lisez pas le paragraphe qui suit.


En effet, il s'avère que Miro a elle-même déjà été remplacée et est un être de fer, à qui on a implanté tous les souvenirs de la vraie Miro. Mais elle fait partie des rares individus métalliques à être "défectueux", comprendre par là qu'elle a conservé une volonté propre qui lui vaut de vouloir protéger les autres. Il était difficile de ne pas faire une chronique sans évoquer cet élément, car c'est assurément celui qui offre le plus de promesses au récit ! En effet, une fois le choc passé, l'adolescente n'aura de cesse de s'interroger régulièrement au fil du volume. Peut-elle vraiment se considérer humaine ? Peut-elle accorder une vraie valeur à ses "souvenirs" ? Ni totalement humaine ni au service des êtres de fer, qu'est-elle alors ? Quelle place est la sienne ? On sent que le mangaka a le désir d'interroger sur la question de l'identité et de la place de son personnage principal, et c'est d'autant plus prenant que la toute dernière page du volume apporte un coup de théâtre très prometteur. Mais la nature de Miro a aussi pour intérêt de la placer dans une posture très délicate : elle veut lutter contre l'invasion pour préserver celles et ceux en qui elle tient, mais ne peut avouer sa nature à personne, pas même à Chika, à Kushida ou à ses parents, ce qui la condamne à subir ses tiraillements identitaires sans pouvoir se confier à qui que ce soit, et à agir seule, avec pour seul allié l'énigmatique et étrange interlocuteur du téléphone.


En termes de dessins, c'est globalement banal, mais dans l'ensemble efficace. Les décors ont le mérite d'être présents quand il le faut, mais restent classiques et l'auteur se contente généralement de trames assez sombres qui ont au moins le mérite d'entretenir l'ambiance. Les designs humains sont très banals, certains visages se ressemblant même un peu trop et ne se distinguant surtout que via la coupe de cheveux (c'est surtout le cas entre Miro et Chika). Le découpage des cases reste globalement académique, avec la plupart du temps des cases bien rectangulaires ou carrées et espacées. On trouve bien quelques légères diagonales et moins d'espacement lors de certains brefs moments d'action. En revanche, Sugahara parvient souvent à bien jouer son coup sur les scènes-clés, les climax, qui, bien que parfois prévisibles, sont toujours amenés avec soin et impact. Ainsi, certaines pages tournées font vraiment bien leur effet ! Enfin, le dessinateur excelle sur les visages des êtres de fer, bien sûr sur leur design métallique qui bénéficie d'une certaine recherche et qui fait un peu frissonner, mais aussi sur les yeux, qui deviennent assez grands ouverts et possèdent des pupilles envahissantes sur les êtres remplacés. Même chez les humains, Sugahara joue bien sur les regards, installant ainsi une petite confusion chez le lecteur, qui se demande alors facilement si tel ou tel personnage a été remplacé...


Malgré quelques maladresses et éléments laissant pour l'instant circonspect, Tetsumin offre quelque chose de très efficace, qui donne envie de tourner les pages sans lâcher prise avant la fin. Keita Sugahara joue très bien sur certains éléments comme la condition de l'héroïne. Et qui plus est, au vu de sa gestion des événements, il semble bien savoir où il va. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que l'on suivra la suite de cette série, en espérant que les quelques maladresses se gomment !


Les éditions Komikku livrent leur habituel standard de qualité avec un papier épais et souple, une bonne qualité d'impression chez Aubin, et une traduction de Yohan Leclerc qui fait bien le job. On a également une jaquette soignée avec son effet métallique, y compris sur le logotitre. On appréciera d'ailleurs que ce dernier soit placé en haut de l'illustration pour ne pas la gâcher, là où la jaquette japonaise voit le titre envahir une bonne partie du visage.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction