Crows Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 01 Juillet 2025

Chose inespérée il y a une quinzaine d’années de ça : le furyo manga se paie aujourd’hui une jolie place dans nos étalages ! Le phénomène Tokyo Revengers y est pour beaucoup, l’œuvre de Ken Wakui ayant attiré les regards vers un pan du manga qui paraissait chez nous marginal. Depuis, les éditeurs sont moins frileux à l’idée d’explorer le genre. Mieux encore : ils clament la dimension patrimoniale de certains titres et de plusieurs auteurs, à l’instar de Rokudenashi Blues de Masanori Morita, l’un des piliers du genre. En ce mois étouffant de juin 2025, c’est un autre titre majeur du furyo qui nous est enfin proposé : le cultissime Crows de Hiroshi Takahashi.

Né en 1990 dans le Gekkan Shônen Champion des éditions Akita Shoten, il est le socle d’une saga qui perdure encore aujourd’hui. Si la série s’est achevée en 1998 avec son 26e volume, elle a engendré un grand nombre de suites et de spin-offs, le plus célèbre étant Worst et ses 33 opus. Ce dernier nous fut d’ailleurs proposé à l’époque, aux éditions Panini, mais fut stoppé au bout de 16 tomes, faute de succès. Entre-temps, la fresque a trouvé un certain écho à travers les excellents films live Crows Zero qui avaient attiré les regards sur les histoires de Hiroshi Takahashi. Aujourd’hui, la donne a donc changé, et on ne peut qu’espérer un retentissant succès pour Crows, de manière à avoir accès aux autres opus de la saga. Notons d’ailleurs que l’édition proposée par Kana s’appuie sur la réédition (shinsôban) en 22 tomes du manga.

Dans Crows, le lycée Suzuran est réputé pour être un repaire de voyous. Il y règne la loi du plus fort si bien que les bagarres ne sont pas rares. Au sommet de la pyramide trônent Hideto Bandô et sa bande, bien que ce dernier ait été exclu temporairement de l’établissement. Pour le jeune Yasuda, c’est un jour comme un autre qui se profile quand il est racketté par Akutsu, un sbire du clan de Bandô. Il est alors secouru par un drôle de phénomène, un nouvel élève de Suzuran qui porte le nom de Harumichi Bôya. Véritable électron libre, il est doté d’une force redoutable et s’apprête à secouer l’équilibre actuel du lycée des corbeaux…

À l’ouverture de ce premier tome de Crows, beaucoup auront en tête les films de Takeshi Miike, leur ambiance tantôt mélancolique et tantôt survoltée, ou l’esprit de camaraderie qui règne au sein des clans de Genji et de Serizawa. Mais l’ambiance de ce premier tome de l’œuvre originale est nettement différente. Plus extravagante, elle présente rapidement une certaine excentricité grâce au trait arrondi et léger d’époque de Hiroshi Takahashi et au tempérament imprévisible de son protagoniste, Harumichi Bôya. Original parmi les corbeaux, il ne jure que par la sœur du pauvre Yasuda, sur laquelle le nouvel élève a flashé par une simple photo. Ce décalage peut surprendre, d’autant plus que ce premier opus prend le temps de mettre en place les rapports de force qui règnent à Suzuran par le biais d’une poignée de personnages. L’opus met donc un petit moment avant de trouver son rythme, une mise en place qui peut décontenancer un lectorat qui s’attendait directement à un récit puissant de par l’aura mythique du titre ou la présence des films Crows Zero dans l’équation.

Une déception, donc ? Que nenni. Car on se fait à cette ambiance comique des débuts tandis que les lignes de rixes plus sérieuses entre voyous se dessinent peu à peu. L’auteur ne se précipite pas pour présenter les différents intervenants majeurs de son histoire, il pose ses éléments petit à petit au détour de quelques péripéties, mais finit par développer des enjeux plus importants dès le retour attendu de Bandô, celui dépeint comme le caïd le plus redoutable du lycée. Dès lors, le rôle de Bôya se précise, de même que son tempérament qui ne se limite pas à son crush pour la sœur de Yasuda. On retrouve alors certains éléments du furyo qui font tant mouche sur le lectorat avec ses voyous puissants, ses batailles sous haute tension et ses héros qui présentent un sens de l’honneur affirmé. Le tout est aussi porté par la désinvolture du héros qui a souvent plus d’un tour dans son sac, ce qui donne à ces débuts de récit une certaine fraîcheur près de 35 ans après sa première publication.

Pour les fans de Crows Zero, ce premier tome présente une autre forme d’intérêt : découvrir ce que sont devenus certains personnages mineurs après les exploits de Genji et de Serizawa. Bien sûr, le manga a initialement été conçu par Hiroshi Takahashi bien avant les films, il n’avait donc pas les personnages des longs métrages en tête. C’est donc un intérêt qu’on peut développer sur le tard et qui relève surtout d’une connexion amusante, ce qui peut aussi déstabilisant dans le casting des films s’éloigne parfois drastiquement des designs originaux de Takahashi.

Alors, il semble indéniable que ce premier tome de Crows peut d’abord décontenancer par son trait et son énergie légère. Pourtant, Hiroshi Takahashi parvient à rendre un opus de démarrage addictif par son sens du rythme et son découpage, mais aussi par un récit qui prend de plus en plus d’ampleur et développe des enjeux propres au furyo manga tout à fait alléchants. Avec un tel climax de volume, qui met l’accent sur un personnage bien connu par les fans des films Crows Zero en plus de lancer une vraie rixe entre Bandô et Bôya, difficile de ne pas avoir l’envie de se jeter sur la suite.

Du côté de l’édition, Kana fait le choix d’un tome souple, au format standard et au prix accessible de manière à ce que Crows reste une œuvre grand public et ouverte à tous. Côté fabrication, on est donc sur les standards de l’éditeur. En guise de bonus propre au premier tirage, on trouve un sticker métallisé à l’effigie de l’emblème de Suzuran, un goodie qu’on est tentés de laisser intact tant il donne un petit cachet à l’ouvrage.

Enfin, la traduction proposée par Rodolphe Giquel semble propre et retranscrit l’énergie du récit de Hiroshi Takahashi. On laisse cependant le soin aux japanophones de juger comme il se doit les choix précis d’adaptation.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15.5 20
Note de la rédaction