Sex & Fury - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 27 Août 2014

Bonten Tarô a vécu de 1929 à 2008, et a été dessinateur de kamishibai, tatoueur, chanteur, acteur, styliste, metteur en scène, reporter, mangaka... Une vie bien remplie s'il en est, sur laquelle revient le Lézard Noir avec Sex and Fury, ouvrage de plus de 400 pages contenant à la fois interview et reportage sur l'auteur, mais aussi et surtout manga et illustrations du maître.


En premier lieu donc, une préface introductive suivie d'un dossier contenant une interview très intéressante de l'auteur, dont voici un extrait : « À l'époque, tous les auteurs prenaient des métamphétamines ». J'ai évidemment choisi cette phrase parce qu'elle est intrigante, mais aussi parce qu'elle représente bien l'entretient en son ensemble qui, en plus de nous fournir de nombreuses informations sur le parcourt riche et passionnant de Bonten Taro, contient une foule d'anecdotes sur la condition d'auteur à cette époque (années 50-60-70). On trouve ensuite un entretien avec l'auteur qui reprend une bonne partie des infos données dans l'interview, avec quelques éléments inédits. Toute cette première partie est ponctuée de photos et illustrations de Bonten Tarô, représentant des femmes tatouées, l'auteur ou encore Mohamed Ali, pour qui Bonten a confectionné une veste. Bref, un contenu vraiment instructif, bourré d’anecdotes qui plairont aux curieux.


Vient ensuite la plus grosse partie de l'ouvrage, celle consacrée aux mangas de Bonten de sa période gekiga (fin des années soixante, début des années soixante-dix), classée en plusieurs catégories.


Une double page présentant les instruments du tatoueur et leur fonction puis un petit répertoire illustré de certains fameux tatouages nous donne un premier aperçut de son travail, puis débute la première catégorie de manga narratif, intitulée « Tatouage et Yakuza ». Le milieu de la pègre est familier à Bonten, qui a tatoué nombre de yakuzas, et c'est dans cet univers violent que prennent place les récits de cette partie, la plus grosse de l'ouvrage. Toutes ces histoires mettent en scènes des hommes violents et des femmes fortes aux proportions identiques, silhouette élancée, épaules larges et grosse poitrine. Le tout est efficace, plein d'action et de scènes de sexe (très soft), mais reste globalement assez convenu, et surtout trop superficiel dans ses dialogues et dans ses actions, ce qu'explique en partie l'ancienneté du titre. On peine la plupart du temps à vraiment s’attacher aux personnages, trop clichés.


La deuxième partie se nomme « Récits d'horreur ».


Encore une fois, Bonten ne révolutionne rien, même pour l'époque, mais les histoires de cette partie restent très efficaces dans leur genre, et donnent à voir une tout autre facette de l'œuvre de Bonten, plus cruelle et plus gore.


« Récits de guerre » constitue la troisième et dernière grande partie de l'ouvrage. Toujours trop expéditive dans sa narration, certains des récits font toutefois d'avantage preuve d'originalité que ce que l'on a pu lire précédemment, et constituent même par moment une critique de la guerre, ou plutôt une réflexion sur l'impact qu'il a sur les individus. On décèle également une forme d'apologie de l'insubordination, peut-être liée au mode de vie apparemment très libre de Bonten.


Enfin, deux courtes histoires viennent clore cette grande partie dédiée aux mangas du maître. La première est une réflexion, presque une condamnation de certaines pratiques débauchées des jeunes (de l'époque s'entend), la deuxième revient brièvement sur les conditions de la mort de Yukio Mishima.


En toute fin d'album, on trouve un portfolio d'illustrations diverses de l'auteur, mettant bien en valeur son trait épais, tantôt proche de Kamimura, en moins précis, tantôt assez semblable aux comics de l'âge d'or, pas toujours harmonieux au niveau des proportions.


L'édition est de très bonne qualité, tant au niveau du papier, de l'ancrage, de la traduction. La couverture est cartonnée avec un effet de relief sur les écritures et il y a de nombreuses pages couleur. L'impression est parfois mauvaise, mais c'est lié au support d'origine, la version française étant scannée directement depuis les ouvrages japonais.


Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, le contenu n'est pas mauvais, et reste très efficace, on passe un bon moment de lecture. Sex and Fury n'est pas très original, souvent superficiel, et pourtant, c'est un ouvrage génial. Génial, car patrimonial, et même les histoires au contenu inintéressant présentent un intérêt pour le passionné de manga qui souhaite découvrir l'œuvre variée d'un auteur au parcourt atypique. Le travail d'édition en début de volume sur Bonten Tarô est un régal, et la façon dont l'auteur mêle ses passions pour le manga et le tatouage est particulièrement intéressante.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Luciole21
16 20
Note de la rédaction