Reine d'Egypte Vol.1 - Actualité manga
Reine d'Egypte Vol.1 - Manga

Reine d'Egypte Vol.1 : Critiques

Aoi Horus no Hitomi - Dansou no Joou no Monogatari

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 15 Mars 2017

Critique 3


Avec Ki-oon, quasiment chaque mois sa nouveauté (voire ses nouveautés), et ce mois de mars 2017 ne déroge pas à la règle, puisqu'il marque le début en France d'une série assez attendue et très prometteuse: Reine D’Égypte!
Ce titre fait partie d'une nouvelle collection que l'éditeur inaugure cette année, la collection "Kizuna" se voulant plus grand public, avec des titres ne s'adressant pas forcément qu'aux lecteurs de mangas! Isabella Bird et Hanada le garnement viennent compléter cette collection, mais pour l'heure le titre qui nous intéresse vient également compléter le catalogue de l’éditeur qui nous propose déjà des titres historiques de qualité; on pense notamment à Cesare et Ad Astra!
L'auteur de cette série, Chie Inudoh, n'a jamais été publiée en France, nous la découvrons donc en même temps que ce titre se voulant historique, qui va nous plonger dans un univers assez peu exploité jusque là dans les mangas: l’Égypte Antique (il y a bien Yu Gi Oh, mais on n'est pas sur le même registre).

Dans l'ancienne Égypte on considérait que le sang royal était transmis par la mère, ce sont donc les reines qui choisissaient les Pharaons qui allaient diriger l'immense empire d’Égypte, mais mis à part cette fonction, le pouvoir des femmes restait limité!
Jusqu'à l'avènement de la reine  Hatchepsout qui deviendra la première grande reine d'Egypte!
Nous allons donc suivre son parcours, en commençant par son adolescence turbulente où celle-ci se battait avec son frère aîné, rageant de ne pas être naît garçon, pour ensuite assister à son mariage avec ce même demi-frère, appelé à remplacer son père sur le trône, prenant le nom de Thoutmosis II!
Ce couple, tous deux enfants du précédant souverain, va s'opposer dans leurs visions et leurs façons de régner, Hatchepsout souhaitant que les femmes obtiennent un rang plus important...mais le chemin sera long pour cette dernière, elle va lutter contres les codes et coutumes ancestrales de son pays et pour cela elle doit d'abord apprendre à se montrer féminine afin d'user de ses charmes...

Il était étonnant qu'aucun auteur ne se soit intéressé plus tôt à l’Égypte Antique, théâtre de tant de légendes, de mythes et de fables sans parler de sa passionnante histoire! Et encore une fois on ne tient pas compte de Yu Gi Oh, titre intéressant, mais pour lequel l’Égypte n'était qu'un "prétexte".
Et bien c'est désormais chose faite, grâce à Chie Inudoh nous mettons un pas dans ce royaume si mystérieux, mais tellement passionnant!
Et pour commencer, l'auteur nous expose les croyances et les traditions de ce peuple, dont certaines légendes et coutumes nous sont certes connues seulement dans les grandes lignes.
Le titre se veut donc historique et met en scène des personnages ayant marqué l'histoire de l’Égypte! Bien entendu on ne peut ignorer la part de fiction du titre, mais c'est cet habile mélange qui lui donne justement ce charme. On sent que l'auteur a travaillé son sujet, qu'elle a fait de nombreuses recherches et que si la fiction est présente (difficile de faire autrement, ne serait-ce que dans les rapports entre les personnages), elle s'est documentée et va nous proposer une trame historique basée sur des faits réels!
Qui parle de Reine D’Égypte pense à des figures emblématiques comme Néfertari, ou Néfertiti ou bien entendu à Cléopâtre! Mais l'auteur choisit de nous proposer un pan de l"histoire Égyptienne moins bien connue avec  Hatchepsout, ce qui rend la chose d'autant plus intéressante, car bien plus originale (voire plus risquée), mais évite les comparaisons avec ce que nous pourrions en connaître.

Après une entrée en matière nous présentant donc les traditions, mais également les croyances de ce peuple, on s'intéresse bien davantage à la reine d’Égypte qui donne son titre au récit:  Hatchepsout!
Fille du précédent pharaon, elle va devoir épouser son demi-frère (lui aussi fils du pharaon) afin que celui-ci succède à leur père. Mais ce qui dérange le plus la princesse (qui deviendra reine), c'est la condition des femmes! En cela ce titre nous rappelle grandement les autres séries de l'éditeur telles que Bride Stories ou Emma pour ne citer qu'eux.
A première vue, rien de bien original donc, puisque justement le parallèle avec Bride Stories est vraiment frappant, on pourrait juste croire que seul le cadre change...mais justement le cadre est extrêmement important et apporte tout son charme à la série.
On va donc suivre son évolution, et si on la découvre à l'aune de son mariage, très vite nous plongeons dans un flash-back où on la retrouve adolescente, garçon manqué, souhaitant partir à la guerre auprès de son père... Et ce retour en arrière sera essentiel pour bien comprendre son évolution psychologique! Elle enragera de ne pas être un garçon, se nourrissant de cette colère pour développer une force de caractère impressionnante, et au lieu de se résigner elle finira par adopter une nouvelle stratégie! Certaines choses sont actuellement interdites aux femmes, alors elle se servira de ce qui lui est autorisé, à savoir user de ses charmes! Mais pour cela le garçon manqué devra devenir une femme: elle va devoir apprendre la féminité, et s'en servir telle une arme face à son demi-frère et époux... Pour le moment le premier tome ne va pas plus loin, mais on devine (et espère) des manipulations de sa part!

Le titre se présente actuellement comme une succession de tranches de vie faisant peu à peu avancer l'intrigue globale. A chaque chapitre sa thématique avec en arrière plan sa volonté de ne pas laisser sa condition de femme lui ôter ce qu'elle pense lui revenir.

Autour de Hatchepsout gravitent de nombreux personnages, à commencer par son demi-frère Thoutmosis II, qui lui se veut quelque peu caricatural. A l'issue de ce premier tome, on ne sait trop dire s'il est vraiment antipathique où si c'est juste une maladresse de l'auteur qui le dépeint de la sorte sans trop de nuances.
On trouve également des personnages féminins, qui contribuent à faire de Hatchepsout une belle reine, et en cela aussi on pense à Bride Stories.

Et le parallèle ne s’arrête pas là puisque même au niveau graphique la ressemblance est frappante, surtout au niveau des personnages féminins. Mais à côté de cela il faut féliciter l'auteur pour ses décors, démontrant une nouvelle fois les recherches effectuées. Chaque page nous offre de magnifiques décors d'époque, insistant sur la toute-puissance et le faste de la famille royale. Les costumes ne sont pas en restes et on devine la difficulté pour dépeindre et mettre en scène tous ces personnages.

Ki-oon de son côté fait une nouvelle fois un excellent travail tant sur l'adaptation que sur la qualité du volume, qu'il s’agisse du papier ou de la couverture, un grand soin a été apporté à ce titre, étendard de la nouvelle collection de l'éditeur.

Reine D’Égypte nous offre une entrée en matière des plus séduisantes, et ce premier opus nous fait déjà pleins de belles promesses pour un titre qui nous fait voyager dans un univers peu connu, mais qu'on ne demande qu'à explorer!


Critique 2


Dans l'Egypte Antique, celle du 15ème siècle avant notre ère, à l'époque des Pharaons, le pays est sur le point de connaître une nouvelle étape : en tant qu'héritière du sang royal du trône qui se transmet par les femmes, la jeune Chepsout, en épousant Séthi son demi-frère (du côté de leur père, le Pharaon Thoutmôsis Ier), et sur le point de conférer à ce dernier le titre de nouveau pharaon : il deviendra Thoutmôsis II, et elle Hatchepsout. Véritable incarnation divine sur Terre, représentant les Dieux sous leurs magnifiques parures, Pharaon se doit d'être respecté, tandis que son épouse, une fois sa tâche du choix du nouveau souverain effectuée, doit se contenter de se montrer digne de lui... Seulement, est-ce ce que Hatchepsout veut réellement ? En effet, si elle a choisi Séthi comme nouveau Pharaon, c'est uniquement pour respecter le souhait de son père. Mais au fond d'elle bout une colère, celui d'une jeune femme qui ne supporte pas d'être condamnée à rester dans l'ombre alors qu'elle souhaite tant apporter à l'Egypte grâce à ses qualités. A cet instant, elle ne sait pas encore à quel point son nom va rester gravé dans l'Histoire...

En ce mois de mars 2017, les éditions Ki-oon inaugurent leur nouvelle collection, Kizuna, visant à accueillir des mangas jugés grand public et universels, et donc capables de toucher toutes les générations. Avec son encrage dans une culture millénaire d'Afrique du Nord bien connue, Reine d'Egypte semble être un choix judicieux pour inaugurer tout ça, d'autant que l'oeuvre mêle deux registres que l'éditeur affectionne : on y trouve à la fois des cours d'Histoire à la Cesare ou Ad Astra, et un portrait de femme forte façon Bride Stories ou Gisèle Alain. Sur ce dernier point, on peut dire que la série débarque vraiment avec un bon timing en France, puisque le 8 mars était la journée des droits de la femme. Et que ces droits, nous allons le voir, Hatchepsout est de celles qui les portent.

Dès la jaquette, il n'y a aucun doute quant au type d'héroïne que nous allons trouver : jolie, portée par un regard très vif, mais également armée, Hatchepsout séduit d'emblée. Les toutes premières pages, présentant rapidement le contexte dans un style s'inspirant un peu de "graffitis" égyptiens, posent efficacement les toutes premières bases ainsi que l'atmosphère antique, avant que le récit ne nous fasse rapidement plonger aux côtés d'une héroïne sur le point de se marier au futur Thoutmôsis II et en qui on ressent déjà une certaine amertume. Car non, ces épousailles ne sont décidément pas ce que souhaite la jeune fille, et l'oeuvre nous invite rapidement à découvrir pourquoi via un premier flashback qui finit de poser avec réussite toutes les bases : le lien de Hatchepsout avec sa défunte mère qui lui a inculqué de ne jamais se laisser faire, son enfance de garçon manqué où elle se fichait de la bienséance en préférant aux occupations féminines les combats dont elle ressortait toujours gagnante face à Séthi, se relation conflictuelle avec ce garçon qui deviendra pourtant son époux... En quelques dizaines de pages seulement, on sent déjà une héroïne qui se forge un caractère, qui n'est pas à sa place dans son rôle classique de femme à cette époque, qui préfèrerait largement suivre la voie souveraine de son père. Et si, malgré tout, elle apprend à devenir féminine auprès de son amie la danseuse Tabia, on devine bien que le fond de sa pensée est dirigé ailleurs... Ce qu'elle ne manque pas de confirmer, petit à petit, dès que le récit revient au présent.

Tout au long du tome, on découvre réellement en Hatchepsout le genre d'héroïne qu'on adore. Bien que belle encore un peu fragile, elle s'est forgée un caractère et des convictions qui en demandent plus qu'à éclater entièrement. Douée au combat depuis l'enfance, elle va aussi montrer un esprit particulièrement avisé, une réelle intelligence qui l'amèneront très loin. Alors que la tradition veut qu'elle représente la beauté et la grâce et se montre simplement digne de Pharaon sans le gêner, elle choisit plutôt de ne pas se laisser faire, et refuse catégoriquement d'être un jouet entre les mains d'un homme qu'elle méprise. On cerne également, déjà, une souveraine qui, bien que censée rester dans l'ombre, s'intéresse à son peuple : elle cherche à être en contact avec lui pour connaître le pays en dehors du palais, se soucie non seulement des Egyptiens mais aussi des âmes des ennemis...

Forte, belle, droite, intelligente, volontaire, digne, prête à briser les traditions, cette jeune héroïne perce très vite et très facilement les pages... mais d'un autre côté, cela amène aussi l'une des petite limites de ce premier tome. En effet, le récit a tendance, surtout dans sa première partie, à marteler de façon un peu répétitive le fait que Hatchepsout refuse d'être soumise : à travers ses pensées, les paroles de sa mère, son comportement face à Séthi, Chie Inudoh insiste régulièrement sur ce point que l'on comprend pourtant très vite, alors que le tout aurait sans doute gagné à être un peu plus fin. Le plus gros problème vient toutefois de celui qui s'oppose à elle : Séthi/Thoutmôsis II, qui accumule absolument tout ce qu'il ne faut pas. Hautain, arrogant, violent, voire cruel, parfois très très macho (comme lors de moment avec Salifa), se souciant bien plus de son harem et de l'alcool que du peuple, on a l'impression de voir un gros cliché d'abruti sans la moindre qualité. C'est un peu grossier, les principaux personnages auraient gagné à être un peu plus nuancés pour rendre l'ensemble plus crédible, car là, c'est quand même très manichéen, du moins pour l'instant.

En dehors de cela, l'autre grand intérêt du manga est évidemment son encrage dans l'Histoire, qui plus est dans celle d'une civilisation antique qui, bien que très célèbre, se retrouve plutôt rarement en manga. On peut bien citer, évidemment, les nombreuses références que Yu-Gi-Oh! y pioche, ou alors la version très romancée de Cléopâtre de Machiko Satonaka sortie aux éditions Black Box, sans oublier le titre français Hatchepsout (encore elle) paru chez Milan en 2010 et où les auteurs Cédric Tchao et Marc Depeyrot s'intéressaient déjà à cette femme historique. Mais Reine d'Egypte nous promet enfin un manga faisant de l'Egypte antique son cadre entier, et de ce côté-là Chie Inudoh ne déçoit aucunement pour l'instant en sachant parfaitement poser toutes les bases : la coutume du sang royal, l'incarnation divine de Pharaon, les symboles du roi d'Egypte (le némès, la fausse barbe, le pagne court), la hiérarchie (retenons notamment l'importance des vizirs et prêtres), certaines figures divines comme Amon-Rê (très important à cette époque) ou Hathor (la déesse de la maternité et de la beauté)... On appréciera également le renvoi à certaines occupations et moeurs de l'époque, comme la façon de se maquiller, les perruques ou le jeu du senet, sans oublier de petits détails comme les bâtonnets de myrrhe.
A cela, la mangaka ajoute des contextualisations historiques claires, en évoquant par exemple la guerre contre la Nubie, et en restant fidèle aux grande étapes historiques comme ledit conflit ou la mort de Thoutmôsis 1er. De même, Inudoh s'applique dans les personnages ayant réellement existé, comme les Thoutmôsis et Hatchepsout bien sûr, mais aussi Satré, qui était bien la nourrice de la reine Hatchepsout, et surtout le dénommé Senmout, personnage apparaissant dans la dernière partie du tome et qui aura une grande importance. Celui-ci, en effet, est bien connu pour le grand nombre de traces qu'il laissa aux archéologues (deux tombes, un sarcophage à Thèbes, un cénotaphe, plus d'une vingtaine de statues commémoratives, des portraits, des stèles...) et il sera un homme très important dans les affaires du royaume plus tard si Inudoh souhaite respecter son histoire. Egalement très romancé au fil des siècles, on lui prête même parfois une relation avec Hatchepsout, qui toutefois repose sur très peu de documentation.
Cela nous amène forcément à nous demander quelle part Chie Inudoh souhaite accorder à la réalité historique. A ce titre, pour l'instant la mangaka fait du très bon travail, où l'on ressent une grosse documentation et une passion pour son personnage-phare. Mais les documentations sur l'époque étant parfois pauvres, la mangaka prendra également le parti d'y mêler des éléments de fiction pour servir son récit, comme elle l'explique elle-même dans des mots accordés aux éditions Ki-oon.

Visuellement, Inudoh a un trait qui séduit beaucoup. Dans le design des personnages, on semble être dans un étonnant mélange de la Kaoru Mori de Bride Stories et de la Shinobu Ohtaka de Magi (pour certaines expressions faciales, mais sans doute aussi pour l'ambiance orientale). C'est expressif, porté par un trait bien encré et restant assez fin, également sensuel par instants, soigné dans le tramage des corps... Il faut aussi noter quelques très brefs instants de violence crue. Les cases ne sont jamais vides, Inudoh livrant un travail suffisamment riche et immersif sur tout ce qui est décoratif : les bâtisses (comme le temple d'Hathor ou le palais avec ses intérieurs), les peintures, les représentations divines, les costumes... on sent là aussi un gros travail de documentation afin d'être fidèle.

Au bout d'un premier volume sans doute un peu trop manichéen, mais rondement mené et immersif, Chie Inudoh s'empare avec réussite de la figure historique de Hatchepsout pour nous offrir un savant mélange de morceau d'Histoire et de fiction très divertissante, le tout étant porté par une héroïne déjà exquise dans ce qu'elle souhaite dégager de force et de liberté. Une jolie entrée en matière, pour une oeuvre à suivre de près.

Qui plus est, les éditions Ki-oon nous servent une excellente édition, avec cette jaquette "granuleuse" que l'on retrouve assez régulièrement chez l'éditeur et qui colle bien à la série, un logo-titre aux tonalités égyptiennes bien travaillé, un papier et une impression excellents une traduction fluide et très vivante de Fédoua Lamodière, et des choix de police soignés (y compris pour le sous-titrage des onomatopées).
On sent aussi que l'éditeur a eu à coeur de bien lancer la série et la collection Kizuna sur le plan promotionnel, avec notamment le plateau offert en librairies, et la future venue de la mangaka Chie Inudoh au salon Livre Paris.


Critique 1


Toujours désireuses d’étoffer leur catalogue, les éditions Ki-oon inaugurent cette année la collection Kizuna, un label plus grand public qui ne s’adresse pas forcément qu’aux lecteurs de mangas. Et pour entamer cette collection, cette une série à vocation historique qui lance les hostilités : Reine d’Egypte. A l’origine de cette œuvre, Chie Inudoh que nous découvrons pour la première fois en France, bien que l’autrice ait à son compteur quelques séries courtes. Pour son dernier récit en date, la mangaka a voulu s’intéresser à l’Histoire et notamment à la première femme à avoir gouverné l’Egypte. C’est donc un titre en grande partie historique qui nous attend, une intrigue qui garde tout de même une facette de fiction, ciblant ainsi une culture assez méconnue dans le manga en général. Et forcément, la formule a de quoi intriguer.

Dans l’Egypte ancienne, le Pharaon Thoutmosis Ier régnait d’une main de fer, mais l’heure est venue pour lui de céder sa place. Sa fille, Hatchepsout, est ainsi promise à son demi-frère, Séthi, un mariage qui donne naissance au nouveau Pharaon : Thoutmosis II. Mais Hatchepsout n’est pas une reine tout à fait comme les autres. Avide d’aventures aux côtés de son père, la souveraine n’était pas encore adolescente qu’elle refusait de rester à sa place de femme et maintenant qu’elle est l’épouse du Pharaon, cette situation lui convient encore moins. Vouée à devenir la première Reine qu’ait connu l’Egypte, Hatchepsout va devoir lutter aussi bien contre les codes que le pouvoir qui l’entoure, le tout dans le but d’obtenir la place qu’elle mérite et prouver qu’une Femme est à même pour mener un pays…

L’Egypte ancienne est un domaine peu exploité dans le manga d’une manière générale. Parmi les titres célèbres, nous retenons évidemment Yu-Gi-Oh ! mais le shônen de Kazuki Takahashi se servait avant tout de ce folklore pour donner une identité à son récit plus qu’exploiter l’Histoire à proprement parler. C’est donc ce que propose la série de Chie Inudoh qui, même si elle est teintée d’un brin de fiction, s’appuie de manière rationnelle sur une période historique tout en contant le parcours véritable d’une Reine qui a autrefois existé. Le premier constat qui saute aux yeux est donc la représentation de l’Egypte d’époque par la mangaka et à ce titre, difficile de ne pas se rendre compte du travail de documentation qu’elle a effectué. L’esthétique générale nous projette donc bien des millénaires en arrière, que ce soit par les environnements dépeints avec minutie ou tout simplement les accoutrements divers qui transpirent les rites de cette Egypte ancienne. Des toges des plus modestes citoyens aux habits somptueux, partant volontairement dans l’excès et la représentation divines des monarques, l’autrice fait tout pour immerger son lecteur. Et cela traduit aussi ses intentions de représenter le contexte social d’époque, un contexte qui a toute son importance au sein de l’œuvre.

Reine d’Egypte sera donc le parcours, ou plutôt le combat, de Hatchepsout, femme de Thoutmosis II, pour obtenir la place de Reine qui lui revient et montrer qu’une Femme est aussi à même de diriger le peuple. Dans ce qui est présenté au début du récit, le pitch de Reine d’Egypte est assez basique, mais c’est sans compter l’existence réelle du personnage de Hatchepsout qui donne une autre envergure à l’œuvre et de ce fait, l’envie de découvrir le combat mené par la Reine naît naturellement dès les premières pages. Ce début d’œuvre insiste alors énormément sur son héroïne, et ce en partant par la psychologie qu’elle a développée depuis qu’elle est petite-fille, le tout pour dépeindre une femme forte, redoutable dans le maniement de l’épée, mais aussi vaillante quand il s’agit de se dresser face aux codes que la société imposait. De son opposition face à son époux jusqu’à la manière de s’intéresser à son peuple et comprendre le rôle véritable d’un souverain, les péripéties de Hatchepsout se diversifient, passionnent et dresse aussi bien le portrait de la protagoniste que celui d’un peuple entier. La série, à l’avenir, pourrait aller encore plus loin en s’intéressant à la dimension sociétale de cette période de l’Histoire, ce qui serait tout à fait en lien avec la lutte que la Reine compte mener. Alors, la série de Chie Inudoh plante de manière très efficace un univers riche et aux multiples possibilités d’évolution, le choix de l’autrice de s’intéresser à une période de l’Histoire qui a vu naître un personnage fort n’a donc rien d’anodin, c’est même une réussite pour le moment.

Mais ce premier opus ne s’intéresse pas qu’à la monarque en devenir, elle se penche aussi sur son entourage très souvent masculin en ce qui concerne ceux qui dominent, les appuis de Hatchepsout se résumant très souvent à des suivantes et donc des personnages secondaires féminins. Voilà donc qui traduit le contexte d’époque où la domination masculine régnait, d’où les envies de révolte de l’héroïne. Et à beaucoup insister sur ce fait, la mangaka en vient parfois à dépeindre des personnages assez caricaturaux, par exemple Thoutmosis II et sa mégalomanie, ou le personnage ambigu de Senmout qui par son calme voit son côté un peu désinvolte représente la figure de la rébellion face au système monarchique actuel. Pourtant, ces bémols ont un intérêt certain et Thoutmosis ne serait pas si antipathique s’il n’était pas volontairement dépeint avec excès, ce dans le but de l’opposer totalement à Hatchepsout, tandis que Senmout est une figure qui a le temps d’évoluer et donc la relation avec sa Reine s’avèrera aussi primordiale qu’intéressante. En puisqu’on parle de relations, les liens que nouent l’héroïne sont tous diversifiés et donnent une dynamique au récit. Il y a évidemment la relation qu’elle tisse avec Senmout dans la dernière partie du récit, mais aussi son lien très fort avec Tabia, danseuse vouée à devenir l’un de ses plus fidèles appuis, une liaison d’autant plus percutante qu’elle semble à mi-chemin entre l’amour et l’amitié sincère. D’une manière générale, c’est bien entendu la manière qu’a la Reine à s’attirer la confiance de ses prochains qui imprègne le récit en toutes circonstances et encore une fois, c’est un point qui ne pourrait être mise de côté étant donné le devenir de cette figure historique.

Pour revenir sur la portée graphique de ce premier tome, les débuts de Reine d’Egypte proposent un style qui happe sans mal. Chie Inudoh a insisté sur l’esthétique d’époque qui se révèle très complète puisqu’on ressent le plaisir qu’a eu la mangaka à ponctuer chacune de ses planches de divers détails, et le design de ses personnages est aussi des plus agréables. Ces derniers se dotent d’un style un peu arrondi et finalement typique, par un trait détaillé, des grands yeux et des faciès on ne peut plus expressifs, ce qui rend chaque figure très vivante et prouve que la mangaka ne cherche pas seulement à être fidèle à la réalité en toutes circonstances, elle cherche bien évidemment à proposer une lecture accessible qui parlera au plus grand nombre.

Côté édition, Ki-oon a fait un travail remarquable sur ce titre qui sonne comme un des chouchous de l’éditeur. Outre les qualités habituelles des ouvrages de Ki-oon, comme un papier épais et qualitatif, on retient une couverture à l’effet un chouya granuleux qui procure un style à l’ouvrage qui fait correctement écho à l’importance de son sujet, un point souligné par les pages de garde et de fin à l’effigie de symboles de l’Egypte ancienne. La traduction s’en sort aussi sans mal grâce au travail de Fédoua Lamodière qui livre un texte fluide et particulièrement vivant.

En définitive, Reine d’Egypte nous offre une introduction d’excellente facture. Entre le récit historique et la fiction, le manga de Chie Inudoh captive par son héroïne forte, la manière habile qu’a la mangaka de dépeindre son contexte social et son personnage principal, et tout simplement la marge de manœuvre qu’a la série pour traiter tout son univers. Nous voilà donc prêts à suivre la Reine Hatchepsout sur toute son ascension !


Critique 3 : L'avis du chroniqueur
Erkael

17 20
Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs