Pupa Vol.1 - Actualité manga
Pupa Vol.1 - Manga

Pupa Vol.1 : Critiques

Pupa

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 27 Octobre 2016

Un père violent, un petit garçon constamment battu par ce-lui-ci sous les yeux d'une mère silencieuse et d'une petite soeur traumatisée... Telle fut l'enfance d'Utsutsu et de sa jeune frangine Yume. Mais depuis cette époque dont ils ont gardé de très douloureux souvenirs, les choses ont changé : ils ont désormais 17 et 16 ans, sont tous deux au lycée, et sont surtout livrés à eux-mêmes jour après jour en vivant seuls. Si Utsutsu parvient à tenir, c'est uniquement parce qu'il s'est juré de toujours protéger sa petite soeur adorée. Mais le destin peut parfois être extrêmement cruel.
Alors qu'Utsutsu retrouve sur sa route le père qu'il hait tant et qui semble vouloir d'en prendre à Yume, une étrange nuée de papillons rouges apparaît, et la jeune fille, peu de temps après, s'évanouit pour se réveiller entourée de cadavres. Sous le regard de son frère, elle découvre qu'elle est devenue un monstre, capable de se transformer en créature difforme, et constamment avide de viande bien malgré elle. Au-delà de l'horreur et de la peur, Utsutsu reste déterminé à protéger le jeune être en qui il tient le plus au monde... mais la tâche s'annonce aussi difficile que morbide et douloureuse.
Maria, une énigmatique femme défigurée, lui apprend qu'il a lui aussi été touché par ce qui est appelé le virus pupa, mais que pour une raison inconnue cela ne lui a pas donné la possibilité de se transformer en monstre, mais simplement de pouvoir régénérer immédiatement son corps. Qui plus est, l'énigmatique interlocutrice avoue qu'elle a en sa possession un antidote temporaire pouvant ralentir la transformation de Yume, mais que s'il veut protéger sa soeur et l'empêcher de semer la mort il devra accepter l'impensable : lui servir de pâture vivante, lui qui peut régénérer son corps à l'infini...

A l'approche de Halloween, les éditions Komikku nous proposent de découvrir un nouveau manga teinté d'horreur avec pupa, un récit qui a eu son petit succès au Japon. L'oeuvre, qui a révélé la mangaka Sayaka Mogi, a été adaptée en 2014 en série animée qui fut diffusée en France en simulcast par Dybex. Depuis, l'artiste, remarquée par différentes maisons d'édition pour ce premier manga, a pu faire ses armes avec trois autres séries chez trois grands éditeurs nippons différents (Futabasha, Kôdansha et Akita Shoten). Prépublié dans son pays de 2011 à 2014, pupa compte au total 5 volumes, mais pour son édition française Komikku a choisi de nous la proposer sous la forme de 3 jolis pavés ponctués de superbes illustrations en couleur (en début et en fin de tome, mais aussi sur les différentes face de la couverture sous la jaquette) et, pour ce tome 1, de deux chapitres bonus (occupant les 40 dernières pages). Profitons-en donc pour signaler tout de suite l'excellente qualité de cette édition : malgré l'épaisseur du bouquin (plus de 420 pages) le papier de l'imprimeur Aubin s'avère à la fois souple et léger, faisant que le tome se prend très facilement en mains. De plus, l'impression est impeccable, aucun souci de transparence n'est à noter, Ryoko Akiyama livre une traduction très fluide et immersive, et l'adaptation graphique est très satisfaisante (mention spéciale au lettrage des onomatopées, qui respecte bien le travail d'origine).

Avec sa jaquette monstrueuse sur fond noir, ses premières pages aux couleurs riches et nuancées, et son mini flashback de début laissant deviner la violence familiale via des oursons en peluche, on peut dire que Sayaka Mogi parvient d'emblée à poser une ambiance sombre, cruelle et un brin dérangeante. Une atmosphère qui ne fera ensuite qu'aller crescendo dès lors qu'Utsutsu et Yume se retrouvent tous deux touchés par le virus pupa. Car disons-le tout de suite : le récit ne fait pas semblant en terme de gore et de malsain. Mogi offre quelques bains de sang très morbides, et, pour accentuer encore l'aspect dérangeant, n'hésite pas à tirer largement parti du fait qu'Utsutsu, pour protéger sa petite soeur, n'hésite pas à se laisser bouffer par celle-ci avec ce que ça implique de contact charnel étrange se finissant par des giclées de sang très douloureuses. Cet aspect se voit encore accentuée par quelques dialogues forcément bizarres (comme quand Yume avoue qu'elle trouve la chair de son frangin délicieuse).

Ainsi, la relation entre ces deux adolescents suscite forcément un malaise volontaire de la part de l'artiste, en ceci que le grand frère et la petite soeur finissent par avoir une relation bizarre et ambiguë, où leur puissant amour fraternel et leur désir de se protéger l'un l'autre les obligent à se faire souffrir. Au-delà du gore et du malsain, pourtant, on ressent parfaitement à quel point ces deux adolescents comptent énormément l'un pour l'autre, puisque, laissés à l'abandon par leurs parents, ils ont toujours dû ne compter que sur eux-même et se soutenir. L'un se sentirait perdu sans l'autre à ses côtés, et vice versa.

Et pourtant, ce lien fort ne pourra qu'être profondément mis à mal au fil des pages, ne serait-ce que par l'avenir qui attend ces deux enfants maudits (est-il condamné ? Peut-elle être sauvée ?), ou par la place qu'ils peuvent désormais occuper en société. Leur anormalité, leur différence, leur dangerosité pouvant se réveiller à tout moment, peuvent-elles malgré tout leur permettre de continuer à mener une vie normale ? A aller en cours ? A continuer de voir leurs camarades de classe et amis ?
Mais les problèmes ne s'arrêtent évidemment pas à cela, car en filigranes bon nombre d'autres obstacles, dangers et mystères font irruption : le retour d'un père peu rassurant, les desseins opaques de Maria qui semble voir en nos deux héros des cobayes, l'arrivée d'ennemis voulant faire des expériences horribles sur les deux adolescents... sans oublier quelques interrogations inquiétantes autour d'Utsutsu et Yume, qui semblent s'enfoncer de plus en plus dans les ténèbres de leur nouvelle condition... La folie semble souvent les guetter, la rage meurtrière éclate plusieurs fois, et dans ces conditions pourront-ils jusqu'au bout se protéger l'un l'autre et ne pas se laisser tomber ?
S'il fallait toutefois trouver un défaut, il s'agirait sûrement des quelques difficultés que montre la mangaka pour bien mettre en place ses différents enjeux, ses différents camps. Les différents ennemis sont pour l'instant très opaques, on ne sait rien de leurs motivations exactes, on ne comprend pas encore qui pourrait tenir avec qui... pour l'instant tout cela reste un peu en chantier. De même, l'entourage plus amical de nos deux héros (leurs camarades de classe essentiellement) peinent à se démarquer.

Pour le reste, il est intéressant de voir toute la symbolique que Sayaka Mogi met en place autour de la chrysalide. "Pupa" veut d'ailleurs dire "chrysalide" en latin, le mal au début est transmis par ces étranges papillons rouges, la façon dont nos héros deviennent des monstres s'apparente à une éclosion (l'enveloppe humaine étant une chrysalide laissant éclore le papillon/monstre), à un moment Utsutsu s'enferme dans un cocon de pierre... sans oublier l'idée que le héros sorte de son rôle de grand frère modèle pour "accomplir sa mue" et montrer sa véritable nature.

On note également des aspects que ne renierait pas un certain Ranpo Edogawa. Ce goût pour le morbide, le cruel, l'immoral, la perversion, l'anormalité, sans oublier des élans proches de l'ero-guro (les déformations physiques, des passages grotesques comme celui où Utsutsu met ses propres boyaux dans un sac poubelle)... Ce n'est sans doute pas pour rien que certains aspects de l'oeuvre rappellent une oeuvre comme La Chenille, ou que certains textes rappellent Ranpo (une phrase comme "ne te perds pas dans le carrefour des six voies", prononcée à un moment du manga, est même tirée mot pour mot du roman Le Démon de l'île solitaire).

Côté visuels, on note un design des personnages un peu irrégulier, mais expressif et suffisamment varié pour qu'on reconnaisse sans mal chaque tête. Certains lecteurs pourraient être agacés par le physique tout frêle et mignon de Yume (elle est censée avoir 16 ans, elle en paraît 12-13 à tout casser), mais ça peut avoir le mérite d'accentuer le contraste avec sa nature monstrueuse. Pour le reste, on peut dire de Sayaka Mogi qu'elle brille pour ce qui est pourtant son tout premier manga : le découpage est d'une limpidité exemplaire, l'emplacement des bulles de dialogues s'avère savant tant il permet une lecture fluide, les designs monstrueux et moments sanglants sont réussis car ils dégagent sans mal l'ambiance voulue (morbide la plupart du temps, ou dérangeante quand Utsutsu se fait boulotter par sa frêle petite soeur). On note aussi des encrages parfois excellents, accentuant fortement l'atmosphère sombre, ou offrant quelques jolis contrastes avec l'utilisation du blanc. Mine de rien, c'est très riche et maîtrisé.

Bien que l'univers global reste encore assez opaque, pupa s'offre donc une entrée en matière très réussie, grâce à son ambiance particulière et immersive, à ses visuels immersifs et à son découpage limpide. Gore, cruel et dérangeant, le récit de Sayaka Mogi a de quoi captiver sans mal les amateurs du genre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs