Pact Vol.1 - Actualité manga
Pact Vol.1 - Manga

Pact Vol.1 : Critiques

Pact

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 01 Février 2017

Shinnosuke Kuji semble aimer la science-fiction. Ce jeune mangaka, qui a débuté sa carrière en 2012, a commencé avec quelques histoires courtes ancrées dans ce genre, avant d'entamer en 2014 sa première série : Pact, qui a trouvé sa conclusion l'année suivante après 5 volumes. Une nouvelle fois, l'auteur y prend une base proche de la science-fiction : un monde qui certes s'apparente au nôtre y compris pour l'époque (pour s'en convaincre, il y a certains indices, comme le fait que les jeunes soient plus à l'aise avec les technologies numériques que les adultes encore portés sur l'analogique), mais qui a vu le Japon fonder dans la baie de Tokyo sa propre EOD, organisme de déminage, afin de lutter contre des terroristes ayant déjà fait couler l'Amérique.

Ces terroristes, portant des masques en forme de crâne de lapin, menacent tout bonnement le monde. Ils ont placé dans les fonds marins du monde entier de nouveaux types de bombes à azote particulièrement dangereux et à me^me de provoquer des tsunami pouvant engloutir des pays. C'est ainsi qu'un tsunami géant a déjà englouti sous les eaux quasiment tout le territoire américain, nation pourtant censée être la plus puissante du monde, sas que les forces de déminage ne puissent faire quoi que ce soit... Le Japon, lui, a repéré 3 de ces bombes dans ses eaux, et a un compte à rebours de 10 jours pour parvenir à les neutraliser grâce à ses équipes formées dans son EOD. Mais le pays a-t-il la moindre chance de s'en sortir, là où même les USA ont échoué ?
Peut-être bien. Car le pays a une arme secrète. Une fillette, Machiko Machida, gamine de génie considérée comme un prodige. Souffrant de trouble de la personnalité dépendante, cette enfant est toujours accompagnée par Nagito Aranagi, un jeune homme encore en formation, qui a pour charge de veiller sur elle, car il est le seul à pouvoir la rassurer par sa présence, grâce à une promesse qu'ils se sont faite. Accompagnés par le chef et instructrice Misaki Mifune, ils se mettent en route pour les fonds marins, afin de désamorcer la première des trois bombes. Mais une fois sur place, absolument rien ne va se passer comme prévu...

La lutte de gentils contre des terroristes dont ils doivent désamorcer les bombes : sur le papier, le pitch de base de Pact est on ne peut plus basique, mais ne dit-on pas qu'il faut rarement se fier totalement aux résumés ? C'est on ne peut plus vrai ici, et le lecteur est amené à bien le comprendre dès le premier chapitre, percutant et inattendu.
On trouve une phase de présentation basique avec une gamine géniale, mais peu sociable et une promesse. Mais Kuji instaure cela de façon presque stéréotypée, pour mieux déconstruire les attentes habituelles du lecteur juste après, tant les choses prennent une tournure sombre. Le résultat est un premier chapitre qui pose impeccablement l'ambiance. Ambiance parfaitement servie par le travail visuel : dès le départ, l'auteur installe une atmosphère suffocante de par son déroulement sous les eaux, et sans concession avec des morts assez crues présentées de façon directe. Cette atmosphère sombre et un brin malsaine, elle ne quittera ensuite jamais le tome.

A vrai dire, il est difficile de parler de l'histoire sans risquer de spoiler la conclusion importante du premier chapitre, donc allons à l'essentiel.
Une fois le problème de la première bombe passé, une bonne partie du volume s'intéresse aux préparatifs avant de partir désamorcer la deuxième bombe (où, une nouvelle fois, rien du tout ne se passera comme prévu). L'EOD doit former en un temps très limité des jeunes supplémentaires, ce qui permet à Kuji de mettre en place quelques autres personnages sans doute destinés à jouer un rôle important, en tête desquels Kurosaki, Yuzu, le russe Ivan, et le fondateur de l'EOD japonais. La principale petite limite de ce premier tome vient peut-être des trois premiers personnages cités. En effet, Kurosaki est pour l'instant assez transparent. Quant à Yuzu, elle peut horripiler un peu par ses petits côtés clichés de punkette en rébellion contre les adultes (elle a probablement une raison pour être comme ça, donc attendons la suite), mais fait surtout un peu tâche via quelques légères exagérations malvenues dans un cadre qui se veut somme toute très réaliste (sauter de sa chaise dans l'amphi jusque sur le bureau de l'instructeur, ça demande un peu des capacités surhumaines). Ivan est pour l'instant plus ridicule qu'autre chose avec sa dégaine de psychopathe surenchérit. Le fondateur de l'EOD, lui, s'annonce plus intéressant pour plusieurs raisons : son passé, ses motivations, la raison pour laquelle il ne va pas désamorcer les bombes lui-même... on devine en filigranes des choses dramatiques. Et c'est peut-être bien de cet aspect dramatique que vient la plus grande force du tome.

En effet, loin de n'être qu'un manga d'action lambda gentil VS terroristes, le tome 1 de Pact prend le temps de poser ce qui se présente peu à peu comme un véritable drame. Un drame humain. On le cerne bien dès la fin du chapitre 1, et ça ne fait que se confirmer, tant certains personnages sont animés par un destin dramatique. En premier lieu, cela concerne les figures liées à la jeune Machiko. Celle-ci imprègne les pages de par son impact non seulement sur un Nagito qui semble vouloir effacer ses regrets et est prêt à tout même s'il ne semble parfois plus être qu'une coquille vide, mais aussi sur le fondateur de l'EOD dont le lien avec elle est fort également. Liens fort grâce à une promesse omniprésente, celle de "nettoyer le monde". Mais promesse qui a un arrière-goût de malédiction pour ceux qui l'ont faite...
Pour souligner brièvement, mais efficacement l'aspect "drame humain", on appréciera la narration de l'auteur qui joue régulièrement sur de petits flashbacks. C'est par exemple, que l'on découvre les bases sur lesquelles s'est bâtie la relation de Nagito et Machiko, ou que l'on cerne les motivations du capitaine dans l'opération de désamorçage de la deuxième bombe. Ces petits flashbacks arrivent souvent après certains événements durs concernant les personnages en question, l'impact s'en voit alors renforcé.
L'aspect dramatique est encore renforcé par bien d'autres choses. Les méthodes pour la formation des apprentis démineurs sont obligées d'être très dangereuses au vu du temps limité, cela implique notamment l'utilisation d'une drogue pouvant décupler leurs capacités d'apprentissage tout comme rendre leur esprit complètement dépendant et détruit. Les démineurs sauront-ils avoir le sens du sacrifice pour accomplir leur tâche ? En étant formés ainsi, sont-ils considérés comme des marionnettes remplaçables ? Ou, comme peut le laisser penser le comportement sans émotion de Nagito en fin de tome, ne serait-ce pas les jeunes démineurs qui considéreraient les adultes comme des marionnettes qu'on jette quand on n'en a plus besoin ?
Une chose est sûre : les personnages sont tous marqués par des drames. Et visiblement, les terroristes aussi, au vu de leur comportement qui, au-delà d'être mauvais, semble surtout ancré dans un désir de vengeance désespéré.

A tout cela, il faut aussi ajouter quelques mystères entretenant bien l'envie de découvrir la suite, car décidément rien ne semble simple dans ce monde. Qui est le hacker offrant ses services au terroriste ? D'où vient cette figure récurrente du lapin qui parsème les pages (les masques des terroristes, la peluche de Machiko...) ? Comment diable peut exister ce que Nagito et les autres découvrent vers la fin du tome ?

On a déjà évoqué le style sans concession de l'auteur, son atmosphère sombre, dramatique, suffocante et presque désespérée, ou sa narration ponctuée de petits flashbacks accentuant l'aspect de drame humain. On peut aussi parler de son trait assez incisif, de ses personnages souvent froids (certains, comme Nagito, semblent vides, brisés intérieurement), de son gros travail sur les yeux, de ses encrages très noirs quand il le faut pour accentuer un côté poisseux, ou de plusieurs éléments et dialogues qui se font écho au fil des pages.

Au final, Pact, sur son premier tome, est une excellente surprise plutôt inattendue, à l'ambiance pesante particulièrement travaillée, et qui tient plus du drame humain d'anticipation que du récit d'action. La lecture a quelque chose qui captive, qui met mal à l'aise. Ce n'est pas parfait, notamment concernant certains personnages, mais pour le premier tome d'une première série Shinnosuke Kuji impressionne et donne envie de le suivre de très près.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs