Mei Lanfang - Une vie a l'opéra de Pékin Vol.1 - Actualité manga

Mei Lanfang - Une vie a l'opéra de Pékin Vol.1 : Critiques

Mei Lanfang

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 11 Juillet 2017

Mei Lanfang était un chanteur mythique de l'opéra de Pékin, reconnu pour ses interprétations de rôles féminins, au début du XXème siècle. Il débuta sa carrière en 1904, à l'âge de 10 ans et après de nombreuses heures d'entraînements intensifs à toute sorte de disciplines (chant, danse, acrobaties...), il atteignit un niveau de raffinement qui le propulsa au sommet de son art en Chine.


Lin Ying a donc décidé de retracer, au travers de cette série en 5 tomes, la carrière extraordinaire de cet acteur et, par la même occasion, de  nous montrer un aperçu de ce que représentait l'opéra de Pékin à cette époque, univers qui nous est assez inconnu. Ce qui nous frappe d'abord, c'est le caractère impitoyable de ce choix de vie.


Wanhua (le futur Mei Lanfang), orphelin de père et élevé par son oncle, est alors en quête d'un maître pour lui apprendre le métier de chanteur d'opéra. Plusieurs d'entre eux l'ont déjà refoulé, le trouvant incompétent. Alors qu'il se lamente sur son sort devant le portrait du saint patron de sa profession, il rencontre un vieil homme, qui lui donnera ce précieux conseil :


« Mon enfant, étudie et travaille dur lors de ton apprentissage, car il n'y a qu'ainsi... qu'un jour ou l'autre tu pourras donner la plus belle des interprétations. »


Nous faisons ensuite connaissance des amis de Wanhua : Huixin, qui s'est déjà fait une petite place dans ce milieu et Daxi, encore en plein apprentissage et qui se fait battre sous les yeux de Wanhua, par son maître, lors de leur première rencontre. En effet, à cette époque, les châtiments corporels étaient monnaie courante pour « inculquer » le métier aux jeunes apprentis. Quand ils oubliaient leurs textes, ils en subissaient immédiatement les conséquences, comme en témoigne Huixin, nous montrant une cicatrice qu'il a dans le dos, fait avec un tisonnier, par son maître, quand il avait eu le malheur d'avoir un trou de mémoire sur scène.


« Subir la douleur est un passage obligé. Si ton maître ne te frappe pas, c'est qu'il ne veut pas te former. »


Ce genre de remarques nous semble inconcevable aujourd'hui. Ce qui est assez frappant, c'est de voir ces apprentis accepter cette situation pleinement et la légitimer. C'est un cercle vicieux, qu'il est difficile de rompre, car ces élèves, une fois devenus maîtres, répéteront ces méthodes, les jugeant « normales ». Et le pire reste à venir...


Wanhua s'est trouvé un maître qui se contente de lui apprendre son art, sans le punir physiquement. Le jeune élève progresse rapidement et commence à se produire sur scène, notamment au côté de son ami Huixin. Il assiste alors à un étrange manège : pour atteindre une certaine notoriété, les jeunes artistes divertissent les nobles chinois, espérant faciliter et accélérer leur ascension. Certains, comme Huixin, sont même persuadés qu'ils n'ont pas d'autres choix que de passer par cette voie-là, ce à quoi se refuse totalement Wanhua.


« Je ne suis pas prêt à tout pour devenir une vedette... des choses comme vendre son propre corps... »


Huixin et Wanhua se rendent alors compte de leur différence de vision sur leur métier, et leur manière de réussir. Cela rompra-t-il leur belle amitié ?


Les thèmes abordés par cette histoire sont durs et nous questionnent : doit-on tout sacrifier pour son art ? Sommes-nous heureux d'atteindre nos objectifs  dans de pareilles conditions ? Malheureusement, ce genre de question se pose encore aujourd'hui, en serons-nous un jour libéré, rien n'est moins sûr.


Au-delà de ça, Lin Ying nous offre un superbe aperçu de ce qu'était l'opéra de Pékin à cette époque, les cases sont de vraies mines d'informations et fourmillent de détails. La narration est très linéaire, l'auteure se contentant de retracer la vie de l'ordre dans l'ordre chronologique, sans jamais se risquer à rompre une certaine monotonie du récit qui pourrait s'installer. Le dessin, quant à lui, peut paraître assez vieillot et est statique, ce qui n'est pas très étonnant. Lin Ying a débuté sa carrière en tant qu'illustratrice, et on retrouve souvent ce côté statique dans le dessin chez les auteurs de bandes dessinées ayant commencé par de l'illustration. Mais ce qu'elle perd en mouvement, elle le gagne en détail et en fidélité dans les décors et les costumes, tout simplement sublimes. L'encrage manque malgré tout de nuances, les noirs étant trop présents et bouchant certaines pages, qui sont du coup un peu trop sombre.


L'édition de Urban China est très agréable et très claire. Le texte comporte de nombreuses références culturelles, qu'Urban China s'applique à nous expliquer par de petites notes en bas de case ou à la fin du tome, dans des pages dédiées à développer des explications sur  les us et coutumes de l'opéra de Pékin et sur ces figures historiques que sont chacun des personnages. La couverture est souple, mais cartonnée donc solide et facilite la prise en main de l'ouvrage et donc la lecture. Le rendu des couleurs est sublime sur la couverture et le lettrage choisi pour le titre, rappelant un peu les caractères chinois, est très discret et n'empiète quasiment pas sur l'illustration.


En somme, Mei Lanfang, une vie à l'opéra de Pékin, est un petit bijou culturel sur cette Chine du début du XXème siècle, et plus particulièrement l'opéra de Pékin, qui nous pose de nombreuses questions sur l'art et l'apprentissage, mais qui n'est pas exempt de quelques défauts techniques. En espérant que ceux-ci se gomment par la suite.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
kayukichan
15 20
Note de la rédaction