Mari de mon frère (le) Vol.1 - Actualité manga
Mari de mon frère (le) Vol.1 - Manga

Mari de mon frère (le) Vol.1 : Critiques

Otôto no Otto

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 04 Octobre 2016

Critique 2


Il a l’air bien lourd, autant qu’il semblera grand : la poitrine pleine de pectoraux ; la couenne recouverte d’un épais pelage ; une rude barbe certes… mais non moins proprement taillée. Il parle anglais, mais demeure sympathique. Lui c’est Mike Flanagan, l’ourson canadien qui vient de perdre… son époux. Le voilà veuf… Ils vivaient ensemble depuis des années en Amérique du Nord. L’homme de sa vie n’était autre que japonais : il souhaiterait voir de ses yeux les endroits de la jeunesse nippone de son défunt compagnon : pourquoi ne pas rejoindre le Japon et rencontrer le frère jumeau de son conjoint ?

D’abord, l’œuvre s’amuse assez des contrastes. D’un côté, le gargantuesque Mike aux allures de grand-enfant et de l’autre, Yaichi, l’ordinaire japonais campé sur des réserves distanciées. Puis, un autre écart sera celui qui apparaîtra comme presque générationnel : l’Ancien Monde et le nouveau ; le père Yaichi et sa jeune fille Kana. Puisque si ledit Yaichi semble habiter par une certaine peur – la frayeur de ce qui est inconnu –, Kana, elle, sera heureuse de rencontrer celui qui n’est ni plus ni moins que son oncle.

Il est bien évidemment volontaire de la part de l’auteur de dépeindre un jeune père japonais un zeste lambda et peu ouvert d’esprit sur certains aspects sociaux tel que, en l’espèce, l’articulation de l’homosexualité avec cette tout autre notion qu’est la famille, matière difforme. Au cours du récit et au gré des vacations de Mike afin de découvrir les lieux de l’enfance de son défunt conjoint, le frère Yaichi s’interroge : il découvrira un homme dont les sentiments sont semblables aux siens ; un homme éperdu d’amour pour son frère disparu ; un homme qui, à l’exception d’une orientation sexuelle qui lui est particulière, vit sa vie comme tout un chacun sans distinction la moindre.

Ainsi, au fil des pages, le protagoniste de Yaichi s’interroge et évolue et, peut-être, une partie du lectorat avec lui. Et lorsque la jeune Kana apprendra que deux hommes peuvent se marier au Canada, elle trouvera cela bizarre ; bizarre parce que ce n’est pas un droit dans tous les pays du globe. Chez Gengoroh Tagame la thématique homosexuelle est plus que récurrente, aussi cela se ressentit ici : bien des préjugés sont déconstruits avec sobriété et simplicité, à l’instar de questions mûrement réfléchies et dont il aura été fait une assez juste synthèse ; et c’est là une qualité du présent tome.

Un découpage des planches classique. Une mise en scène et des angles de vues simples, mais plutôt efficaces. Un trait édulcoré et ordinaire – aucune estampe n’accrochera l’œil par une transcendance particulière du dessin –, mais qui se voudra maîtrisé, pour une prestation d’ensemble propre, laquelle offrira une lecture agréable. La qualité générale de ladite prestation sera portée par une édition toute en sobriété – hélas, imprimé à l’étranger – quatre pages couleur ; le colorie de la couverture avec ses pointes de rose est adorable ; le papier est correct ; un lettrage un peu étrange par moments.

« Le mari de mon frère » se veut intéressant par sa réflexion toute en hauteur  et en simplicité d’une thématique que trop souvent, et malheureusement, la source de débats sans queue ni tête.  Sur analyse comparative d’autres seinens sociaux – dits aussi gekigas – ce tome paraîtra très agréable dans sa facture, en dépit, d’une part, d’un manque de justesse dans la façon d’instaurer certaines situations et, d’autre part, d’une carence dans la conception de personnages davantage atypiques. Un pavé-gays à la guimauve-réfléchie dans ce monde-goujat… ça requinque un brin : à goûter.


Critique 1


Yaichi est un japonais qui vit seul avec la fille qu’il élève. Un jour, il reçoit un Canadien du nom de Mike Flanagan, un homme qui n’est autre que le mari de son défunt frère, Ryôji, décédé il y a peu. La coutume veut que Yaichi se montre chaleureux envers ce beau-frère qu’il rencontre à peine, mais une gêne se crée rapidement en lui et pour cause, Yaichi ne sait rien de l’homosexualité et n’a jamais été amené à côtoyer des individus gays. Les questions fusent rapidement chez l’homme : après tout, et si son comportement venait avant tout de sa propre ignorance ?

On pourrait presque dire qu’Akata est un éditeur engagé puisque derrière nombre des titres que l’éditeur propose, y compris un nekketsu comme Prisonnier Riku, se trouvent des thématiques sociales et pour la plupart actuelles. On pense notamment à Colère Nucléaire qui dresse un tableau riche sur la situation du Japon par rapport aux centrales nucléaires et à celle de Fukushima, ou encore le très récent Le Bateau Usine qui aborde des thématiques politiques rares dans le manga. Le Mari de mon Frère, série en cours au Japon, explore-lui le sujet de l’homosexualité en posant de nombreuses pistes de réflexion. Gengoroh Tagame, l’auteur de l’œuvre, n’est pas sans lien avec ce thème puisque l’auteur est spécialisé dans le Bara, un type de manga érotiques mettant en scène des relations homosexuelles entre hommes matures, souvent assez virils. Mais cette fois, l’auteur propose une démarche presque éducative et avec ce premier opus, Le Mari de mon Frère remet en sorte les pendules à l’heure, en questionnant plutôt qu’en imposant ses vérités.

A travers ce premier opus, Le Mari de mon Frère propose une tranche de vie pas comme les autres pour le personnage de Yaichi, « contraint » d’héberger Mike, le mari de son frère qui vient de décéder. Mike est donc homosexuel, mais il est aussi canadien donc étranger. Pour le protagoniste, c’est un véritable chamboulement tant il ne sait pas quelle conduite adopter, tandis que sa fille Kana a tendance à prendre son tonton pour une véritable attraction tant elle n’est pas habituée à ce genre de compagnie… et son père non plus. Pour être parlant, Le Mari de mon Frère gratte volontairement un personnage principal homophobe malgré lui dans le sens où il adopte d’entrée de jeu des réactions de rejet envers Mike, pourtant sans même les comprendre. C’est pourtant à partir de là et de ce qu’il découvrira sur son beau-frère qu’il se questionnera, et ce finalement très rapidement. Plus qu’ouvrir un débat, le manga de Gengoroh Tagame nous questionne simplement sur des réactions qu’on a pu avoir ou que nous avons vues autour de nous. Le point de vue est toutefois celui d’un japonais, donc assez extrême sachant que si en France le mariage entre personnes de même sexe est désormais légal, ce n’est pas le cas au Japon où l’homosexualité est sans doute moins bien vue, et probablement moins comprise. Comprendre cette différence, telle est la volonté de l’auteur qui réussit parfaitement : le ton se veut doux en permanence, jamais moralisateur, et le récit est porté par des personnages auxquels on s’attache et ceux malgré les réactions qu’ils peuvent avoir sur ce premier opus. Car Le Mari de mon Frère ne fait pas dans le stéréotype et c’est ce qui lui permet d’honorer ce qu’il entreprend le mieux possible : Yaichi n’est pas juste un homophobe qu’on est tenté de méprisé, mais simplement un japonais qui ne s’est jamais penché sur la question de l’homosexualité dans son pays et qui fuyait le sujet plutôt qu’y faire face, tandis que Mike lui aussi montre ses faiblesses en se montrant ouvert, notamment dans sa gestuelle, dans un pays moins tolérant et où les gestes revêtent leur importance.

Le Mari de mon Frère n’est pourtant pas juste un manga sur le thème de l’homosexualité, loin de là. Sur sa seconde partie, ce premier tome prend la famille comme sujet sérieux, démontrant avant tout l’éloignement entre membres d’une même fratrie à cause de différences. Le discours est ici des plus humain, car à travers l’histoire de Yaichi et de son défunt frère, c’est l’importance des liens qui est démontrée et auprès de ceux qu’on chérit, l’orientation sexuelle n’a pas d’importance.

Et si le tout fonctionne aussi bien, c’est pour ses personnages qu’on apprend à rapidement aimer. Yaichi séduit ainsi par sa capacité à se questionner et à se montrer ouvert de manière crédible et rationnelle après avoir fait preuve de bon sens, tandis que Mike nous émeut par sa simple condition d’époux veuf, heureux de découvrir les origines de son défunt mari. On ne s’intéresse donc pas forcément à Mike parce qu’il est gay, mais parce qu’il est humain, un humain qui trouve un peu de bonheur dans le malheur qui le frappe, raison pour laquelle il est attachant et fait office de personnage fort de ce manga. C’est là l’un des plus beaux messages d’égalité du titre : Mike n’est pas attachant parce qu’il est homosexuel, mais parce qu’il est humainement sensible et sait rapidement s’attirer notre sympathie.

Sur le plan graphique, Le Mari de mon Frère est un titre qui séduit par les environnements qu’il dépeint et sa mise en scène laissant une forte place à la mélancolie. Le trait de Gengoroh Tagame est d’une grande finesse et se montre très précis dans chaque plan décortiqué. Reste alors le design des personnages, étonnant puisque l’auteur démontre son style en présentant des hommes épais et musclés comme on en voit peu dans les œuvres orientées tranche de vie, mais c’est aussi ce qui fait le cachet du manga.

L’édition d’Akata est d’excellente facture. La traduction de Bruno Pham et les parlers des différents protagonistes servent très bien l’ambiance du manga et les psychologies de chaque personnage, le tout servi par un format de qualité, une impression réussie sur un papier épais et séduisant.

Le Mari de mon Frère n’est donc pas un manga comme les autres. Avec son récit, Gengoroh Tagame cherche à questionner, et il le fait d’une manière crédible, à travers des personnages attachants et surtout un ton aussi doux que mélancolique, portant la dimension humaine de l’œuvre à son summum. Difficile alors d’attendre le second volume qui paraîtra le 10 novembre.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs