Maître des livres (le) Vol.1 - Actualité manga
Maître des livres (le) Vol.1 - Manga

Maître des livres (le) Vol.1 : Critiques

Toshokan no Aruji

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 11 Septembre 2014

Critique 1


« La rose trémière » est une bibliothèque pour enfants gérée par Mikoshiba, Itaya et Mizuho. Si les deux éléments féminins accusent un léger manque de connaissance de la littérature jeunesse, elles ont au moins le mérite d'être souriantes et polies, tout le contraire de Mikoshiba, très calé dans son domaine, mais pas avenant pour deux ronds. À « La rose trémière », on a donc plutôt intérêt à lire en silence et à rendre les ouvrages dans les délais, au risque de se faire sévèrement réprimander par le maître, des lieux comme des livres.


Pourtant, malgré son côté bourru, Mikoshiba a un grand cœur, en plus d'être particulièrement compétent et passionné. On suit donc les « péripéties » de cette petite bande, à laquelle viennent très vite se greffer quelques clients fidèles, que Mikoshiba fidélise grâce à ses conseils avisés. En effet, ce dernier n'a pas son pareil quand il s'agit de faire comprendre l'utilité que peut avoir un livre a priori destiné aux enfants pour se tirer d'une mauvaise passe. Un livre pour enfant étant un livre pour tous, quiconque peut en lire et en apprécier, et bien souvent en tirer des enseignements, même une fois adultes.


Le manga prend la forme d'une succession de récits épisodiques (un ou deux chapitres) faisant l'apologie du livre en tant que passage vers une infinité de mondes passionnants, de la lecture en tant qu'activité à la fois relaxante, enrichissante et salvatrice. C'est l'occasion pour le lecteur de découvrir des œuvres et des auteurs existants, parfois déjà cultes comme L'île au trésor de Stevenson, ou Le prince heureux d'Oscar Wilde, parfois méconnus pour le lectorat français, comme les livres de Nankichi Niimi. Le lieu qu'est la bibliothèque est également mis en avant tout au long du manga, comme lieu de vie et de découverte, ou le calme que tente d'instaurer Mikoshiba est bien souvent troublé par les conversations et les éclats de rire des usagers. Car de rire, il en est également beaucoup question dans Le maître des livres, qui sème avec subtilité des gags qui tombent toujours juste.


On suit cette brochette de personnages qui, s'ils ne sont pas tous exploités à la perfection, sont tous attachants et prometteurs; et c'est un plaisir de les voir évoluer au fil de tranches de vie très rafraîchissantes.


Le seul reproche que l'on puisse faire à ce stade est à mon sens un certain manque de vraisemblance. Le manga met en avant la bibliothèque, et semble vouloir inciter le lecteur à s'y rendre. Seulement, si les personnages bourrus au grand cœur finissent toujours par obtenir justice aux yeux du lectorat lorsqu'ils sont dans un manga (qui finit forcément par les valoriser, en signifiant que malgré les apparences, ce sont des types bien), c'est loin d'être le cas dans la réalité. Un bibliothécaire agressif sera simplement considéré comme un mauvais bibliothécaire, personne ne cherchera à creuser pour découvrir sa personnalité cachée. Nous sommes dans un manga, donc a priori pas de problème, mais attention à ne pas faire l'apologie de personnages au comportement agressif.


Graphiquement, le trait est simple, mais expressif, on regrette seulement une narration pas toujours claire.


Le maître des livres commence bien. Malgré quelques défauts mineurs, le manga est distrayant, optimiste, et il met le livre et son milieu en avant avec passion. Espérons seulement que la suite saura se renouveler, au risque de devenir lassante.


Critique 2


Un soir, en sortant d'une soirée arrosée, le dénommé Miyamoto, endetté et mal en point côté travail, pense aller décuver seul dans la nuit, mais se retrouve face à une bibliothèque, la Rose Trémière, encore éclairée alors qu'il est déjà tard. Intrigué, il décide d'y pénétrer, alors qu'il s'agit d'une bibliothèque pour enfants et qu'il n'a pas lu un livre depuis bien longtemps. Mais à peine est-il entré qu'il se fait quasiment agresser par le bibliothécaire, d'un naturel assez franc et qui ne mâche pas ses mots en lui reprochant de puer l'alcool ! La première impression de Miyamoto est hautement désagréable. Pourquoi, au juste, est-il entré ici, alors qu'il se fiche royalement des livres et a bien d'autres soucis ? Le jeune homme pense qu'il ferait mieux de partir... Il a tort. Quand le bibliothécaire lui met sous le nez un livre, un récit pour enfants japonais, la lecture de l'ouvrage lui rappelle des souvenirs, mais aussi ce qu'il s'était promis de devenir dans la vie : un adulte respectable et responsable. Cette lecture lui fait ouvrir les yeux, et provoque en lui la naissance d'un goût prononcé pour les livres, à tel point qu'il ne peut que remercier le bibliothécaire. Ce bibliothécaire, il se nomme Mikoshiba, et Miyamoto est loin d'être la seule personne dont il changera la vie par la force de la lecture.


Soucieuses de nous proposer des séries très différentes les unes des autres et souvent assez uniques, les éditions Komikku nous amènent cette fois-ci un manga qui ne ressemble clairement à aucun autre. Toute première série d'Umiharu Shinohara, en cours depuis 2011 au Japon, Le Maître des Livres prend le parti d'offrir de courts récits voyant le dénommé Mikoshiba conseiller des livres à ses clients afin de réveiller ce qu'ils ont en eux ou de leur faire prendre conscience de leurs erreurs, tout en mettant en valeur la beauté des différentes histoires, toutes issues de la littérature jeunesse au sens large du terme.


De base, le concept pourrait menacer de rapidement devenir redondant. Pourtant, à la lecture, ce préjugé s'estompe très vite : les petites histoires, qui s'étalent généralement sur un seul ou deux chapitres, sont dans le fond très classiques et se basent quasiment toujours sur le même schéma, mais l'auteur sait constamment enrichir son background, par petites doses, en mettant en place toute une palette de personnages récurrents qui se dévoilent petit à petit, au fil des différents récits. Il y a donc un réel fil rouge, que l'on prend plaisir à voir se peaufiner.


Ainsi, Miyamoto, premier personnage auquel Mikoshiba communique le goût pour les livres, devient ensuite un protagoniste récurrent. D'homme perdu dans la vie et n'ayant aucun goût pour les livres, il devient au fil des chapitres un élément essentiel, squattant souvent la bibliothèque, puis devenant même l'un des principaux membres l'animant. Il se redécouvre une passion, qu'à son tour il n'hésite pas à faire passer, notamment en se liant à Léo, un jeune gamin à la mère trop possessive.


Miyamoto est loin d'être le seul dans ce cas, et, à vrai dire, les différentes personnes que Mikoshiba conseille semblent destinées à revenir régulièrement pour se révéler toujours plus. Ici, la mère possessive et ultra-protectrice du petit Léo apprendra à changer de comportement en découvrant le récit de Nil Holgersson. Là, un gosse turbulent et irrespectueux se découvre un intérêt pour les livres après avoir lu le récit d'aventures de L'île au trésor. Et tous, par la suite, reviennent : on découvre une maman assagie, on retrouve un gamin plus respectueux et soucieux... Leur développement reste classique, mais les retrouver de manière récurrente est un plaisir.


Les personnages travaillant dans la bibliothèque ne sont pas en reste, à commencer par Mikoshiba, notre personnage principal, qui vaut la lecture à lui tout seul. Avec ses binocles, sa coiffure en champignon et sa mine austère, il n'attire pas forcément la sympathie, d'autant qu'il possède un caractère bien trempé qui aboutit souvent sur des réparties très cinglantes tout bonnement délicieuses et sur un franc-parler qui peut autant mettre mal à l'aise que faire prendre conscience de certaines choses aux autres. Pourtant, sous ses abords peu engageants, le jeune homme montre envers ses clients un altruisme bien caché, qui s'exprime à travers des conseils de lecture presque toujours pertinents. Passionné par son travail, véritable amoureux des livres, il évite les aspects "m'as-tu-vu" que l'on retrouve souvent dans les héros de ce genre de série, et finit également par se dévoiler petit à petit, au fil de passages revenant sur son enfance, sur la naissance de sa passion pour les livres, sur la rencontre avec un vieux bibliothécaire qui est à l'origine de son envie de devenir lui-même bibliothécaire, ou sur la naissance de la bibliothèque de la Rose Trémière.


Les deux autres libraires, deux jeunes femmes assez différentes, sont pour l'instant moins mises en avant, mais dégagent déjà un certain potentiel lors des passages où elles sont réellement actives. Une chose est sûre : elles entretiennent elles aussi l'ambiance de la série, entre découvertes des classiques de la littérature jeunesse, humour et passion communicative pour les livres.


Cette passion se ressent à quasiment chaque page, et prend des formes différentes et toutes subtiles. Les classiques de la littérature jeunesse sont variés, allant de L'île au trésor à Nil Holgersson en passant par la nouvelle d'Oscar Wilde Le Prince Heureux ou par des oeuvres nippones méconnues chez nous. Récits d'aventures, livres initiatiques, contes... tous les genres y passent, et sont autant de témoins de la diversité et de l'imaginaire sans limites que peuvent avoir les livres jeunesse. De ce fait, ceux-ci ne se limitent pas un une cible jeune, et c'est également l'un des nombreux messages de la série : ils ont beau être catalogués "jeunesse", ces ouvrages peuvent s'adresser à tous les publics, car tous peuvent y trouver quelque chose à même de les toucher.


De façon générale, Umiharu Shinohara, loin de se limiter à la simple découverte ou redécouverte de grandes oeuvres classiques, développe toute une conception de ce que peut être le monde des livres, infiniment riche. La manière différente dont chacun peut percevoir une même histoire, l'universalité de la lecture, le charme des bonnes vieilles bibliothèques au plancher craquant, à la légère odeur de moisissure et où des liens étroits peuvent se créer, mais aussi la passion de bibliothécaires livrant jour après jour leurs conseils.


Tout ceci est bien servi par des dessins classiques, mais efficaces, expressifs et bien mis en avant par une narration assez posée, tantôt drôle et légère tantôt plus introspective.


Sur son premier volume, Le Maître des Livres séduit beaucoup de par ses richesses insoupçonnées. L'oeuvre est autant une invitation à découvrir ou redécouvrir des classiques de la littérature jeunesse, qu'une incursion dans le monde des livres, et qu'une tranche de vie portée par des personnages plutôt hauts en couleur, dont on prend plaisir à découvrir peu à peu les différentes facettes. Le tout nous rappelle à quel point les livres peuvent changer nos vies, et nous offre une belle ode à celles et ceux qui en transmettent le goût avec passion.


L'édition de Komikku est impeccable. La couverture aux effets vernis attire l'oeil tout en restant classieuse, le papier et l'impression sont très bons, la traduction est fluide et vivante, et les notes de lecture en fin de tome, classées alphabétiquement, apportent efficacement quelques précisions sur des termes littéraires, des livres et des auteurs... tout en nous invitant à approfondir le sujet par nous-mêmes.




Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Luciole21
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs