Ile du temps (l') : Critiques

Jikantô - じかんとう

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 24 Novembre 2016

A environ deux kilomètres des côtes du port de pêche de Shima de la préfecture de Mie se trouve l'île de Yagô, une île toute petite (750m d'est en ouest, 430m du nord au sud), mais dotée d'une légende bien curieuse écrite dans le livre "Récit de l'île de Yagô" : au fin fond de la mine de l'île existerait le "lac de l'oubli", une étendue d'eau souterraine faisant disparaître pendant 5 ans quiconque y tombe, la malheureuse personne n'ayant aucunement conscience que tant d'années se sont écoulées depuis sa chute.
Encore habitée il y a une vingtaine d'années, l'île a aujourd'hui été fermée et ne compte plus un seul habitant. C'est ce lieu qu'une équipe de tournage d'une émission télévisée a choisi de poser ses caméras, le producteur ayant été séduit par les immeubles désaffectés. Entre le producteur, le scénariste, le caméraman, la jeune actrice montante et sa manager, l'ingénieur du son, l'acteur principal... le tournage n'aurait du poser aucun problème et se boucler assez vit. Mais un étrange événement va avoir lieu concernant Jun, étudiant et assistant de production sur le tournage : après avoir fait tomber son téléphone pro dans le lac, il a la surprise quelques heures plus tard de recevoir sur son portable personnel un appel émis par l'objet qu'il a perdu. En guise d'interlocuteur, il découvre une mystérieuse personne, enroulée de bandelettes telle une momie, qui lui fait une terrible prédiction : cette personne affirme exister 5 ans dans le futur et être l'unique rescapée du tournage, ce dernier étant voué à voir tous ses membres mourir... à cause d'un séisme sur le point de frapper ou à cause d'autre chose ? S'il veut empêcher ce funeste malheur, Jun va devoir agir et tenter de changer e futur qui les attend. Mais la tâche ne s'annonce clairement pas aisée quand les morts commencent déjà à tomber...

Après le thriller horrifique Kiriko en septembre, le nouveau one-shot des éditions Komikku est présenté comme un thriller temporel. Prépublié au Japon en 2013-2014 sous le titre Jikantô, L'île du Temps nous permet de découvrir pour la première fois en France le scénariste Takashi Sugimoto, tandis qu'au dessin nous retrouvons Naotsugu Matsueda que nous connaissons déjà pour son adaptation manga de Persona parue chez Akata/Delcourt en 2003. L'oeuvre marque également la première collaboration de Komikku avec Alpha Polis, une maison d'édition nippone qui reste à ce jour plutôt discrète en France puisque nous l'avons découverte un peu plus tôt dans l'année via les séries Gate et Re:Monster en cours de parution chez Ototo Manga.

D'abord, notons que par le terme de thriller temporel, il ne faut pas s'attendre ici à un récit "à la Erased" où le héros fait des sauts temporels entre passé et présent, pour modifier son passé afin de changer son présent. Ici, le personnage principal, Jun, reste constamment dans son époque, et l'aspect temporel vient essentiellement des prédictions faites par la "momie" qui a vécu 5 ans auparavant le drame que l'équipe de tournage est sur le point de connaître. Le déroulement est donc beaucoup plus linéaire que ce à quoi on pouvait s'attendre, puisque le temps de Jun et de l'équipe s'écoule tout à fait normalement.

Plus qu'un thriller temporel, on aurait plutôt tendance à qualifier L'île du temps de survival, puisque les personnages vont devoir chercher à survivre sur une petite île déserte, mais que les morts risquent bien de tomber les unes après les autres sous l'égide d'un coupable qu'il va falloir démasquer. Dès lors, on arrive en réalité sur quelque chose de plus classique, et où il ne faudra pas forcément s'attendre à beaucoup de réelles surprises pour quiconque est un peu habitué à ce genre de récit. Mais le classicisme n'empêche pas forcément un divertissement d'être efficace, et le récit de Sugimoto et Matsueda en est un bon exemple !
Au fil des pages, les auteurs parviennent assez bien à entretenir l'aura de mystère via les différentes interrogations qui viennent bousculer Jun en même temps que le lecteur. Si la "momie" a vraiment survécu aux événements il y a 5 ans, pourquoi ne lui dit-elle pas simplement toute la vérité sur les morts ? Qui est ce fameux survivant ? La légende du lac souterrain est-elle vraie ? Y a-t-il une malédiction comme le pensent certains personnages ? Les morts peuvent-elles vraiment être évitées ? Qui est le coupable ? L'équipe de tournage est-elle vraiment seule sur cette île ? Les éléments de réponse arrivent petit à petit, et les auteurs ont le mérite de ne rien oublier de l'essentiel et de parvenir à offrir un tout cohérent en expliquant ce qui doit l'être.
A cela viennent s'ajouter les petits éléments étranges accentuant la crainte des personnages (comme les informations sur les étranges moeurs qu'avaient les habitants, le message menaçant sur porte, les repas et boisson dérobés...), ainsi que certains comportements instaurant forcément un climat de suspicion et d'angoisse entre les membres de l'équipe. Dans tout ça, on regrette simplement que certains des 9 personnages soient largement plus en retrait que d'autres, ce qui nuit un peu à ce que l'on est censé cerner d'eux dans une conclusion plutôt maligne et justifiant bien l'utilité des prédictions dans le temps.

Visuellement, Matsueda livre une copie très propre, peut-être un peu trop puisque l'on y ressent pas d'atmosphère particulièrement malsaine ou inquiétante. Mais son trait plutôt moderne, porté par des personnages expressifs, quelques scènes-choc, quelques jeux d'ombre ou des aplats très plaisants, assure sans mal l'essentiel.

De facture plus classique que ce à quoi on pouvait s'attendre quand on nous parle de thriller temporel, L'île du temps n'en reste pas moins un petit divertissement efficace et sans grosse prétention, qui fait le job tout au long de ses 230 pages et offre un récit complet qui se suffit très bien à lui-même.

Malgré son épaisseur, le livre se prend très facilement en mains grâce à son papier à la fois souple et suffisamment épais pour permettre une bonne qualité d'impression où l'encre ne bave aucunement. Comme toujours, Komikku a donc soigné l'objet malgré 2-3 grosses coquilles dans les textes. Thibaud Desbief, comme à son habitude, livre une traduction soignée, claire et suffisamment immersive.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs