Gout du Kimchi (le) - Actualité manga
Gout du Kimchi (le) - Manga

Gout du Kimchi (le) : Critiques

Madangs siui sigtag

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 06 Janvier 2017

Fin 2013, l'auteur coréen Hong Yeon-Sik nous séduisait aux (feu) éditions Ego comme X avec Histoire d'un couple, récit en grande partie autobiographique où il exposait sa vie de jeunes mariés avec son épouse au fin fond de la campagne coréenne, entre beautés alentours et rudesse de la vie. En ce début d'année 2017, l'artiste revient en France, cette fois-ci aux éditions Sarbacane, avec Le Goût du Kimchi. De son nom original Mr. Madang's Table, ce joli pavé de 360 pages peut se lire sans problème sans connaître Histoire d'un couple, mais s'appréciera sans doute plus après avoir lu le précédent livre de Hong, car il s'agit d'une sorte de suite, démarrant en 2009 quand l'auteur et son épouse décidèrent de quitter la campagne profonde coréenne.

L'une des raisons de ce nouveau départ : le couple vient tout juste de mettre au monde un petit garçon, qu'il leur faudra élever au mieux. Cherchant une maison de campagne plus proche de la ville, ils finissent par trouver leur bonheur assez loin du vacarme et des loyers exagérés de la capitale. Mais le début de la vie de parent de Madang s'accompagne d'une autre réalité : ses propres parents, qui ont toujours vécu de façon assez miséreuse dans un quartier pauvre de Séoul, vieillissent de plus en plus, et en tant que fils aîné il est de son devoir de veiller sur eux et de prendre en charge les soins nécessaires.

Les 360 pages composant l'ouvrage se construisent autour de trois générations : un enfant qui vient de naître, deux nouveaux parents découvrant avec enthousiasme leur nouveau rôle, et les grands-parents vieillissants, auxquels il faut ajouter quelques autres figures familiales comme le petit frère de Madang. Au fil des pages, Hong nous invite simplement à découvrir ce que lui et ses proches ont vécu durant une période bien précise, et très vite deux générations voire deux mondes semblent d'abord s'opposer.
D'un côté, le monde optimiste et lumineux des deux nouveaux parents et de leur bébé symbole de Vie et d'avenir. Evidemment, tout n'y est pas facile, et entre l'éducation du fils, le travail de nuit, la cuisine, le jardinage, la prise de poids et le changement de régime alimentaire, de nombreuses étapes naturellement humaines parsèment le quotidien de Madang.
De l'autre côté, il y a le monde empreint de misère des parents vieillissants de Madang. Une vieillesse qu'il ne peut que suivre un peu impuissant, en se contentant d'être le plus présent possible pour apporter les soins nécessaires. Une situation qui le pousse forcément à se remémorer de nombreux souvenirs de son enfance, entre un père dur qui a fait souffrir sa famille et qui depuis est tombé dans l'alcoolisme, et une mère qui a toujours été douce et aimante.

Il en résulte un récit pris entre deux ambiances qui finissent par se mêler au fil de choses racontées par Madang (donc par l'auteur) lui-même. Celui-ci fait part de ses nombreux états d'âme, de ses souvenirs, de ses regrets, de ses problèmes. Il y a les ennuis financiers liés à la situation professionnelle précaire de Madang : son travail de dessinateur de BD permet tout juste à son couple de subvenir à ses besoins, et les soins qu'il se doit d'apporter à ses parents deviennent un problème économique. Il y a aussi en lui la naissance d'une peur de finir un jour en mauvaise santé dans un lit d'hôpital comme sa mère, ou encore les souvenirs où s'accumule la mélancolie de l'époque où lui et son frère, encore enfants, mangeaient les bons plats d'une mère alors dans la force de l'âge et pleine de vie. Si bien que l'on ressent souvent très bien tout ce qui peut animer Madang intérieurement, tant c'est tout à fait humain et tout le monde passe par là.

Mais au-delà de l'affrontement entre générations et des soucis, Le Goût du Kimchi dresse pourtant une forme positive, car au-delà de la dureté les scènes de joie (passées ou présentes) sont nombreuses, et ce que Hong met avant tout en avant est le rapprochement des trois générations, avec par exemple le bébé qui saura mettre du baume au coeur de sa grand-mère. Les liens générationnels sont toutefois surtout véhiculés à travers un thème omniprésent : la cuisine. Celle des souvenirs, que la mère de Madang lui faisait quand il était petit. Et celle du présent, une cuisine qu'à son tour Madang pourra chercher à perpétuer comme un héritage de sa mère. La cuisine est ici en quelque sorte le liant permettant de réunir les générations et d'adoucir un quotidien parfois dur.

Pour ce nouvel ouvrage, Hong Yeon-Sik a fait le choix intéressant de représenter ses proches ainsi que lui-même avec des visages se rapprochant de chats. Des bouilles arrondies et plutôt simples qui permettent notamment d'adoucir un propos parfois très douloureux (sans doute plus douloureux encore pour l'auteur lui-même). De son précédent livre Histoire d'un couple, l'auteur a gardé un petit goût pour la nature calme contrastant avec la ville, et pour quelques métaphores visuelles très impactantes lors des moments les plus rudes.

Au final, Le Goût du Kimchi est une très belle tranche de vie autobiographique, véhiculant beaucoup de choses et servie dans une jolie édition : couverture cartonnée, reliure de haute qualité, grand format papier bien épais... La traduction est elle aussi excellente, notamment pour ses différences de parler selon les générations.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction