Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 03 Mai 2017
En plus d’être un conte classique, La Belle et la Belle est un des films incontournables de Walt Disney, initialement sorti en 1991, qui a connu différentes suites au sein des studios. La politique de Disney pour réadapter ses classiques en films en prises de vues réelles a ciblé cette œuvre incontournable en ce début 2017, une nouvelle adaptation qui profitait notamment de la présence d’Emma Watson, alias miss Hermione Granger, au casting. Afin d’accompagner le film, l’éditeur américain Tokyopop a lancé un projet d’adaptation du nouveau film en deux volumes distincts, le premier racontant l’histoire sous le regard de Belle et le second par les yeux de la Bête. Dessiné par le collectif Studio Dice, le manga est scénarisé par Mallory Reaves, écrivaine américaine qui a aussi signé l’adaptation de plusieurs mangas sur le continent américain.
Dans une campagne aux alentours de Paris, Belle se fait souvent remarquer. Au sein de ce petit village, il n’est pas fréquent de voir une jeune femme cultivée et sachant lire. Passionnée par la littérature, Belle s’évade en permanence, et cette passion n’est pas du goût de tous, même si le costaud Gaston a jeté son dévolu sur la jeune femme.
Un jour, le père de Belle part faire ses emplettes, mais ne revient pas. Sa fille retrouve sa trace dans un château inconnu, dirigé par une créature terrifiante qui répond au nom de « la Bête ». En prenant la place de son père en tant que prisonnière, Belle va apprendre à connaître cet individu au caractère fort, mais qui cache en lui une certaine douceur. C’est aussi un lieu enchanté par des domestiques changés en objets que la jeune femme va apprendre à connaître… mais quel est le secret de ce château ?
Le nouveau film des studios Disney ne varie que peu avec le dessin animé de 1991, il développe surtout la contextualisation du récit, une différence marquée dans cette adaptation manga. Pour ceux qui connaissent le film d’animation phare de Disney, ce premier volume propose une part de redécouverte par quelques petits éléments nouveaux, permettant au lecteur de ne pas voir une simple transposition du film original sur papier. Pour le reste, peu de surprises puisque tous les éléments du film de 1991 sont présents : les personnages répondent à l’appel, les moments forts de l’histoire sont là, le schéma du film reste très similaire et la différence majeure viendra du changement des designs des différents personnages ensorcelés. Evidemment, pas de chansons non plus, un choix légitime puisque présenter les protagonistes en train de pousser la chansonnette aurait paru bancal dans une bande dessinée, sans compter que le volume n’a pas forcément le temps de laisser place aux éléments mineurs…
Car c’est bien la grosse faiblesse de ce tome, qui va venir gâcher la fluidité de la lecture : le rythme. Le premier chapitre, d’excellente facture, prend son temps pour contextualisation le récit, l’époque par les codes sociétaux démontrés, et les personnages. Puis le récit se doit d’aller à l’essentiel et ne prend jamais le temps de se poser, il enchaîne les séquences du film pour ne rien oublier quitte à ce que des scènes importantes soient succinctes. On pense à la scène de la bataille de boules de neige, élément important du film de 1991 qui marque les premières complicités entre les deux protagonistes, qui n’a droit ici qu’à quelques cases muettes. En soi, pourquoi pas puisque chacun connait très bien le dessin animé, mais ça devient plus gênant quand même les moments inédits du film de 2017 sont expédiés à tel point qu’il est difficilement de comprendre le déroulement de l'histoire, et c’est encore plus dommage quand ça concerne des séquences sensées être fortes en émotion, car apportant des développements sur la mère de l’héroïne.
Cette absence d’émotions va ainsi caractériser l’ensemble de l’ouvrage, victime de son rythme à tel point que la mise en scène est souvent à l’image de l’intrigue : expédiée. Le climax de l’histoire est un véritable ratage, plat et dénué de toute intensité, à l’inverse de l’histoire réinterprétée par les studios Disney.
Graphiquement, le titre se défend pourtant bien. Les personnages sont fidèles à leurs apparences dans le film de 2017, le trait est assez expressif et quelques décors retranscrivent le côté enchanteur de l’histoire. Reste alors la narration confuse et la mise en scène plate.
Côté édition, Nobi Nobi a fourni un travail très correct. La traduction de Julia Brun est de bonne facture, et on apprécie la présence de nombreuses pages bonus qui présentent les croquis préparatifs de la série.
Si l’idée de remettre aux goûts du jour l’histoire de La Belle et la Bête par Walt Disney dans un film en prises de vues réelles, son adaptation manga se montre faiblarde avec ce premier tome qui enchaine de manière confuse ses séquences, reniant toute l’émotion de l’intrigue et gâchant même les ajouts pourtant sympathiques par rapport au film de 1991. On notera que la bonne idée de cette adaptation était de présenter l’histoire par le regard de Belle sur un tome, et sous les yeux de la Bête dans le second. Evidemment, on en attend beaucoup plus du second one-shot.