Arsène Lupin Vol.1 - Actualité manga
Arsène Lupin Vol.1 - Manga

Arsène Lupin Vol.1 : Critiques Le diadème de la Princesse de Lamballe

Kaitô Lupin Den - Aventurier

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 13 Novembre 2015

En cette année 2015, les éditions Kurokawa aiment la littérature française ! Après l'excellente adaptation des Misérables par Takahiro Arai en début d'année, l'éditeur nous propose de découvrir l'adaptation manga d'un autre sommet de notre Histoire littéraire, mais dans un tout autre genre : Arsène Lupin, la saga de Maurice Leblanc née il y a tout juste 110 ans, et qui a fondé tout un sous-genre du récit policier en mettant en scène un gentleman cambrioleur devenu culte.
Aux dessins, on découvre Takashi Morita, mangaka qui n'en est pas à son coup d'essai sur Lupin : avant cette adaptation manga entamée en 2013 dans le magazine Gekkan Hero's de Shôgakukan, il en a dessiné une autre entre 2011 et 2013, qui a été stoppée après 5 volumes.

Dans cette seconde série, Morita adaptera les histoires de Lupin sorties dans le cadre de ce qu'il appelle la saga principale d'Arsène Lupin, ce qui visiblement devrait donc nous emmener des toutes premières aventures du célèbre voleur jusqu'au récit "Les Dents du Tigre", en passant notamment par les cultissimes "L'Aiguille Creuse" et "813". Chaque tome proposant une adaptation de l'une des histoires de Maurice Leblanc, il n'est aucunement nécessaire de connaître la première série manga (de toute façon inédite en France à ce jour) pour apprécier cette seconde série. Bien au contraire, puisque Morita, ici, repart en quelque sorte du début en proposant un récit qui s'avère parfait pour commencer. Et ce n'est pas l'un des romans qu'il a choisi d'adapter, mais "Le diadème de la Princesse de Lamballe", une pièce de théâtre écrite quand la saga de Maurice Leblanc commençait à rencontrer le succès.

Nous y plongeons aux côtés de personnalités gâtées par la société : Germaine Gournay-Martin, fille du richissime Gournay-Martin, va prochainement épouser le duc de Charmerace, son fiancé récemment revenu d'une expédition au Pôle Sud après 7 ans d'absence. La jeune demoiselle, qui n'a toujours connu que l'aisance, est on ne peut plus hautaine, et même désagréable avec ses (fausses) amies ou avec Sonia, sa demoiselle de compagnie. Et face à l'absence très longue de son fiancé, elle fut même tentée d'aller fricoter avec son cousin... Son père, quant à lui, est un nouveau bourgeois qui a pu s'enrichir en profitant de la révolution industrielle, et qui profite désormais de sa fortune pour agrandir constamment sa collection d'oeuvres d'art, notamment en peinture. Hélas pour lui, quelques années auparavant, il fut la victime du plus grand voleur du pays, échappant à la justice ou s'évadant depuis une dizaine d'années : le dénommé Arsène Lupin, qui lui a dérobé une bonne partie de sa collection !
Mais désormais, le duc est revenu, le mariage avec Germaine est en route... mais les choses commencent à basculer de nouveau quand, au château de Charmerace, arrive une lettre. Elle est signée Arsène Lupin, et elle prévient Mr Gournay-Martin qu'il reviendra bientôt dérober de nouvelles oeuvres d'art, à commencer par le diadème de la Princesse de Lamballe, le bien le plus précieux de millionnaire, qu'ils conservent précieusement dans un endroit secret, et que Lupin n'avait pu dérober quelques années auparavant...

S'il est facile de connaître les romans d'Arsène Lupin, il est sans doute moins aisé de connaître la pièce de théâtre inspirant l'histoire de ce premier tome. Rien que pour ça, la version manga vaut le coup, malgré le grand classicisme de ce récit. Mais qui dit classicisme ne dit pas forcément absence de qualité, et le scénario du "Diadème de la Princesse de Lamballe" était tout simplement parfait en guise de premier tome, car il profite très bien de son scénario simple pour présenter toutes les facettes qui ont fait d'Arsène Lupin un personnage fascinant ayant traversé les décennies en conservant sa popularité. Au fil de cette affaire de vol qui ne se veut pas surprenante, l'occasion nous est donnée d'apprécier tout l'intellect de Lupin, puisque nous voyons qu'il a pensé son plan de vol du diadème d'un bout à l'autre... et sur plusieurs années ! Et cet intellect ne serait rien sans la maestria de l'homme dans l'art du déguisement, son don pour manipuler à sa guise ses cibles afin de leur faire faire des erreurs, sa façon de s'entourer d'acolytes fiables, l'attirance qu'il exerce sur les femmes, son jeu d'acteur et son self-control quasiment parfaits face à l'ennemi... et son goût profond pour le danger, car prendrait-il autant de plaisir dans ses vols s'il ne s'amusait pas à titiller de très près ses adversaires ?
Mais Arsène Lupin, c'est également une certaine forme de justice, celle d'un homme ne volant que les plus riches et venant volontiers en aide aux plus démunis, à une époque où les inégalités sociales restaient fortes. L'homme est-il parfait ? Non, il lui arrive tout de même de faire des erreurs, le poussant ainsi à revoir ses plans dans l'urgence, notamment parce que l'une de ses plus grosses faiblesses réside justement dans les femmes qu'il attire à lui. A ce titre, dans ce premier tome un personnage cristallise parfaitement à la fois son désir d'aider les démunis et son attirance envers la gente féminine : la douce Sonia, jeune femme aussi charmante qu'attachante bien qu'elle soit un cliché du genre. Mais nous ne vous en dirons pas plus...
Enfin, si commencer le manga en adaptant cette pièce de théâtre est si intéressant, c'est également parce qu'elle offre une bonne vision du passé et de l'enfance de Lupin (venant expliquer en partie pourquoi il est devenu ce qu'il est), qu'elle voit la toute première apparition du personnage de Victoire qui sera ensuite récurrent dans d'autres romans de Lupin, et qu'elle propose de mettre en place de façon marquante l'éternel ennemi de Lupin : l'inspecteur de police Ganimard, poursuivant le cambrioleur depuis des années au point de désormais avoir qu'il faut toujours se méfier de lui, et possédant un flair et une expérience souvent susceptibles de mettre à mal les plans de notre héros... Son rôle ici est marquant grâce à ce flair, à son sens de la déduction, et à l'opposition finale riche en tension entre Lupin et lui !

Suivant de très près le scénario original, Takashi Morita en profite également pour couvrir brièvement d'autres récits importants pour bien poser le personnage et son entourage : le premier recueil de nouvelles d'"Arsène Lupin gentleman cambrioleur", et "La dame blonde", l'un des deux épisodes du livre "Arsène Lupin contre Herlock Sholmès". Une construction maligne, qui permet notamment au mangaka d'évoquer les évasions passées de Lupin, et ses précédents différents avec Helrock Sholmès, personnage qui sera au coeur du deuxième tome du manga.

Pour parfaire son récit, Morita emballe le tout dans une narration d'orfèvre. La construction est impeccable, met tout en place d'excellente façon, déroule le scénario sans réel temps mort alors que le tome fait 250 pages assez bavardes... Le mangaka en profite aussi pour resituer clairement le contexte de la Belle-Epoque, cette période faste située entre la révolution industrielle et la Première Guerre mondiale. A ce titre, ses dessins délivrent un Paris de début de vingtième siècle tout à fait crédible, aux décors extérieurs et intérieurs soignés sans qu'il soit fait insistance dessus. Les traits épais des personnages, eux, pourraient rebuter un peu au départ en s'alignant légèrement des traits élancés que l'on prête généralement à Arsène Lupin, mais on s'y fait très vite tant l'ensemble profite d'une excellente expressivité pour faire ressortir le tempérament de chaque personnage : La prestance, l'amusement face au danger et le charisme de Lupin, l'expérience d'un Ganimard au visage très marqué, la douceur de Sonia, l'orgueil de la hautaine Germaine, le physique d'un Gournay-Martin que l'on adore voir se mettre dans tous ses états... Et puis, Morita n'oublie pas les symboliques Haut-de-forme et monocle de Lupin !

Sur l'adaptation d'un scénario certes classique et un peu facile sur sa fin, mais qu'il maîtrise de bout en bout, Takashi Morita entame de la meilleure des manières son manga, avec ce premier récit parfait pour tout mettre en place. L'excellente connaissance de la saga de Maurice Leblanc et la passion pour celle-ci se ressent totalement chez le mangaka, que ce soit dans sa préface, dans la façon de mener son récit, ou dans les nombreuses informations de sa postface... Que vous connaissez déjà les romans d'Arsène Lupin ou non, tout est là pour contribuer au plaisir de lecture. Y compris l'édition française, qui s'offre une bonne qualité d'impression, une traduction au poil, plusieurs notes de traduction bien utiles sur l'époque, et un prix de 7,65€ tout à fait honnête pour un pavé de 250 pages.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs