AIDA Natsumi - Actualité manga

AIDA Natsumi あいだ夏波

Interview de l'auteur

Parmi les nombreux invités de la Japan Expo 2012, l'éditeur Akata/Delcourt a misé sur la très attendue Natsumi Aida, auteure du célèbre Switch Girl, et que l'on a redécouvert plus récemment avec l'une de ses premières œuvres : le one-shot C.L.A.S.S., sorti en juin dernier. L'auteur voulant protéger son anonymat, elle resta très discrète, proposant sur le salon uniquement des séances de dédicaces dans une intimité qui lui permit de rencontrer ses fans avec une franche proximité. Mais quelques heures avant les premiers pas de la mangaka sur le salon, nous avons eu l'honneur de la rencontrer pour un rendez-vous non loin de son hôtel parisien. Alors, qui se cache sous le masque d'une des mangakas les plus rentre-dedans de sa génération ?
  
  
     
Manga-News : Bonjour et merci pour cette interview ! Afin de mieux vous connaître, pouvez-vous nous dire comment vous avez décidé de devenir mangaka ?
Natsumi Aida : Bonjour à vous ! Depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours lu des mangas. J'ai poursuivi des études de Droit, mais une fois mon diplôme en poche, je ne savais pas vers quelle carrière me tourner. J'ai alors essayé de m'investir dans ma passion, dans mon rêve, et voilà comment tout a commencé !
   
Quels étaient vos auteurs préférés dans votre jeunesse, ceux qui vous ont donné envie de faire ce métier ?
Comme beaucoup de personnes, j'ai été une grande fan de Dragon Ball. Pendant six ou sept ans, je lisais exclusivement ce manga, et aujourd'hui encore j'ai un profond respect pour Akira Toriyama, que je considère comme une sorte de dieu vivant !
    
En France, nous avons récemment découvert C.L.A.S.S., l'une de vos premières œuvres. Comment vous est venu l'idée de cette série ? Vous êtes-vous inspirée de faits vécus, en particulier en ce qui concerne l'ijime ?
Le sujet de C.L.A.S.S. m'a toujours tenu à cœur, qui a marqué mes années de lycéenne. J'ai effectivement assisté à des rapports de forces houleux entre élèves, les trahisons, les dominants et dominés,... même si ce n'était évidemment pas aussi prononcé et explicite que dans le manga. Lorsque j'ai fait mes débuts dans le manga, je voulais prioritairement développer une histoire autour de ça, pour témoigner de ce phénomène abusif. 
   
    
    
Puis est arrivé Switch Girl. Avez-vous eu des difficultés à faire accepter un manga aussi "trash" à vos éditeurs ?
En réalité, les débuts de Switch Girl ont été assez laborieux : je m'y suis reprise à plusieurs fois pour réaliser le début de la série ! Mais paradoxalement, les réticences venaient de moi : au début, j'avais peur d'aller trop loin, mais ma responsable éditoriale trouvait que ça manquait de caractère, que c'était trop mou, et m'a finalement conseiller d'écrire quelque chose qui me ressemblait vraiment. J'ai alors puisé au fond de moi, je me suis lâchée une bonne fois pour toutes, et c'est finalement cet essai-là qui a été concluant !
    
Quelle est la part de Nika en vous ? A quel point vous êtes-vous inspirée de votre propre quotidien ? 
Pour moi, Nika est en fait l'idéal féminin vers lequel j'aimerais me rapprocher. Il y a quelques parts de vécu, mais quand je la dessine, je la représente telle que j'aurais envie d'être moi-même.
    
Suivez-vous les anecdotes que peuvent vous confesser vos lectrices ?
Cela arrive très souvent oui ! L'exemple le plus flagrant est celui du personnage de l'ota-girl, qui est la synthèse de quelques-unes de mes fans qui me témoignent des anecdotes très amusantes.
   
Vous imposez-vous des limites ? Existe-t-il des scènes que vous n'avez pas osé dessiner ?
Il y a eu un passage un peu difficile à faire passer, une histoire axée sur le "pipi-caca" que j'ai eu du mal à mettre en scène, et à faire accepter à mon éditrice... Mais finalement, elle est passée, et depuis je ne m'interdis plus rien !
   
      
  
 
La série suit une logique de successions d'histoires plus ou moins longues. Comment les concevez-vous? Avez-vous un fil conducteur, ou suivez-vous vos envies ?
Je suis une trame déjà prévue à l'avance depuis un certain temps. Mais il m'arrive de glisser quelques nouveaux éléments à la dernière minute, notamment lorsque je suis inspirée par les anecdotes de mes lectrices. Je reste au final assez libre de mes mouvements.
    
De même, avez-vous une idée précise du futur, et de la fin de la série ? Pouvez-vous nous dire si une date est avancée pour sa conclusion ? 
J'ai déjà une idée en tête pour la fin, mais il me manque encore quelques éléments pour la concrétiser. Je pense que la série devrait se terminer d'ici un an, mais rien n'est sur...
  
Il y a étonnamment un certain nombre de lecteurs masculins pour la série, en particulier en France. Est-ce une surprise pour vous ? Qu'avez-vous à dire aux hommes qui lisent votre série ? 
Cela me réconforte et m'encourage ! J'ai beaucoup d'amies qui s'inquiètent de me voir autant démystifier les femmes, me disant que je vais parfois trop loin... De telles réactions de la part des hommes me rassurent et m'honorent !
     
Quel est le bon équilibre pour vous entre humour et romance ?
Une fois encore, je suis beaucoup mon instinct, qui m'arrête à temps. Lorsque je réalise une phase s'éternisant trop longtemps sur la romance et que ça devient trop mièvre, l'humour est salvateur. Et inversement, si j'enchaine trop de délires, cela peut devenir indigeste, je me repose alors sur des évènements plus sérieux, plus sentimentaux. Il n'y a pas vraiment de règles établies, la série oscille en fonction de mon humeur, de mon seuil de tolérance du moment sur l'une ou l'autre des thématiques.  
   
Contrairement à beaucoup de séries shojos où l'héroïne est timide est effacée, les vôtres sont assez volontaires et courageuses. En quoi est-ce important pour vous ?
Je pense que beaucoup de gens, et j'en fais partie, ont un profond manque de confiance en eux. Voilà pourquoi j'essaie d'ériger Nika comme mon modèle : une héroïne expressive, qui n'a pas peur de défendre ses convictions,... là encore, c'est un postulat de départ très personnel, mais je pense que mes lectrices peuvent suivre Nika comme je la suis.
   
      
   
   
Vous avez exploré beaucoup de pistes scénaristiques dans Switch Girl. Vers quelles autres thématiques aimeriez-vous vous tourner (dans la série elle-même ou dans votre carrière future) ? 
Pour l'heure, mon esprit est surtout concentré sur la fin de la série que j'essaie de construire progressivement, pour la réussir au mieux. Je n'ai donc pas le regard tourné vers d'autres pistes pour le moment. Mais je reste une instinctive, donc je pense que les nouvelles idées viendront d'elles-mêmes le moment venu...
       
A votre avis, est-ce qu'une version masculine serait possible ? A quand un "Switch Boy" ?
Je ne pense pas être capable de le faire moi-même, mais effectivement, il y aurait de la matière ! (rires) Notamment dans le milieu des Hosts qui eux aussi, cultivent leur apparence... Un beau jeune homme, qui deviendrait tout négligé une fois chez lui,... Oh, je pourrais bien tenir trois tomes dessus, peut-être ! (rires) Mais bon, je reste une femme, et je ne sais pas si j'aurais assez de recul pour rendre le tout pertinent.
   
La série a été récemment adaptée en drama (disponible en DVD chez Kazé, ndlr). A quel niveau avez-vous participé à ce projet ? Quel a été votre ressenti quand vous avez découvert le résultat ?
J'ai eu l'opportunité d'intervenir très souvent sur l'ensemble de la réalisation, sur le scénario bien sur mais aussi sur l'apparence et le jeu de l'actrice principale. Je me suis rendu assez souvent sur le tournage, et finalement je me demande si je n'en ai pas trop fait ! 
J'ai trouvé que la série était un trésor. Pour moi, avoir un de mes mangas adaptés en série live était un aboutissement, alors quand le projet a été lancé, j'ai sauté de joie ! J'en profite d'ailleurs pour remercier encore une fois tous les acteurs et toute l'équipe de tournage !
   
   
 
Auriez-vous un mot à dire à Mariya Nishiuchi (incarnant Nika à l'écran, ndlr) également présente sur le salon ?
Je voudrais simplement redire que je suis très contente de sa prestation, et j'espère que le public français partagera ma joie. J'espère bien la voir sur le salon et passer pour l'avant-première. En attendant, je lui souhaite le meilleur, et qu'elle n'hésite pas à aller vers son public pour en profiter au maximum !
   
    
Merci beaucoup !
   
 
Remerciements à Natsumi Aida, à son interprète ainsi qu'à l'ensemble des éditions Akata/Delcourt.