The Chaser - Actualité anime

Critique du dvd : The Chaser

Publiée le Jeudi, 14 Avril 2011

Un serial killer (Ji Young-Min) sévit à Séoul en tuant impunément de nombreuses prostituées. Il n’est pas inquiété, la prostitution étant illégale et les proxénètes pensant souvent que leurs filles se sauvent. Mais l'un de ces proxénètes, Jung-Ho (Kim Yun-Seok), un ancien policier découvre la véritable raison de la disparition des femmes. Alors qu'il envoie une de ses filles, Mi-Jin (Seo Yeong-Hie), dans le repaire du tueur, celle-ci disparaît. Jung-Ho se lance dans une chasse à l'homme pour la retrouver.

Autant l'affirmer tout de suite : The Chaser est une réussite. Le cinéaste Na Hong-Jin, dont ce polar « noirissime » est le premier long-métrage, semble avoir voulu tout mettre, concevoir le prototype, le modèle du thriller sud-coréen. Et en effet, tout y est. The Chaser parvient en plus de cela à se démarquer, il ne manque pas ce petit quelque chose, ces quelques originalités pour faire la différence. Les scènes cultes sont en effet étonnamment nombreuses, avec des interprétations grandioses. The Chaser fait office de thriller immanquable, tant il confirme que le cinéma sud-coréen ne recule devant rien dans le réalisme de la violence humaine et sociale. The Chaser ne déçoit pas, clairement pas. Il ne fait que passer après trop de modèles du genre, plus particulièrement Memories of murder de Bong Joon-Ho et la trilogie de la vengeance de Park Chan-Wook. Le film endosse un statut difficile à tenir, car il rappelle trop souvent les schémas du genre, comme si tout avait été fait avant lui. Pour autant, le grain de sable empêchant the Chaser d'accéder au rang de la perfection ne se situe pas là. Ce sont bien quelques maladresses, qui font tache d'huile. Si le film est particulièrement convaincant, il est hélas comme boursouflé sur certains points.

The Chaser porte l'empreinte du malsain, que seuls les réalisateurs sud-coréens savent apposer depuis quelques années (à l'exception de quelques chefs-d'oeuvre américains). La psychologie des personnages est complexe, et le cinéaste prend tout son temps pour tracer l'évolution de chacun. Le travail est particulièrement évident dans la conception du personnage du pervers sexuel joué par Ji Young-Min. N'importe quel connaisseur des champs psychiatriques et criminologiques saura reconnaître que l'équipe du film a particulièrement soigné la psychologie du personnage du pervers sexuel. Bon nombre de scènes cultes naissent d'une interprétation de génie (Ji Young-Min, formidable) comme on en a pas vu depuis longtemps, et de dialogues riches constitués de répliques renversantes, basées sur cette personnalité pathologique inquiétante. Le personnage de Jung-Ho est sans doute plus classique. Proxénète sans retenue, la morale qu'on aurait pu penser totalement perdue chez cet homme finit par le rattraper. Cherchant au départ à maintenir son business, il connaîtra progressivement la culpabilité d’avoir entraîné Min-Jin, « sa fille », dans un destin inhumain. Il est aussi question d'une autre fille dans The Chaser : celle de Mi-Jin, amenant pas mal de question pour Jung-Ho, qui a pour partie créé l'environnement dans lequel elle évolue.

Problème : à trop vouloir en mettre, à trop vouloir en faire, à nous proposer du toujours plus (plus de noirceur, plus de critique sociale et de cynisme, plus de violence), Na Hong-Jin noie la dernière demie-heure de son film dans l'excès. Les maladresses du cinéaste se concentrent finalement en une seule : le film tire en longueur. Après une scène, puissante et ultra-violente, au cours de laquelle le poursuivant peut enfin défier le pervers sans personne (ou presque) pour le gêner, il en existe encore une autre, plus puissante encore, où l'on peut encore observer le destin de Mi-Jin. Même si cette scène s'impose, et va dans la logique du film, elle est, quoi qu’on en dise, trop prévisible pour n'importe quel amateur du genre. Le fait de passer après d'autres grands thrillers y est sans doute pour beaucoup, car l'initié finit par deviner toutes les ficelles, fussent-elles entrelacées avec maîtrise. On aurait aimé que le rythme soit donc plus soutenu pour parvenir à cette fameuse scène, qui n'en demeure pas moins réussie. La « véritable » scène finale permet de sortir le film de sa torpeur d'un quart d'heure, loin du soi-disant sentimentalisme dénoncé par certains critiques.

Là où même un Park Chan-Wook joue dans la stylisation de l'image, Na Hong-Jin, et c'est un atout pour lui, nous propose une ville réaliste. A savoir que, comme il s'agit de rechercher une fille retenue en captivité par un pervers sexuel, le cinéaste nous entraîne le plus souvent dans des ruelles sales, tortueuses, sous une pluie battante, un climat tropical assommant (regardez donc le film par temps lourd dans le noir !). Les embouteillages sont assourdissants et les néons aveuglants. Comme Alejandro González Iñárritu qui ose montrer la face cachée de Barcelone dans Biutiful (cachée pour les seuls naïfs d'ailleurs), Na Hong-Jin nous montre un Séoul qui n'est pas une carte postale. Un Séoul où la violence sociale existe, où l'architecture de la ville est traître, insupportable par son aspect labyrinthique, où les rues ne sont pas forcément nettoyées de leurs immondices. Une vision réaliste montrée par un certain cinéma, dans fait partie Na Hong-Jin. En un mot comme en cent, l'esthétique de The Chaser est glauque dans son sens le plus simple et le plus noble. Le film est servi par une mise en scène faite de jeux de caméras vraiment poussés, avec des innovations sérieuses au niveau des courses-poursuites. Na Hong-Jin a du talent et déjà son propre style dès son premier film, c'est indéniable ! La bande-son renforce encore cette atmosphère de plomb. La sensation de ressortir fatigué d'un tel film est évidente, en ce que l'on s'en prend plein la figure, comme le sont les expériences Old Boy et consorts.

Comme Bong Joon-Ho avant lui, Na Hong-Jin critique les forces de police sud-coréennes, dont l'inertie est juste insupportable, ou encore montre un dissident politique, jeter des excréments sur le maire.

Enfin, Na Hong-Jin, pour ne jamais s'égarer du modèle, propose en plus du ton pessimiste (et plus encore) ambiant, un humour noir qui s'avère très efficace. Celui-ci passe par la relation entre Jung-Ho et son sous-fifre, maltraité et pourtant si utile. Des bouffonneries qui viennent ponctuellement alléger le film, mais qui ne dureront pas, car lorsque la machine de la violence sera enclenchée, aucun type d'humour, même noir, n'est admis. Pour maintenir le réalisme, le mélange de genres est proscrit une fois un certain seuil dépassé, et ça, Na Hong-Jin l'a compris. Avec du recul, The Chaser se rapproche terriblement sur ce point (et pas seulement sur celui-là) du ténor du genre, Memories of murder de Bong Joon-Ho.

Côté casting, Ji Young-Min est absolument excellent en assassin pervers. Pendant tout le film, il parvient à insuffler à son personnage une absence totale d'humanité : un comportement marginal, des manies, des paroles qui ne signifient parfois pas grand-chose. Le portrait type d'un malade mental en puissance (c'est à se demander comment la police peut passer à côté !). Kim Yun-Seok quant à lui ressemble fortement à Choi Min-Sik en plus jeune. Son interprétation est exemplaire. Quant à Seo Yeong-Hie, elle endosse avec brio le costume de victime (et quelle victime !). Ce casting fait donc honneur au cinéma sud-coréen, réputé intouchable dans sa mise en scène du thriller réaliste et ultra-violent.

L'édition double DVD est un vrai plaisir. Dès les menus, l'atmosphère glauque est posée. Les bonus sont très complets. Hormis les traditionnelles scènes coupées et commentaires, c'est plus spécialement des vidéos consacrées à la genèse du projet et à l'étude de la profondeur psychologique des personnages qui doivent être soulignées.

Malgré quelques maladresses, et une méthode du « toujours plus » qui finit par lui porter préjudice, The Chaser, pour un premier long-métrage, témoigne d'une maîtrise incontestable de Na Hong-Jin. On attend par conséquent avec une impatience non dissimulée le prochain film du cinéaste, intitulé... The Murderer. Lorsque les réalisateurs sud-coréens s'engagent dans des diptyques ou des triptyques, généralement, cela ne donne que du (très) bon !

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs