Adieu Ma Concubine - Actualité anime

Adieu Ma Concubine : Critiques

Critique du dvd : Adieu Ma Concubine

Publiée le Mardi, 10 Mai 2011

Cheng Dieyi dit Douzi (Leslie Cheung) et Duan Xiaolou dit Shitou (Zhang Fengyi) sont tous deux membres de l'école de l'opéra de Pékin. Ils étudient avec acharnement le même opéra depuis l'enfance, intitulé « Adieu ma concubine ». Douzi est entraîné pour jouer la concubine, Shitou l'empereur. Douzi est homosexuel. Lorsque Shitou épouse Juxian (Gong Li), une ancienne prostituée, la relation entre les deux hommes change. La jalousie de Douzi, combinée aux événements qui secouent le pays, mettront à mal la tradition pluriséculaire de l'opéra de Pékin.

Adaptation du roman de Lilian Lee, Adieu ma concubine a reçu maintes récompenses lors de sa sortie en 1993. Le principal atout du film est d'avoir su mêler un portrait de la Chine du XX°siècle à une intrigue fondée sur un symbole de la civilisation chinoise (l'opéra de Pékin), l'ensemble profitant d'une esthétique particulièrement travaillée. Le réalisateur Chen Kaige signe donc un film ambitieux par sa richesse. Ainsi, derrière un scénario axé sur l'évolution de l'opéra de Pékin, Adieu ma concubine est aussi une fresque historique de la Chine au XX°s : le film évoque tantôt le rétablissement de la République, tantôt l'occupation japonaise, et s'étend jusqu'à la Révolution culturelle (alors que ce sujet demeure extrêmement sensible en Chine encore de nos jours).

Adieu ma concubine est surtout l'histoire de deux destins, ceux de Douzi et Shitou. Le film suit sur plus de 2h30 l'évolution de ces personnages : enfance, adolescence, âge adulte. Dès l'enfance, Douzi et Shitou sont éduqués aux côtés de leurs camarades pour tenir les principaux rôles d'Adieu ma concubine, une célèbre pièce de théâtre qui évoque un fait historique de la Chine ancestrale : les adieux du prince Xiang Yu et de sa concubine Yu Ji et le suicide de celle-ci avant que son bien-aimé ne soit défait et tué par Liu Bang, futur empereur Gaozu qui fonda en 202 avant Jésus Christ la dynastie Han. Les deux enfants sont soumis à rude concurrence pour que tout devienne excellent : leur physique, leur attitude, leur jeu. Maltraités à cette fin d'excellence, Douzi et Shitou entretiennent un lien plus fort que l'amitié. Parce qu'ils n'ont jamais vécu que pour l'opéra, leurs destins ne sont pas éloignés des rôles qu'ils jouent : l'opéra Adieu ma concubine est en fait une métaphore de la vie menée par les deux individus. Shitou tente maintes fois de sortir du carcan alors que Douzi en est prisonnier.

Et puisque Douzi ne saura jamais se libérer de l'opéra, chaque fois que cette discipline sera mise à mal, c'est le personnage-même qui chavirera. Car Douzi EST l'opéra de Pékin. Il en est sa représentation vivante. A chaque contrainte, chaque fois que l'essence de l'opéra est atteinte, chaque fois qu'il est empêché de pratiquer son art, Douzi souffre. Une fois que le spectateur aura compris cela, il verra que le rythme du film est étroitement lié à la survenance d'un nouvel obstacle. La relation de Shitou et Juxian, l'occupation japonaise altérant la tradition de l'opéra, la trahison de Xiao Si (un jeune, adopté par Douzi, auquel il enseigne son art), la Révolution culturelle, constitueront autant de barrières à franchir. Les événements historiques et personnels mèneront l'opéra de Pékin à sa perte d'influence. Le cinéaste décrit avec brio la problématique entre tradition et modernisme qui conduit à la déchéance de la discipline.

Le parti pris de la fresque historique mêlée aux destins des personnages donne forcément un film très long. Quand bien même on imagine bien que la richesse du scénario suppose un développement sur la longueur, quelques problèmes de rythme sont à noter. Alors qu'il s'attarde longuement sur certaines situations, Chen Kaige passe en effet trop vite sur d'autres, et les ellipses ne sont pas suffisamment marquées. Le problème principal d'Adieu ma concubine est néanmoins lié à un autre choix du réalisateur. Dénonçant la coutume selon laquelle seuls des hommes pouvaient jouer dans l'opéra de Pékin (y compris et même surtout les rôles de concubines), Adieu ma concubine est trop déséquilibré quant au traitement des personnages. Les sentiments de Douzi, jouant la concubine, sont mis en avant... voire surexposés, tandis que le personnage de Shitou est placé un peu en retrait.

On rendra hommage à Chen Kaige qui a su passer outre la censure, ce qui n'est toujours pas évident actuellement (et l'était encore moins à l'époque, au début des années 1990). Les personnages n'évoquent jamais leur relation directement, préférant les non-dits, la retenue.

Accusant quelques écueils quant à sa narration, Adieu ma concubine demeure parfait dans le domaine esthétique. Les décors, les costumes, le maquillage, sont grandioses. On regrette néanmoins une mise en scène encore trop conformiste. Il ne s'agissait pas là de faire plus dynamique, car le ton ne s'y prête pas, demandant retenue et discrétion, mais il demeure que les jeux de caméra s'avèrent trop classiques. Niveau son par contre, c'est un sans-fautes, puisqu'on profite de l'ambiance de l'opéra de Pékin.

Au niveau du casting, Adieu ma concubine propose l'une des plus grandes performances d'acteur jamais observées dans le cinéma asiatique : celle de Leslie Cheung, qui joue Douzi et est souvent amené à entrer dans le rôle de la concubine, son visage fin étant son atout majeur (le réalisateur et l'acteur lui-même assurant qu'il n'y a pas eu de doublure). Il est d'ailleurs assez spécial de constater que Leslie Cheung a accepté un rôle qui ne devait pas être facile pour lui d'un point de vue personnel (l'acteur ayant révélé son homosexualité quelques années après, suivi par un suicide en 2003, dont tous les amateurs de cinéma se souviennent puisqu'il s'agissait d'un des meilleurs acteurs d'Asie). Face à cette interprétation magnifique, Zhang Fengyi, qui joue Shitou (et vu récemment dans le rôle de l'Empereur Cao Cao dans les 3 royaumes de John Woo), fait ce qu'il peut. Gong Li en Juxian est quant à elle sublime. Les relations entre Douzi et Juxian sont d'ailleurs admirablement jouées.

Intense sur certaines scènes, magnifique esthétiquement parlant, très abouti quant à son aspect historique, mais imparfait du point de vue de sa narration, Adieu ma concubine est un film marquant du cinéma asiatique durant la décennie 1990.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs