Yuko - Extraits de littérature japonaise - Actualité manga
Yuko - Extraits de littérature japonaise - Manga

Yuko - Extraits de littérature japonaise : Critiques

Yuko

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 02 Février 2018

En 1999, les éditions Tonkam publiaient en France Nouvelles de littérature japonaise, un recueil de 240 pages dans lequel le mangaka culte Ryôichi Ikegami, le temps de 5 récits, se réappropriait essentiellement des récits littéraire nippons. Des années plus tard, en janvier 2017, l'éditeur devenu Delcourt/Tonkam remet le couvert avec Yuko - Extraits de littérature japonaise, un imposant pavé de 440 pages qui est grosso modo une sélection revue et amplement enrichie par le mangaka lui-même.

Paru au Japon en 2010, ce pavé regroupe pas moins de 12 histoires, dans un ordre à la chronologie inversée : on va de la plus récente (juin 1999) à la plus ancienne (novembre 1991). Mais on va également, à peu de choses près, des plus longues (50 pages) aux plus courtes (environ 20 pages).

Si le livre a pour sous-titre "Extraits de littérature japonaise", il convient de souligner qu'en réalité seuls trois récits sont des adaptations de nouvelles bien connues issues de ce que l'on a appelé la nouvelle vague littéraire japonaise au 20ème siècle. Dans ces récits qui sont en minorité, Ikegami met en images des écrits de Kyôka Izumi, Ryûnosuke Akutagawa et Kan kikuchi qui s'ancrent sous l'ère Taisho (1912-1926). Les autres histoires, elles, sont scénarisées par le mangaka, et permettent d'ailleurs d'apprécier de façon trop rare les talents de scénariste de cet artiste certes culte mais trop souvent limité aux dessins (il est surtout connu pour avoir mis en images des scénario de Buronson, Kazuo Koike, ou plus récemment Hideo Yamamoto). Et dans ces récits originaux, Ikegami ancre surtout les choses dans le Japon contemporain, ou alors à l'époque des samouraï, pour un semble qui a donc le mérite de diversifier les époques.

Pourtant, quelle que soit l'époque choisie, les différents récits ont une thématique commune : l'amour passionnel, qui peut prendre bien des formes, ici surtout des formes ancrées dans ce que l'on a coutume d'appeler "déviance". En effet, la plupart des personnages du recueil laissent parler certaines dérives passionnelles qui les occupent, voient éclater leurs obsessions, se découvrent des plaisirs qu'ils ne soupçonnaient pas encore en eux, et peuvent s'y livrer jusqu'à y chuter pleinement. En vrac, il pourra s'agir de bondage, de SM, d'adultère, d'obsession pour une partie du corps, d'étranglement au moment de la jouissance pour décupler le plaisir... Autant dire que l'ouvrage est à réserver à un public averti, et qu'une mention de cela quelque part sur la jaquette n'aurait pas été du luxe.

L'intelligence d'Ikegami est toutefois de ne jamais tomber dans un voyeurisme gratuit, et de nous faire ressentir et comprendre l'attirance que les personnages ont pour leurs pratiques pouvant être vues comme immorales par la société. Une immoralité toute relative selon les gens, et qui, pour les personnages de ces récits, ont une valeur. Pour ça, l'auteur pose une narration qui s'avère très littéraire dans le fond, et cela que les récits soient des adaptations ou des histoires originales. L'ensemble est posé, et appuie très bien une mise en scène extrêmement léchée. Car le recueil est beau, très beau, et offre l'essentiel de son charme via ses planches. Ikegami n'a plus rien à prouver dans le réalisme de son trait, dans ses angles de vue soignés et dans ses nombreux jeux d'ombres et de dénivelés qui amènent aux dessins beaucoup de profondeur. Et l'importance note d'érotisme de ses histoires a toujours quelque chose d'élégant et de fascinant, où l'on ressent le plaisir des personnages dans leur luxure y compris lors de scène que le premier péquin venu oserait pourtant qualifier d'humiliante. Les personnages s'assument et, plus d'une fois, s'avèrent assez attirants tant le dessinateur excelle dans son art. Chaque lecteur pourrait avoir sa préférence parmi les récits, à titre personnel c'est le tatouage entre les jambes de la femme dans "Le Serpent" qui m'a fait tourner la tête tout autant que son héros.

En toute fin d'album, on trouve une petite interview d'Ikegami, qui s'avère très intéressante pour bien comprendre la démarche qu'il a suivie pour cette sélection d'histoires.

L'édition, elle, est exceptionnelle, et son seul défaut est peut-être son poids en mains. Mais l'éditeur a eu à coeur d'offrir un produit très, très qualitatif : grand format, couverture cartonnée rigide avec jaquette mauve bien épaisse par dessus (ce qui offre d'emblée un cachet à l'objet), signet marque-page de qualité, première page en couleur, papier et impression de haute qualité, excellente traduction de Patrick Honoré qui a su conserver un style littéraire adéquat... C'est le genre de beau livre que l'on prend plaisir à exposer dans sa bibliothèque (en évitant tout de même de le laisser à portée des enfants...), et qui, au vu de son épaisseur, vaut facilement son prix.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs