Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 14 Novembre 2024
Yôhei a commencé à sortir avec Yui, au grand dam de Kei qui s'est réfugié auprès de Ren, en qui il a trouvé une sorte de confidente après l'avoir sauvée de ses complexes sur son corps jugé peu féminin. Pour autant, Yôhei ne paraît aucunement heureux, d'autant plus que Yui lui impose des choses très étranges, comme l'interdiction de se toucher et d'éjaculer jusqu'à la prochaine fois où ils se verront. Plus gênant encore, Yui semble parfois prendre plaisir à "humilier" Yôhei sous les yeux de Kei, comme si elle essayait de se convaincre de quelque chose, à savoir le côté répugnant des hommes. Observant la détresse de Kei, ne cessant de penser à lui même quand il fait l'amour à Yui, ne trouvant aucune satisfaction dans l'acte hormis un dégoût toujours plus profond envers lui-même, ne supportant plus la manière dont il est enchaînée par son désir proprement masculin, quelle solution trouvera Yôhei pour se sortir de là ? Et, surtout, sera-ce la bonne solution ?
On vous laisse découvrir la réponse à ces questions dans une dernière partie de tome à la fois terrible au vu de l'extrémité à laquelle Yôhei arrive, et rondement menée graphiquement: non content de toujours aborder de front et sans fards son sujet dans ses représentations graphiques assez crues, Shuzo Oshimi sait aussi y proposer de nouvelles métaphores visuelles qui disent tout de l'état d'esprit du personnage avec une certaine force et un réel impact psychologique. A travers ça, on sent toujours que le mangaka met une grande part de ses propres tourments intérieurs dans son personnage principal, et cela se confirmera une fois de plus dans sa longue et sincère postface où il continue de se dévoiler.
Avant d'en arriver à cette fameuse dernière partie de volume, l'auteur prend soin de cristalliser le ressenti de chacun de ses trois autres personnages centraux, chacun ayant un impact sur Yôhei puis une réaction propre en toute fin de tome. Bien sûr, l'impact le plus évident, le plus cru et le plus malaisant est celui de Yui, au vu de ce qu'elle fait, mais loin d'apparaître réellement mauvaise la jeune fille reste avant tout décrite comme elle aussi perdue, entre son amour inassouvi depuis des années, son propre dégoût envers les hommes dont elle veut se convaincre, et son désir naturel de se sentir aimée et désirée. Mais il reste que la figure de Kei reste celle qui est évidemment centrale et envers qui les pensées de notre héros vont toujours plus, comme un amour ou un idéal non-genré à atteindre, tandis qu'observer ici les réactions de Kei lui-même dit tout de son attachement sincère pour son ami. Quant à Ren, bien qu'arrivée plus tardivement que les autres dans l'histoire, elle conserve elle aussi tout son intérêt, à la fois en tant que soutien pour Kei, pour dire certaines choses importantes à Yôhei, et en restant un moyen pour Oshimi d'aborder encore sous un autre angle le rapport délicat que l'on peut avoir avec son propre corps.
Marqué par un événement fort, et toujours porté par son travail graphique et par son atmosphère sans fards (faisant que l'oeuvre reste à juste titre réservée à un public averti, au vu de ses scènes de mutilations et autres violences sexuelles), Welcome back, Alice voit l'auteur franchir encore un cap dans l'abord de son délicat sujet, tandis que tout semble désormais en place pour la conclusion dans le prochain volume.