Tadokoro-san Vol.1 - Manga

Tadokoro-san Vol.1 : Critiques

Tadokoro-san

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 19 Février 2024

Continuant de se développer à rythme très soutenu (trop soutenu, car avouons qu'il est impossible de tout suivre à ce rythme-là) depuis la fin d'année 2023, la collection Yuri des éditions Meian a accueilli, le mois dernier, une courte oeuvre en 4 tomes du nom de Tadokoro-san. Derrière cette série se cache Tatsubon, un mangaka que l'on découvre en France pour l'occasion, et qui fit ses premières armes en tant qu'assistant de Yuki Okada (autrice d'Adieu mon utérus aux éditions Akata), de Jin Kobayashi (auteur de School Rumble sorti autrefois chez Pika) et de Shizumu Watanabe (Real Account chez Kurokawa, My girlfriend is a fiction chez Delcourt...). Il a ensuite commencé sa carrière professionnelle vers 2010 et, avant de concevoir cette série, était plutôt branché fantasy, action et hentai (surtout avec supplément futanari, visiblement). C'est en 2018 qu'il entama Tadokoro-san, d'abord à titre personnel sur Pixiv, avant d'être repéré par l'éditeur Kill Time Communication pour une publication professionnelle de l'oeuvre entre 2019 et 2021 sur le site Web Comic Valkyrie. Après cela, le mangaka lança aussi, en 2022, un spin-off de Tadokoro-san nommé Inko-sensei, à titre amateur sous la forme d'un web-comic.

L'histoire nous immisce auprès de Kageko Tadokoro et de Sakurako Nikaidô, deux lycéennes de première, qui sont dans la même classe mais que tout semble opposer. Tadokoro a toujours été d'un naturel solitaire car sa passion pour le dessin de style manga lui a déjà valu des brimades par le passé. Restant seule dans son coin à exercer sa passion, elle continue d'être la cible de messes-basses et de moqueries, d'autant plus que son allure petite et transparente incite encore mins les gens à aller vers elle. Pour tuer le temps, elle se plaît alors à dessiner Nikaidô, la fille la plus populaire de l'école tant elle est belle, intelligente, aimable... Décidément, il n'y a aucune chance pour qu'une fille pareille se rapproche de Tadokoro. Enfin, c'est, en tout cas, ce que se dit notre héroïne... Alors, ci seulement elle savait à quel point, pour une raison que l'on découvrira vite, Nikaidô la trouve beaucoup trop mignonne et adorable ! Si bien que le jour où Nikaidô saisit l'opportunité de se rapprocher de l'exclue de la classe, ça risque d'être le début d'une jolie histoire d'amour...

Le moins que l'on puisse dire est que, dès le départ, Tatsubon assume de jouer sur les stéréotype en proposant une histoire entre deux filles que tout semble opposer: tandis que Nikaidô à tout de l'inaccessible beauté ultra populaire, Tadokoro est l'exact inverse. Rien de bien nouveau à l'horizon,c e qui se confirme dans la plupart des premiers événements qui répondent à tout un tas de poncifs: la situation gênante à l'infirmerie, le sauvetage classe face à un camion, l'achat de cadeaux clichés pour Noël, le chocolat partagé de façon particulière pour la Saint-Valentin, le retour d'une ancienne harceleuse qu'il va falloir remettre à sa place... l'auteur assumant même une part de fantasmes, une tension amoureuse parfois presque érotique entre les deux jeunes filles, dans une manière de présenter les choses qui nous rappelle bien qu'on est dans du manga lesbien écrit et dessiné par un mec. Ce qui n'est pas foncièrement un défaut: juste, ne vous attendez pas à un truc très fin et réaliste, mais plutôt à une vision fantasmée de l'amour naissant entre nos héroïnes. Plus encore venant de Kill Time Communication, un éditeur japonais qui est plutôt connu pour ça.

Bref, le déroulement de ce premier tome n'est pas surprenant pour un sous, ni même profond, tant toute possibilité de développement est survolée, l'exemple parfait étant le cas de Kirigaya, adolescente qui brimait Tadokoro au collège, qui revient à la charge mais qui cherche très vite à ses repentir sans approfondissement particulier... Mais peut-être est-ce aussi ça qui pourrait faire le charme de l'oeuvre auprès du lectorat ? En effet, on le sent bien à la lecture, et l'auteur le dit lui-même: il veut avant tout faire une tranche de vie positive, feel-good, ce qui peut expliquer qu'il ne s'attarde pas sur les sujets potentiellement plus durs de son récit (l'exclusion de Tadokoro en classe, les brimades, etc) et qu'il idéalise volontiers Nikaidô, le genre de fille qui a de quoi apparaître parfaite en tous points (même quand elle dit détester les gens médisants de façon cash, impossible qu'elle passe pour une "ennemie" auprès des autres filles). Et honnêtement, si on ne cherche rien de plus dans cette lecture, ça fonctionne suffisamment: malgré quelques brefs instants de lourdeur autour du lien fantasmé entre les deux héroïnes, il y a un vrai plaisir à les voir avancer très vite dans leur relation (ça change de certaines autres romances où les personnages se tournent autour pendant des plombes) et à les observer quand elles se mettent dans tous leurs états en pensant l'une à l'autre, en particulier dans tous les petits instant où Nikaidô se montre gaga de Tadokoro qu'elle adore observer en la trouvant trop mimi, ce qui est assez chou à voir.

Reste la question du rendu visuel et narratif. Côté dessin, Tatsubon a le mérite de proposer des designs bien variés, en jouant beaucoup sur les visages des filles (forme des yeux, taille des pupilles, coiffure...), ce qui confère à chacune d'elles un charme propre. Ajoutons à ça un découpage clair et efficace ainsi que des décors classiques et présents juste quand il le faut (car l'accent est vraiment mis sur les héroïnes), et on obtient un rendu assez agréable sans avoir de grande prétention. En revanche, l'écriture est parfois à revoir (et on ne parle pas là de la traduction de Vanessa Gallon qui fait bien le job) : c'est souvent simpliste, et surtout il y a de quoi regretter plusieurs moments où l'auteur se sent obligé d'expliquer des trucs qu'on est censés apprécier par son dessin, à l'image du moment où Tadokoro est partagée entre la joie et la confusion après avoir donné son portrait à Nikaidô.

A l'arrivée, que penser de ce premier tome ? Eh bien, à défaut de proposer le moindre réel approfondissement sur un sujet pourtant riche en possibilités, Tatsubon lance ici une histoire d'amour qui, derrière ses nombreux clichés et ses éléments fantasmatiques, dégage une tonalité positive et finalement un charme suffisamment entraînants pour qu'on se laisse tenter par la lecture de la suite, d'autant plus que la série est courte.

Enfin, côté édition, au-delà de la traduction dont on a déjà parlé, on trouve une jaquette proche de l'originale japonaise et dorée d'un vernis sélectif sur le logo-titre, un papier assez épais malgré une très légère transparence par moments, une impression correcte, et un lettrage propre de la part d'Aude Boyer.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13.25 20
Note de la rédaction