Sun-Ken Rock - Edition Deluxe Vol.1 - Manga

Sun-Ken Rock - Edition Deluxe Vol.1 : Critiques

Sen Ken Rokku

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 13 Décembre 2018

En plus d'être l’œuvre majeure de Boichi, Sun Ken Rock est le titre phare des éditions Doki-Doki. Terminé en 25 tomes, il ne bénéficiait d'aucune édition deluxe au Japon... mais c'est désormais chose faite en France. Ainsi, Doki-Doki nous propose une réédition dans un plus grand format, double, avec jaquettes cartonnées, pages couleurs et pages de suppléments. Une version exclusive à la France, donc, et qui a le mérite de remettre aux goûts du jour la série majeure de l'auteur, à l'heure où celui-ci connait un autre grand succès avec Dr. Stone.

Adolescent de 16 ans, Ken Kitano n'avait plus rien pour lui, ni famille ni entourage. S'exprimant surtout avec ses poings, il a trouvé un certain réconfort auprès de Yumin, une fille de son lycée dont il est tombé éperdument amoureux. Seulement, Yumin étant coréenne, la demoiselle décide de repartir dans son pays natal après le lycée afin de devenir policière. Ne suivant que ses sentiments, Ken prend le même chemin qu'elle, mais n'a pas la même chance. Logeant dans une chambre étroite, il a été recalé lors de sa tentative d'entrée dans la police de Seoul... Mais Ken n'a pas perdu l'usage de ses poings, ni son sens de la Justice. Et c'est lorsqu'il corrige quelques malfrats que Park Tae-Soo, chef d'une petite bande, demande à Ken d'entrer à son service...

Avec Sun-Ken Rock, du moins ce premier tome (double), c'est le genre de la fiction de gangster qu'explore Boichi. Né en Corée, il place volontairement l'action du sein de son pays d'origine, ce qui peut déjà symboliser un certain dépaysement pour les lecteurs habitués seulement aux manga se déroulant au Japon ou dans des univers imaginaires. Et très rapidement, on sent une certaine patte d'auteur derrière ce début de série, le contexte de la mafia coréenne lui permettant de développer de nombreuses autres idées, et ne servant pas simplement à planter des scènes d'action à tout va.

L'histoire se veut néanmoins assez simple, celle-ci nous proposant de suivre Ken Kitano, un japonais se voyant hissé à la tête d'un petit gang, faut de trouver un meilleur emploi. Sur un premier degré de lecture, on peut alors y voir un début d’œuvre pêchu et jonglant habilement entre action et humour. Le gang de Ken est donc présenté de manière aussi imposante que comique, Boichi jonglant entre le charisme et les pitreries pour présenter la Sun-Ken Team. Pour l'heure, ces personnages n'ont pas encore raconté grand chose, mais l'alchimie entre eux fonctionne déjà remarquablement. Pour un début d'intrigue fleuve, c'est déjà un excellent point.

En parallèle, ce premier double-volume montre aussi une facette plus subtile, à côté de laquelle il est difficile de passer tant Boichi met du cœur dans cet aspect plus mature de son œuvre. Outre être un manga de baston, Sun-Ken Rock se présente aussi comme un titre véhiculant déjà de forts messages sociaux, et ne prenant parfois aucune pincette pour le présenter. Si le monde des gangs coréens peut sembler attrayant quand on observe Ken et les siens, c'est un univers peu ragoûtant qui est dépeint quand l'auteur développe un peu plus son idée. Plutôt que le Seoul chic et moderne, Boichi s'intéresse aux quartiers plus pauvres, ceux où il est nécessaire de faire des sacrifices pour survivre. Dans ce climat, les idéaux de Justice de Ken semblent bien naïfs, mais paradoxalement très importants. L'idée est, pour l'autre, bien traitée et surtout bien dosée, Boichi se permettant même des scènes de viol où l'idée n'est jamais de montrer ces scènes sous un angle voyeuriste (n'est-ce pas Dead Tube?), bien au contraire tant ces séquences sont écœurantes, parfois même insoutenables, mais l'auteur rebondissant à travers de jolis messages d'espoirs concernant la dignité humaine. On notera alors que bien que l'artiste aime représenter de jolies filles (ce qui deviendra sa marque de fabrique), ce tome ne tombe jamais dans le vulgaire. L'érotisme, léger, est présent quand le moment s'y prête, et sait se faire plus discret quand la tonalité devient plus grave.

A travers cette vision des gangs, Boichi se permet même de parler de l'Etat, celui qui existe dans tout pays civilisé, et qui peut être remis en question. L'auteur n'y va pas par quatre chemin, et fait un parallèle entre la Nation et les gangs, ce qui, en soit, dresse un portrait peu optimiste de notre monde. Dans ce premier double-tome, l’État est la cause de bien des drames humains, au même titre que les gangs, et suit le même fonctionnement. L'idée est osée et plus qu'intéressante, aussi il y a de quoi être curieux de voir de quelle manière l'auteur explorera cette thématique par la suite.

On pourrait alors parler en long et en large de toutes les idées véhiculées par Boichi dans ce premier tome, mais la chronique n'en finirait pas. Le plus touchante, chez le mangaka, vient sûrement de sa manière de parler de la Guerre du Vietnam, durant laquelle la Corée a joué un rôle peu flatteur. La culpabilité de Boichi en tant que coréen, est transcendé de manière émouvante ici, servant aussi à renforcer les messages humains d'espoir et de pardon. Derrière ses airs bourrus, ce début de Sun-Ken Rock est une œuvre profondément humaine, lançant alors la série avec une belle force de tonalité.

Enfin, c'est bien l'édition qui donne une certaine noblesse à l’œuvre. La couverture rigide et le papier de qualité donnent lieu à un beau livre, et on appréciera les nombreux suppléments, qu'il s'agisse des page couleur, de quelques crayonnés, ou d'une interview du mangaka. Si le prix de cette version est un peu plus élevé que les deux premiers volumes à l'unité, l'édition en vaut la chandelle pour les grands fans de l’œuvre de Boichi, ou pour ceux qui aimeraient découvrir Sun-Ken Rock dans de bonnes conditions.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs